Écrire Craintes pour le gréviste de la faim détenu à l’isolement

Le prisonnier d’opinion et éminent militant Alaa Abdel Fattah, qui a la double nationalité égyptienne et britannique, est détenu à l’isolement tandis que les autorités refusent de permettre à sa famille ou à son avocat de le voir ou de le contacter. Dans sa dernière lettre adressée à sa famille le 31 octobre, il a annoncé qu’il intensifiait sa longue grève de la faim en supprimant tout apport de calories le 1er novembre et toute consommation d’eau le 6 novembre.

Après avoir passé des jours d’angoisse aux portes de la prison Wadi el Natroum dans l’attente de recevoir une lettre de sa part, le 10 novembre, un agent de sécurité a indiqué à sa mère qu’il était en train de subir une « intervention médicale ». Il ne lui a donné aucune autre information sur le lieu où il se trouvait ni sur son état de santé, et lui a demandé de ne plus venir.

Le 10 novembre, des membres des forces de sécurité ont empêché l’avocat d’Alaa Abdel Fattah de le rencontrer, malgré son autorisation de visite délivrée par le parquet.

Alaa Abdel Fattah, militant politique et opposant au gouvernement bien connu, a été arrêté à plusieurs reprises au cours de la décennie passée, notamment en raison de sa participation au soulèvement de 2011. Mohamed Baker est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il est le directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, qu’il a fondé en 2014. Ils sont détenus depuis le 29 septembre 2019 dans le cadre de l’affaire n° 1356/2019 instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État, une division du parquet spécialisée dans les enquêtes sur les menaces pour la sécurité nationale. Ils font l’objet d’investigations pour « appartenance à un groupe terroriste », « financement d’un groupe terroriste », « diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité nationale » et « utilisation des réseaux sociaux en vue de commettre une infraction liée à la publication ».

Le service du procureur général de la sûreté de l’État a ouvert des investigations à leur encontre pour des charges similaires dans le cadre d’une nouvelle affaire (n° 1228/2021), recourant à une stratégie de plus en plus utilisée par les autorités, connue sous le nom de « rotation », pour contourner la durée maximale de détention provisoire autorisée par la législation égyptienne, fixée à deux ans, et prolonger indéfiniment la détention des militants. Le procès d’Alaa Abdel Fattah et Mohamed Baker dans l’affaire n° 1228/2021 a débuté le 28 octobre 2021, avec un troisième prévenu : le blogueur et militant Mohamed Ibrahim Radwan, alias « Oxygène », également accusé de « diffusion de fausses informations » en raison de publications sur les réseaux sociaux, et condamné à quatre ans d’emprisonnement.

Les procédures qui se déroulent devant les tribunaux d’exception sont intrinsèquement iniques, car les décisions de ces tribunaux ne sont pas susceptibles d’appel devant une juridiction supérieure. Les accusés ont été privés de leur droit à une défense adéquate. En effet, leurs conseils n’ont pas été autorisés à communiquer avec eux en privé ni à photocopier les dossiers, les actes d’inculpation et les jugements. Le 3 janvier 2022, le président Abdel Fattah al Sissi a ratifié le jugement rendu contre les trois hommes. Selon un document qu’Amnesty International a pu consulter, l’application de leur peine a débuté à compter de la date de ratification, et non de la date de leur arrestation.

Alaa Abdel Fattah et Mohamed Baker ont été détenus dans des conditions inhumaines à la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora, au Caire, jusqu’en mai 2022. Les autorités carcérales les ont placés dans des cellules exiguës et mal ventilées, sans lit ni matelas. À la différence des autres détenus, il leur a été interdit de faire de l’exercice dans la cour de la prison, d’utiliser la bibliothèque et de recevoir à leurs frais des livres ou des journaux provenant de l’extérieur de la prison. En outre, ils ont été privés de vêtements adaptés, de radio, de montre, d’accès à l’eau chaude et d’effets personnels, comme des photos de famille. Le 12 mai, Alaa Abdel Fattah a dit à sa mère que le directeur adjoint de la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora l’avait battu alors qu’il était menotté.

Le 18 mai 2022, il a été transféré dans la prison de Wadi el Natroun à la suite de pressions considérables exercées par le public. Le 2 octobre, Mohamed Baker a été transféré dans la prison Badr 1. Sa femme a été autorisée à lui rendre visite pour la première fois depuis deux ans sans qu’ils soient séparés par des barreaux, et il a été autorisé à s’exposer à la lumière du soleil pour la première fois depuis trois ans. Le fait que les autorités carcérales leur aient interdit tout appel téléphonique bafoue l’article 38 de la Loi 38 396/1956 sur les prisons, ainsi que les obligations de l’Égypte au titre du droit international relatif aux droits humains.

Amnesty International a rassemblé des informations faisant régulièrement état de privation de soins de santé adéquats de la part des autorités égyptiennes pour les personnes incarcérées, et a exprimé ses doutes quant à l’indépendance du personnel médical dans les prisons égyptiennes, ce dernier étant placé sous le contrôle du ministère de l’Intérieur. Ces inquiétudes concernent notamment les interférences de la part des gardiens de prison et des forces de sécurité dans les évaluations médicales des personnes incarcérées et dans les décisions sur leur santé, ce qui se traduit entre autres par des retards ou des refus de transferts de détenu·e·s gravement malades vers des établissements externes pour y recevoir un traitement. Dans ces conditions, on peut raisonnablement penser que les décisions concernant le traitement médical d’Alaa Abdel Fattah ne seront pas prises par des professionnel·le·s de la santé indépendants, conformément à l’éthique médicale et sans ingérence ou mesures coercitives de la part des autorités.

Depuis la réactivation par le président en avril 2022 de la Commission des grâces présidentielles, les autorités égyptiennes ont libéré des prisonniers et prisonnières d’opinion de premier plan, ainsi que des centaines d’autres personnes détenues pour des raisons politiques.

Cependant, des milliers d’autres personnes sont toujours détenues de façon arbitraire parce qu’elles ont exercé pacifiquement leurs droits humains ou à la suite de procès iniques, ou encore sans aucune base juridique. Depuis le 25 octobre, des dizaines de personnes ont été arrêtées, interrogées par le parquet et placées en détention provisoire dans l’attente des résultats d’une enquête, en raison de leurs appels à manifester pacifiquement pendant la COP27 qui a lieu à Charm el-Cheikh du 6 au 18 novembre.

Depuis le début de la COP27, un ensemble de voix ont appelé les autorités égyptiennes à libérer Alaa Abdel Fattah. Le 8 novembre, le haut-commissaire aux droits de l’homme Volker Türk a exprimé un profond regret face à la détention prolongée d’Alaa Abdel Fattah, et a appelé à sa libération immédiate, en exhortant les autorités à lui apporter tous les soins nécessaires.

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