ACTION URGENTE
Arabie saoudite. Condamnation d’une personne agée de 16 ans au moment des faits
Un Saoudien chiite a été condamné à mort par le Tribunal pénal spécial pour des infractions commises alors qu’il n’était âgé que de 16 ans. Il affirme avoir été détenu au secret et à l’isolement pendant cinq mois et forcé à « avouer ».
Abdulkareem al Hawaj a été condamné à mort le 27 juillet par le Tribunal pénal spécial siégeant à Riyadh pour plusieurs infractions, notamment « jet de deux cocktails Molotov », « participation à des émeutes pendant lesquelles un véhicule blindé a été touché », « participation à des rassemblements illégaux et slogans hostiles à l’État » et utilisation des réseaux sociaux pour partager des photos et des séquences vidéo de manifestations organisées à Qatif et Bahreïn et pour « insulter les dirigeants ». Selon les documents de procédure, ces actes ont été commis pendant le Ramadan en août 2012, alors qu’Abdulkareem al Hawaj était âgé de 16 ans. Le tribunal semble avoir fondé sa décision uniquement sur les « aveux » que le jeune homme affirme avoir été contraint à prononcer alors qu’il était détenu au secret et torturé. La famille a interjeté appel.
Selon les informations reçues par Amnesty International, Abdulkareem al Hawaj a été arrêté le 16 janvier 2014 au point de contrôle d’Al Awamiyyah, un village situé dans la région de Qatif (province saoudienne de l’Est). Il a été emmené à la prison de la Direction générale des enquêtes (GDI ou Al Mabahith) à Al Qatif, où les gardiens lui ont, selon ses dires, asséné des coups de poing, de chaussure et de bâton. Au bout d’une semaine, il a été emmené à la prison de la GDI à Dammam, dans l’est de l’Arabie saoudite, où il aurait été torturé pendant les interrogatoires afin qu’il rédige et signe des « aveux » ; on l’aurait notamment passé à tabac et on aurait menacé de tuer sa famille.
Abdulkareem al Hawaj n’avait pas pu consulter d’avocat pendant sa détention provisoire et ses interrogatoires et a déclaré avoir été détenu au secret et à l’isolement pendant les cinq premiers mois. Sa famille l’a cherché dans les postes de police et les prisons de Qatif mais on lui a répondu qu’il ne s’y trouvait pas. Elle n’a su où il se trouvait que lorsqu’un responsable de la prison de la GDI à Dammam, où il est détenu actuellement, a téléphoné environ cinq mois après son arrestation pour indiquer qu’il était incarcéré à cet endroit et qu’il était désormais possible de lui rendre visite. Selon les documents de procédure, il a été détenu sans inculpation pendant plus de deux ans. Il réfute toutes les charges retenues contre lui et nie avoir participé aux actes que l’accusation lui impute.
Écrire Condamnation d’une personne agée de 16 ans au moment des faits
L’Arabie saoudite compte parmi les pays du globe qui exécutent le plus grand nombre de prisonniers ; plus de 2 200 personnes ont été mises à mort de 1985 à 2015. Depuis le début de l’année, au moins 118 personnes y ont été exécutées.
Par ailleurs, l’Arabie saoudite condamne à mort et exécute des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés, ce qui est contraire aux obligations du pays en vertu du droit international coutumier et de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Les autorités manquent fréquemment d’observer les normes internationales en matière d’équité des procès, ainsi que les Garanties des Nations unies pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort. Bien souvent, les affaires où l’accusé encourt la peine capitale sont examinées en secret dans le cadre de procédures iniques et souvent sommaires, sans que l’intéressé puisse bénéficier d’une assistance juridique au cours des différentes phases de sa détention et de son procès. Ils peuvent être déclarés coupables uniquement sur la base d’« aveux » obtenus sous la torture ou d’autres formes de mauvais traitements.
Les tensions entre les membres de la communauté chiite et les autorités saoudiennes se sont accrues depuis 2011 lorsque, en partie inspirés par les mouvements de protestation qui ont balayé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, les Saoudiens vivant dans la province de l’Est, majoritairement chiite, ont réclamé des réformes. Depuis 2011, des manifestations ont lieu pour protester contre l’arrestation, l’emprisonnement et le harcèlement de chiites pris pour cible pour avoir organisé des réunions de prière collective, célébré des fêtes chiites ou enfreint les restrictions pesant sur la construction de mosquées et d’écoles religieuses chiites.
Les pouvoirs publics répliquent par des mesures répressives contre les personnes soupçonnées de soutenir ces événements ou d’y participer, ou encore de critiquer les autorités. Des manifestants ont été détenus sans inculpation et au secret pendant des jours, voire des semaines. Certains déclarent avoir été victimes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements. Nombre des personnes déférées à la justice ont été inculpées uniquement pour avoir pris part aux manifestations.
Parmi les personnes condamnées à mort à la suite des manifestations figuraient aussi Ali al Nimr, neveu du dignitaire religieux chiite Nimr al Nimr, qui avait 17 ans au moment de son arrestation et a été exécuté en même temps que 46 autres personnes le 2 janvier, ainsi qu’Abdullah al Zaher et Dawood al Marhoon, âgés respectivement de 16 et 17 ans lorsqu’ils ont été arrêtés.
Ali al Nimr a été condamné à mort le 27 mai 2014 par le Tribunal pénal spécial siégeant à Djeddah, après avoir été déclaré coupable des mêmes charges qu’Abdulkareem al Hawaj (voir l’AU 143/14, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde23/014/2014/fr/). Dawood al Marhoon et Abdullah al Zaher ont été condamnés le 22 octobre 2014 par le Tribunal pénal spécial siégeant à Riyadh pour des charges similaires. Dans ces trois affaires, le tribunal semble avoir fondé sa décision sur des « aveux » qui, selon Ali al Nimr, Abdullah al Zaher et Dawood al Marhoon, leur ont été extorqués sous la torture et au moyen d’autres formes de mauvais traitements.
Le droit international autorise le recours à la peine de mort uniquement pour les « crimes les plus graves », ce que les experts de l’ONU ont interprété comme correspondant uniquement aux « homicides volontaires ».
La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Amnesty International y est opposée en toutes circonstances, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l’innocence et quels que soient l’accusé, le crime commis et la méthode d’exécution.
Nom : Abdulkareem al Hawaj
Homme
Action terminée