La Crimée est passée sous contrôle russe à la suite des événements de février-mars 2014, lorsque la Russie a envoyé ses troupes pour occuper la péninsule et organisé un « référendum » pour justifier l’annexion de ce territoire en violation du droit international.
Les Tatars de Crimée sont un peuple autochtone de Crimée qui, avant l’occupation, représentait environ 12 % de la population de la péninsule. De nombreux membres influents de la minorité tatare de Crimée sont parmi les opposants les plus farouches à l’occupation russe. Les autorités de facto ont considéré cette communauté tout entière comme déloyale et l’ont soumise à des représailles, comme elles l’ont fait avec d’autres personnes qui avaient exprimé des critiques. Des médias indépendants ont été contraints à cesser leurs activités. Des militant·e·s favorables à l’Ukraine ont été poursuivis sur la base de chefs d’accusation forgés de toutes pièces, par exemple pour « extrémisme » ou « terrorisme ».
Certains ont été portés disparus ; des éléments présents dans plusieurs cas laissent fortement à penser que ces personnes ont été soumises à une disparition forcée par les autorités de facto ou par des paramilitaires agissant pour leur compte.
Emir-Ousseïn Koukou est l’un des plus éminents défenseurs tatars des droits fondamentaux en Crimée. Il a été harcelé à maintes reprises et, lors de son arrestation, il a été roué de coups par des agents du Service fédéral de sécurité (FSB) russe. Sa femme et ses enfants ont également été menacés.
Emir-Ousseïn Koukou a été arrêté le 11 février 2016 et inculpé d’« organisation des activités d’un groupe terroriste » pour ses liens présumés avec Hizb ut Tahrir, un mouvement islamique considéré comme « extrémiste » et interdit en Russie, mais pas en Ukraine. Il nie tout lien avec ce mouvement. Les accusations portées contre lui et ses coaccusés reposent sur des conversations enregistrées, obtenues secrètement et qui auraient été trafiquées, ainsi que sur des déclarations de « témoins secrets » et de policiers russes, qui seraient de faux témoignages selon les accusés.
Lorsque l’enquête a pris fin en décembre 2017, Emir-Ousseïn Koukou et ses coaccusés ont été transférés depuis la Crimée sous occupation russe vers la ville de Rostov-sur-le-Don (sud-ouest de la Russie), en violation du droit international humanitaire. Leur procès devant un tribunal militaire constituait aussi une violation de leur droit à un procès équitable.
Bien que le parquet n’ait présenté aucun élément prouvant de manière convaincante qu’Emir-Ousseïn Koukou, Mouslim Aliev, Vadim Sirouk, Enver Bekirov, Arsen Djepparov et Refat Alimov aient commis une infraction reconnue par le droit international au cours de leur procès, le tribunal les a déclarés coupables d’appartenance à une organisation « terroriste » (article 205.5 du Code pénal russe) et d’autres infractions. Emir-Ousseïn Koukou a en outre été inculpé de « conspiration en vue de prendre le pouvoir par la violence » (article 278 du Code pénal russe). Une délégation d’Amnesty International a assisté à plusieurs audiences de leur procès.