Le 1er novembre 2018 à 1 h 30 du matin, des membres de l’Agence de sécurité nationale ont fait irruption chez Hoda Abdelmoniem, au Caire, ont mis son domicile à sac puis l’ont emmenée avec eux après lui avoir bandé les yeux. Elle a été soumise à une disparition forcée pendant les trois semaines qui ont suivi son arrestation, puis a été emmenée dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État aux fins d’interrogatoire. On l’a ensuite ramenée vers un lieu de détention inconnu. Sa famille a pu la voir brièvement les 24 et 28 novembre 2018, dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État. Elle a de nouveau fait l’objet d’une disparition forcée entre le 2 décembre 2018 et le 14 janvier 2019, les autorités refusant de révéler à ses proches et à ses avocats le lieu où elle était détenue.
Le jour où Hoda Abdelmoniem a été appréhendée, le 1er novembre 2018, les autorités égyptiennes ont lancé une série de descentes de police, arrêtant au moins 31 défenseur.e.s des droits humains et avocat.e.s spécialistes de ces droits (10 femmes et 21 hommes).
La Coordination égyptienne pour les droits et les libertés (ECRF), qui recueille des informations sur les disparitions forcées et le recours à la peine de mort et apporte une aide juridique aux victimes de violations des droits humains, a été particulièrement visée par ces mesures de répression.
Dans une déclaration publiée le 1er novembre 2018 et annonçant la suspension de ses activités en faveur des droits humains, l’ECRF a indiqué que la situation en Égypte était incompatible avec la défense de ces droits et a réclamé l’intervention du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Le 30 novembre 2020, les proches de Hoda Abdelmoniem ont appris par des membres de la famille de codétenues qu’elle avait été emmenée à l’hôpital de la prison, puis transférée dans un hôpital externe, en raison de douleurs intenses. Ils n’ont pas été autorisés par les autorités pénitentiaires à consulter son dossier médical et ne connaissent donc pas la nature exacte de ses problèmes de santé, mais des familles d’autres détenues les ont informés qu’un de ses reins ne fonctionnait plus et que l’autre était déficient.
Le 1er décembre 2020, le ministère de l’Intérieur a déclaré publiquement qu’elle avait bénéficié de soins médicaux et qu’elle n’avait pas de problème de santé grave. Le 11 octobre 2021, lors d’une audience au tribunal, Hoda Abdelmoniem a dit aux juges que le médecin de la prison avait estimé qu’elle avait besoin d’un cathétérisme cardiaque et avait demandé sa libération pour raisons médicales.
Le 23 août 2021, le service du procureur général de la sûreté de l’État l’a renvoyée ainsi qu’Ezzat Ghoniem, défenseur des droits humains et fondateur de l’ECRF, Aisha al Shater, fille de Shairat al Shater, dirigeant des Frères musulmans, l’avocat Mohamed Abu Horira et 27 autres personnes devant une cour de sûreté de l’État. Il les a inculpés de divers chefs d’accusation, notamment d’appartenance à une organisation terroriste (les Frères musulmans), de diffusion de fausses informations sur les atteintes aux droits humains imputables aux forces de sécurité via une page Facebook intitulée « Coordination égyptienne pour les droits et les libertés », de financement d’une organisation terroriste et de possession de tracts promouvant les objectifs d’une organisation terroriste.
Le 5 mars 2023, une cour de sûreté de l’État a déclaré 30 de ces personnes coupables et les a condamnées à des peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité ; l’un des prévenus a été acquitté.
Les juges ont également décidé que les noms des 30 condamnés devaient être inscrits sur la « liste des terroristes », ce qui entraîne le gel de leurs avoirs et l’interdiction de voyager ainsi qu’une période de cinq ans de mise à l’épreuve sous surveillance de la police à leur sortie de prison.
Hoda Abdelmoniem a été condamnée à cinq ans de prison pour avoir rejoint, financé et soutenu une « organisation terroriste » et d’autres accusations infondées découlant de son travail en faveur des droits humains. Le tribunal a également décidé de l’inscrire sur la « liste des terroristes ».
Elle et les 30 autres accusés ont été privés du droit à une défense adéquate, du droit de ne pas témoigner contre soi-même et du droit à un véritable examen par une juridiction supérieure de leur déclaration de culpabilité. Les jugements prononcés par les cours de sûreté de l’État ne sont pas susceptibles d’appel. Seul le président égyptien est habilité à confirmer, annuler ou commuer les peines prononcées, ou à ordonner la tenue d’un nouveau procès.
Le 8 juin 2023, les proches de Hoda Abdelmoniem ont appris qu’elle avait été transférée de la prison pour femmes d’al Qanater à la prison de 10-de-Ramadan. Ils ont alors pu lui rendre visite pour la première fois depuis août 2022. Au cours de cette visite, elle leur a indiqué que les autorités de la prison pour femmes d’al Qanater avaient saisi toutes ses affaires, y compris ses médicaments et un poste de radio, avant son transfert. Sans sa radio, elle n’a plus accès aux informations depuis sa prison.
Le 25 octobre 2021, le président Abdel Fattah al Sissi a annoncé qu’il ne prolongerait pas l’état d’urgence, en vigueur depuis 2017, qui avait permis la création des cours de sûreté de l’État. L’article 19 de la Loi relative à l’état d’urgence dispose que les procès engagés au titre de cette loi devront suivre leur cours même après la levée de ce régime d’exception.
Parmi les violations du droit à un procès équitable recensées figurent des atteintes au droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, au droit de communiquer avec l’avocat de son choix et au droit à une audience publique. Par ailleurs, les juges des cours de sûreté de l’État rejettent régulièrement les requêtes formées par les avocats de la défense en vue d’obtenir une copie des dossiers, qui dans certains cas font plus de 2 000 pages, et leur donnent pour instruction de les examiner au tribunal.
Hoda Abdelmoniem a travaillé comme consultante bénévole pour l’ECRF et recueillait des informations sur des violations des droits humains, y compris des cas de disparitions forcées. Elle a été membre du Conseil national des droits humains et du Barreau égyptien. Le 27 novembre 2020, le Conseil des barreaux européens a décerné son Prix des droits humains 2020 à Hoda Abdelmoniem et à six autres avocat·e·s détenus en Égypte.