Écrire Construction d’une route au-dessus de tombes individuelles et d’une fosse commune

Les autorités détruisent actuellement des tombes individuelles et une fosse commune où sont enterrés des dissidents politiques victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires à Ahvaz (sud de l’Iran) dans les années 1980, occasionnant aux familles des victimes une détresse et des souffrances indescriptibles. Les familles craignent de subir de nouvelles persécutions si elles s’expriment à ce sujet.

Les autorités iraniennes construisent actuellement une route à Ahvaz (province du Khuzestan) au-dessus d’une fosse commune et de dizaines de tombes individuelles qui contiennent les corps de dizaines de dissidents politiques, femmes et hommes, victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires dans les années 1980, notamment pendant le massacre de 1988. Depuis le 20 juillet 2018, des photos et des vidéos circulent, montrant que la structure en béton qui signalait la présence de la fosse commune et des dizaines de tombes individuelles ont été brisées.

Les tombes disparaissent maintenant sous une accumulation de terre et de débris. Un panneau officiel placé sur le site indique que le projet a pour but la construction d’un « boulevard » et la création d’un parc d’environ huit hectares, et qu’il est placé sous la supervision de la municipalité d’Ahvaz.

Les familles des victimes à Ahvaz ont appris l’existence d’un projet de construction en mai 2017. Selon les informations communiquées à Amnesty International par des défenseurs des droits humains à l’extérieur de l’Iran, les autorités municipales avaient promis aux familles que la route ne passerait pas au-dessus des tombes individuelles et de la fosse commune. Cependant, lorsque les familles se sont rendues sur place le 20 juillet 2018, elles ont constaté que les autorités avaient détruit les tombes. Un témoin a signalé que les jours suivants, des barbelés avaient été placés autour du site et qu’il était désormais sous haute surveillance.

La destruction de ces tombes intervient à la suite d’une campagne de disparitions forcées menée par les autorités pendant trois décennies.

Pendant cette période, les autorités ont tu la vérité sur le sort des personnes tuées de manière extrajudiciaire en 1988, privant les familles du droit de récupérer et d’enterrer les dépouilles de leurs proches dans le respect de leurs traditions, profané le site en le transformant en décharge, interdit la pratique de rituels funéraires et réprimé l’expression de toute critique en public au sujet de ces homicides. La souffrance morale et la détresse qu’ont fait subir aux familles les décisions prises par les autorités - disparitions forcées et exécutions secrètes de leurs proches, dissimulation du lieu où les corps étaient enterrés et profanation des tombes ¬ constituent une forme de torture ou autres traitements cruels, inhumains et dégradants, prohibés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Au début des années 1980, les autorités de la toute nouvelle République islamique d’Iran ont exécuté des milliers de dissidents politiques, y compris des prisonniers d’opinion, sans jugement ou à l’issue de « procès » manifestement iniques tenus dans les prisons, qui étaient bâclés en quelques minutes. Dans de nombreux cas, les autorités n’ont pas restitué les corps aux familles et les ont orientées vers des tombes individuelles à la périphérie des cimetières, affirmant que leurs proches y étaient enterrés.

Des milliers de personnes ont également été condamnées à de longues peines de prison, souvent prononcées en raison de leur dissidence pacifique, notamment pour distribution de journaux et de tracts et pour leurs liens réels ou supposés avec diverses formations politiques d’opposition.

Nombre de ces personnes sont restées en prison jusqu’au massacre et aux disparitions forcées de 1988, qui ont débuté peu après la fin de la guerre Iran-Irak et une incursion armée ratée menée cette année-là par l’Organisation des moudjahidin du peuple d’Iran (OMPI), un groupe d’opposition interdit qui prône le renversement de la République islamique. Dans tout le pays, des prisonniers ont alors été placés au secret et l’on a été sans nouvelle d’eux pendant plusieurs mois. Parmi leurs proches, des informations ont circulé, selon lesquelles des prisonniers étaient exécutés par groupes et ensevelis dans des fosses communes. Des familles éperdues de douleur ont parcouru les cimetières, à la recherche de traces de tranchées fraîchement creusées.

À partir de la fin de l’année 1988, les autorités judiciaires ou carcérales ont informé oralement les familles que leurs proches avaient été tués. Cependant, les corps ne leur ont pas été restitués et la plupart des sites d’inhumation n’ont pas été révélés. Aujourd’hui, le nombre de victimes du massacre de 1988 n’est toujours pas connu ; selon les estimations des organisations de défense des droits humains, il s’élèverait au minimum à 4 000 à 5 000 personnes. Aucun responsable iranien n’a fait l’objet d’une enquête ni été traduit en justice. Certaines personnes soupçonnées de responsabilité pénale occupent toujours des postes influents, notamment au sein du système judiciaire et du ministère de la Justice.

À Ahvaz, des familles de prisonniers exécutés en 1988 ont indiqué que plusieurs pasdaran (gardiens de la révolution) les avaient emmenées sur un terrain nu en novembre 1988, leur avaient montré une dalle de béton et leur avaient dit que leurs proches avaient été enterrés en dessous. Les familles pensent que les autorités ont coulé du béton au-dessus de la fosse commune juste après l’ensevelissement, afin de les empêcher de creuser le sol pour récupérer les corps. À proximité de cette fosse commune se trouvent également des dizaines de tombes individuelles de dissidents exécutés au début des années 1980. Selon les informations dont dispose Amnesty International, de nombreux corps auraient été enterrés par les autorités à cet endroit, sans le consentement des familles et à leur insu.

Ces trois dernières décennies, les autorités iraniennes ont passé le bulldozer, construit des bâtiments et des routes, déversé des ordures ou construit de nouveaux lieux de sépulture au-dessus des tombes individuelles et des fosses communes des massacres des années 1980. Ce faisant, les autorités iraniennes ont détruit des éléments de preuve déterminants, susceptibles d’être utilisés pour établir la vérité sur l’ampleur des crimes commis et obtenir justice et réparation pour les victimes et leurs familles. Ces sites sont surveillés en permanence par les agences de sécurité, ce qui laisse à penser que les organes judiciaires, de renseignement et de sécurité sont impliqués dans les processus décisionnels liés à leur profanation et à leur destruction (voir le document intitulé Criminal cover-up : Iran destroying mass graves of victims of 1988 killings, index AI : MDE 13/8259/2018).

La dissimulation systématique du sort des prisonniers victimes du massacre de 1988 et de l’endroit où ils se trouvent, pratique persistante des autorités iraniennes, constitue pour chaque cas de dissimulation une disparition forcée, soit un crime en vertu du droit international. Selon le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, « une détention suivie d’une exécution extrajudiciaire est bien une disparition forcée [...] si, après la détention, voire après l’exécution, les agents de l’État refusent de révéler le sort des personnes concernées ou l’endroit où elles se trouvent, ou refusent même de reconnaître que l’acte a été commis. »

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