Écrire Commutation de peine pour un poète

Le poète et artiste palestinien Ashraf Fayadh a vu sa condamnation à mort annulée par un tribunal saoudien et commuée en huit ans de prison et 800 coups de fouet. Cet homme est un prisonnier d’opinion.

Le 2 février 2015, le tribunal général d’Abha, dans le sud-ouest de l’Arabie saoudite, a commué la peine de mort prononcée contre Ashraf Fayadh en huit ans d’emprisonnement et 800 coups de fouet. L’avocat du prévenu a indiqué que le tribunal avait ordonné à son client de faire une déclaration de repentir dans les médias saoudiens officiels. Cette même juridiction avait initialement condamné Ashraf Fayadh à quatre ans de prison et 800 coups de fouet pour les mêmes charges, avant de prononcer la peine capitale sur recommandation d’une cour d’appel. L’avocat de la défense a indiqué qu’il formulerait un recours.

Ashraf Fayadh, 35 ans, a été appréhendé le 6 août 2013 à la suite d’une plainte déposée par un citoyen saoudien, selon laquelle le poète faisait l’éloge de l’athéisme et diffusait des idées blasphématoires parmi les jeunes. Libéré le lendemain, il a de nouveau été arrêté le 1er janvier 2014 et inculpé d’apostasie pour avoir supposément remis la religion en cause et véhiculé la pensée athéiste dans ses poèmes. Il a également été accusé d’avoir enfreint l’article 6 de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité pour avoir pris et enregistré des photos de femmes sur son téléphone portable.

Le 30 avril 2014, le tribunal général d’Abha l’a condamné à quatre ans de prison et 800 coups de fouet pour ce second chef d’inculpation. En revanche, en ce qui concerne l’accusation d’apostasie, il a estimé que le repentir du poète était satisfaisant. Une cour d’appel a néanmoins recommandé la condamnation de cet homme pour apostasie et renvoyé l’affaire devant le tribunal général, qui a alors prononcé la peine de mort le 17 novembre 2015. Ashraf Fayadh n’a pas pu s’entretenir avec un avocat pendant sa détention et son procès, ce qui est contraire au droit saoudien et au droit international.

Depuis 2012, les autorités saoudiennes persécutent en toute impunité leurs détracteurs, les acteurs de la société civile et les défenseurs des droits humains, aussi bien par le biais d’actions en justice que par des moyens extrajudiciaires comme des interdictions de voyager. Les fondateurs de l’Association saoudienne des droits civils et politique (ACPRA), organisation indépendante de défense des droits, sont les principales cibles de cette répression. Huit d’entre eux sont actuellement en prison, qu’ils purgent leur peine ou attendent l’issue de leur nouveau procès devant le tribunal antiterroriste. Deux autres, Abdulaziz al Shubaili et Issa al Hamid, sont en liberté en attendant de connaître la décision de ce tribunal à leur égard.

Abdullah al Hamid, Mohammad al Qahtani, Suliaman al Rashudi, Abdulkareem al Khoder, Abdulrahman al Hamid et Fowzan al Harbi purgent des peines de prison allant jusqu’à 15 ans, assorties d’une interdiction de voyager de même durée, en raison de leur militantisme pacifique. Salah al Ashan est détenu sans inculpation ni jugement depuis avril 2012. En mars 2013, le tribunal antiterroriste a ordonné la dissolution de l’ACPRA, la confiscation de ses biens et la fermeture de ses comptes sur les réseaux sociaux.

Parmi les militants persécutés par les autorités figurent Waleed Abu al Khair, avocat spécialiste des droits humains, et Fadhel al Manasif (voir https://www.amnesty.org/en/documents/mde23/1546/2015/en/ et
https://www.amnesty.org/en/documents/MDE23/008/2014/en/).

Le 13 octobre 2015, le militant Abdulaziz al Sunaidi a été condamné par le tribunal pénal spécial de Riyadh, la capitale du pays, à une peine de huit ans de prison assortie d’une interdiction de voyager de même durée et d’une amende de 50 000 riyals saoudiens (soit environ 12 500 euros) pour avoir enfreint l’article 6 de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité au travers de ses écrits et de ses messages sur Twitter. Cet homme n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat pendant sa détention, son interrogatoire et son procès.

Le 21 décembre 2015, Zuhair Kutbi, célèbre écrivain, commentateur et détracteur du gouvernement a été déclaré coupable d’infraction à la Loi antiterroriste et à l’article 6 de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité pour avoir « manipulé l’opinion publique », « semé la discorde » et « nui au respect de la loi parmi la population ». Cet homme a été condamné à une peine de quatre ans de prison assortie d’une interdiction de voyager à l’étranger pendant cinq ans, d’une amende de 100 000 riyals saoudiens (soit un peu plus de 19 000 euros) et d’une interdiction d’écrire et d’accorder des entretiens aux médias pendant 15 ans. Il s’est également vu ordonner de supprimer ses profils sur les réseaux sociaux. En raison de son état de santé, il bénéficie d’un sursis de deux ans mais il devra purger l’intégralité de sa peine s’il commet une nouvelle « infraction ». Il semble que Zuhair Kutbi ait été appréhendé le 15 juillet 2015 pour les propos qu’il a tenus le 25 juin dernier sur le plateau de l’émission télévisée Fi al Samim (« Droit au but ») sur la chaîne satellite Rotana Khalijia. À cette occasion, il a dénoncé la répression politique en Arabie saoudite et appelé à des réformes, notamment pour transformer le régime politique actuel du pays en monarchie constitutionnelle.

Amnesty International considère toutes les personnes citées plus haut comme des prisonniers d’opinion, détenus uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits aux libertés d’expression et de réunion, et réclame leur libération immédiate et inconditionnelle.

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