La victime du meurtre, une femme blanche de 42 ans, a été tuée à coups de couteau à son domicile de University City, à St. Louis, au Missouri, le 11 août 1998. N’ayant aucune piste, la police a suggéré que la famille de la victime propose une récompense de 10 000 dollars pour des informations permettant d’identifier l’agresseur. Un homme (H.C.) a contacté la police pour affirmer que Marcellus Williams (arrêté dans une affaire distincte) lui avait dit alors qu’ils partageaient une cellule qu’il avait commis le meurtre. H.C. a dirigé la police vers L.A., une ancienne petite amie de Marcellus Williams, qui a également accusé Marcellus Williams. Les autorités ont inculpé Marcellus Williams du meurtre.
L’auteur a laissé derrière lui une scène de crime contenant de nombreux éléments matériels, notamment des empreintes digitales, des cheveux, des empreintes de semelles ensanglantées, ainsi que l’arme du crime, un couteau provenant de la cuisine de la victime, toujours logé dans le cou de celle-ci. Aucun de ces éléments ne lient cependant Marcellus Williams à ce meurtre. Au procès de 2001, le procureur a écarté six des sept futurs jurés noirs. Le jury était composé de 11 jurés blancs et d’un juré noir. Le dossier de l’accusation reposait principalement sur les témoignages de H.C. et de L.A. La seule autre preuve provenait d’un témoin qui a déclaré que Marcellus Williams lui avait vendu un ordinateur portable pris chez la victime. Le jury a voté pour le déclarer coupable d’homicide volontaire et pour prononcer la peine de mort, ce que le juge a fait le 27 août 2001.
En 2010, un juge fédéral a ordonné que Marcellus Williams bénéficie d’une nouvelle audience de détermination de la peine, après avoir constaté que son avocat n’avait pas signalé, lors du procès de première instance, de circonstances atténuantes montrant qu’il avait été soumis à des violences physiques et sexuelles par des membres de sa famille, et qu’il avait été exposé aux armes, à la drogue et à l’alcool très jeune. La Cour d’appel des États-Unis a infirmé cette décision par deux voix contre une, en appliquant une norme de déférence très élevée pour la révision fédérale des décisions des tribunaux d’État. Le juge minoritaire a accusé ses deux collègues de « déférence déraisonnable à l’égard d’une stratégie déraisonnable fondée sur une enquête déraisonnable » menée par le parquet.
Des informations mises au jour depuis le procès remettent fortement en cause le bien-fondé de la condamnation. Des traces d’ADN masculin figuraient sur l’arme du crime, un couteau de cuisine logé dans le cou de la victime. Trois experts en ADN ont examiné les tests ADN post-condamnation de ce couteau et chacun a indépendamment exclu Marcellus Williams comme source de cet ADN. Par ailleurs, des membres de la famille de H.C. ont fourni des déclarations sous serment selon lesquelles il mentait souvent, notamment à la police, pour tenter d’obtenir la clémence des autorités dans le cadre de poursuites le visant. Un de ses neveux, par exemple, a déclaré que « tout le monde dans la famille savait » qu’il avait « inventé l’histoire » du meurtre commis par Marcellus Williams, et qu’il l’avait fait parce qu’il voulait l’argent de la récompense pour quitter la ville et se rendre à New York.
Des amis de L.A. ont également signé des déclarations sous serment indiquant qu’elle était une informatrice connue de la police et comptait obtenir de l’argent pour son témoignage contre Marcellus Williams. Enfin, le témoin ayant affirmé au procès que Marcellus Williams lui avait vendu l’ordinateur portable a signé une déclaration sous serment selon laquelle Marcellus Williams lui avait dit que l’ordinateur portable appartenait à L.A., et que s’il avait été interrogé au procès, il en aurait informé le jury.
En janvier 2024, l’actuel procureur du comté de St. Louis a déposé une requête visant à faire annuler la condamnation de Marcellus Williams. Il avait conclu que « de nouvelles preuves semblent indiquer que M. Williams est en réalité innocent ».
Les éléments ADN qui le disculpent, a-t-il déclaré, « lorsqu’ils sont associés au manque relatif d’autres preuves crédibles étayant la culpabilité, ainsi qu’à la prise en compte de l’inefficacité de sa représentation juridique, et de la discrimination raciale dans la sélection du jury, jettent un doute implacable sur la déclaration de culpabilité et la condamnation de M. Williams ». Une audience a été fixée au 21 août 2024 sur la requête en annulation, mais à la veille de l’audience, le procureur a découvert que l’arme du crime avait été contaminée par l’ADN de membres de l’accusation, détruisant ainsi la possibilité d’identifier la source de l’ADN masculin (et son éventuel auteur).
Compte tenu de cette évolution, et afin d’empêcher son exécution, Marcellus Williams a déposé un « plaidoyer Alford », n’admettant pas sa culpabilité mais acceptant une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Le procureur du comté a donné son accord. Cependant, le procureur général de l’État s’y est opposé et la Cour suprême du Missouri a empêché le juge de prononcer une nouvelle condamnation. Le juge a ensuite tenu une audience consacrée à l’examen des preuves le 28 août 2024.
Le parquet a concédé que des erreurs constitutionnelles commises précédemment avaient contribué au manque de fiabilité de la déclaration de culpabilité et de la condamnation à mort. Le 12 septembre, le juge a rendu sa décision, concluant que « rien ne permet à un tribunal de conclure à l’innocence de Williams, et aucun tribunal n’a rendu une telle conclusion. Williams est coupable d’homicide volontaire et a été condamné à mort. » Il a rejeté la requête en annulation, confirmant la date d’exécution.
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, créé en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ratifié par les États-Unis en 1992), a déclaré : « L’exécution d’une personne dont la culpabilité n’a pas été établie au-delà de tout doute raisonnable constitue une privation arbitraire de la vie ».
Le Missouri est responsable de 99 des 1 595 exécutions menées aux États-Unis depuis 1976, lorsque la Cour suprême des États-Unis a confirmé les nouvelles lois relatives à la peine capitale. Treize personnes ont été exécutées aux États-Unis cette année, dont deux dans le Missouri. Depuis 1973 aux États-Unis, au moins 200 personnes ont été déclarées coupables et condamnées à mort avant d’être exonérées, dont quatre dans le Missouri.