Maks Bokaev et Talgat Ayan ont été arrêtés le 17 mai dans la ville d’Atyrau (région d’Atyrau, dans l’ouest du Kazakhstan) parce qu’ils avaient déclaré publiquement, au moyen de commentaires publiés sur les réseaux sociaux, qu’ils avaient l’intention de participer aux manifestations prévues pour le 21 mai, et encouragé d’autres personnes à faire de même. Dans ces commentaires, ils avaient également déclaré avoir déposé auprès des autorités locales de la ville d’Atyrau des demandes d’autorisation pour la tenue d’une manifestation le 21 mai (conformément aux exigences de la législation nationale), mais que ces demandes avaient été rejetées.
Le 17 mai, Maks Bokaev et Talgat Ayan ont tous deux été condamnés à 15 jours de détention administrative au titre de l’article 488 du Code des infractions administratives, pour avoir « enfreint la législation de la République du Kazakhstan sur l’organisation et la tenue de rassemblements pacifiques ». Trente-deux autres personnes au moins ont également été arrêtées à travers le Kazakhstan dans les jours qui ont précédé le 21 mai, et placées en détention administrative pendant 10 à 15 jours ; la plupart ont été arrêtées pour avoir indiqué, dans des commentaires publiés sur les réseaux sociaux, qu’elles avaient l’intention de manifester le 21 mai.
Le 24 mai, une semaine avant le terme prévu pour leur détention administrative, Maks Bokaev et Talgat Ayan ont été inculpés au titre d’articles du Code pénal et placés en détention provisoire. Ils ont été maintenus en détention provisoire jusqu’à leur condamnation le 28 novembre. Ils ont été déclarés coupables en raison de leurs commentaires publiés sur les réseaux sociaux au cours des jours qui ont précédé le 17 mai, et de leur participation à une manifestation « non autorisée » le 24 avril.
Leur procès, qui s’est ouvert le 12 octobre, n’a pas été conforme aux garanties relatives à l’équité des procès, notamment à celles prévues par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Kazakhstan. Par exemple, l’accès aux observateurs du procès a été restreint, et les avocats de Maks Bokaev et de Talgat Ayan n’ont pas pu avoir accès à certaines des informations contenues dans le dossier du procureur, ni bénéficier du temps suffisant pour examiner les éléments du dossier.
Maks Bokaev souffre depuis cinq ans d’une hépatite C chronique. Il y a deux ans, il avait obtenu une rémission grâce à un traitement efficace, mais depuis son placement en détention, son état de santé s’est fortement dégradé. Selon sa famille, il est privé des soins dont il a besoin, notamment d’un traitement antiviral, et souffre de complications. Le 18 octobre, une ambulance a été appelée et il a été pris en charge dans la salle d’audience et emmené à l’hôpital, où on a diagnostiqué chez lui une cholécystite et une pancréatite. L’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Mandela) précise que l’État a la responsabilité d’assurer des soins de santé aux détenus et que ceux-ci doivent recevoir des soins de même qualité que ceux disponibles dans la société, sans discrimination.
Ces règles prévoient également que les détenus qui requièrent des traitements spécialisés doivent être transférés dans des établissements spécialisés ou dans des hôpitaux à l’extérieur du centre de détention, lorsque ces soins ne sont pas disponibles en prison. Le fait de ne pas prodiguer aux détenus des soins de santé adaptés peut constituer une violation de l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment au titre de l’article 7 du PIDCP et de la Convention contre la torture, qui ont l’un et l’autre été ratifiés par le Kazakhstan.
Des manifestations ont eu lieu dans tout le pays à la fin du mois d’avril et en mai pour protester contre une proposition de modification du Code foncier visant à permettre de privatiser des terres agricoles non utilisées appartenant à l’État et de les vendre à des citoyens du Kazakhstan ou de les louer à des étrangers pour une durée pouvant aller jusqu’à 25 ans. Un moratoire présidentiel sur ces modifications a été mis en place en mai, ce qui signifie qu’elles ont été abandonnées pour l’instant.
Le droit à la liberté de réunion pacifique est inscrit dans des traités internationaux relatifs aux droits humains qui sont juridiquement contraignants et que le Kazakhstan a ratifiés, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 21). Ce droit, comme l’exposent le droit international et les normes afférentes, ne devrait pas être soumis à l’autorisation des autorités gouvernementales. Celles-ci peuvent demander à être informées à l’avance des rassemblements, afin d’aider à l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique et de prendre des mesures visant à garantir la sécurité publique ou protéger les droits d’autrui, mais cela ne doit pas se traduire par l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour de telles manifestations.