La détention à l’isolement prolongée au-delà de 15 jours constitue une violation de l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’aggravation des troubles mentaux d’Ahmad Manasra en raison du traitement qu’il reçoit en prison est extrêmement préoccupante et constitue une urgence médicale, mais les services pénitentiaires israéliens persistent à le maintenir en détention à l’isolement. Le 24 octobre 2021, Ahmad Manasra a été examiné par un psychologue clinicien israélien indépendant affilié à Physicians for Human Rights – Israël (PHRI) qui a diagnostiqué de graves troubles psychiatriques – schizophrénie, psychose, et grave dépression – apparus depuis l’incarcération du jeune homme. Une dizaine de jours après ce diagnostic, l’administration pénitentiaire israélienne l’a placé en détention à l’isolement, régime auquel il actuellement toujours soumis.
Le 13 avril 2022, PHRI a rendu publique l’évaluation de l’état psychologique d’Ahmad Manasra, indiquant que son maintien en détention allait entraîner des « dommages irréparables ». Les Services pénitentiaires israéliens ont pourtant prolongé la détention à l’isolement d’Ahmad Manasra pour six mois supplémentaires le 17 avril 2022. Le 13 juin 2022, le médecin de la prison a admis d’urgence Ahmad Manasra dans le service hospitalier de la prison en raison d’une aggravation de son état mettant sa vie en danger. Il est sorti du service hospitalier le 19 juillet 2022 et a immédiatement été renvoyé en détention à l’isolement.
Ahmad Manasra avait 13 ans quand il a été arrêté, en 2015, dans l’affaire des coups de couteau et blessures infligés à deux personnes à Pisgat Zeev, un âge inférieur à l’âge minimum recommandé par la Convention relative aux droits de l’enfant en ce qui concerne la responsabilité pénale (Observation générale n° 24). Comme à l’époque la loi israélienne relative à la jeunesse ne permettait pas d’emprisonner des mineurs de moins de 14 ans, la procédure judiciaire a été retardée jusqu’à ce qu’il eut atteint l’âge de 14 ans. Un mois après l’arrestation d’Ahmad Manasra, qui a eu lieu en novembre 2015, une vidéo de son interrogatoire a été rendue publique. Dans cette vidéo qui dure 10 minutes et qui a été examinée par Amnesty International, on le voit en train d’être interrogé par trois hommes, sans que soient présents son avocat ou ses parents, ce qui constitue une violation des normes internationales. Il apparaît de plus en plus désemparé pendant que ceux qui l’interrogent continuent de crier en l’insultant et en le menaçant. Cette vidéo apporte la preuve de plusieurs violations des droits d’Ahmad Manasra en tant qu’enfant et en tant que détenu.
À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été menée en ce qui concerne le comportement des agents de police et des services de sécurité. Alors que la justice a jugé qu’il n’avait pas participé aux coups de couteau, il a été déclaré coupable de tentative de meurtre en 2016 et condamné à 12 ans d’emprisonnement, peine que la Cour suprême a ramenée à neuf ans et demi d’emprisonnement en août 2017.
Le traitement que subit Ahmad Manasra s’inscrit dans le cadre de la discrimination exercée contre les enfants palestiniens dans le système pénal. Selon les informations dont dispose Amnesty International, quelque 170 prisonniers palestiniens qui étaient détenus par Israël en juin 2022 ont été arrêtés alors qu’ils étaient enfants, et douze enfants sont actuellement en détention administrative. Dans nombre de ces cas, ces enfants ont été privés du droit à un procès équitable conforme aux normes internationales et ils ont subi une discrimination en tant que Palestiniens.
Les éléments réunis par Amnesty International et par les organisations de défense des droits humains B’Tselem, HaMoked et Defence for Children International – Palestine (DCIP) montrent que les autorités israéliennes appliquent la loi de façon discriminatoire en privant les enfants palestiniens à Jérusalem-Est de leurs droits fondamentaux à un procès équitable et à une protection contre la torture et les autres formes de mauvais traitements.
Cette privation du droit à un procès équitable pour les enfants palestiniens et les mauvais traitements qui lui sont associés contribuent au système cruel d’oppression et de domination (ou apartheid) exercées par Israël contre tous les Palestinien·ne·s. Un rapport publié par DCIP en avril 2016 indique que trois enfants palestiniens sur quatre ont subi une forme de violence physique à la suite de leur arrestation, et que 97 % des enfants ont subi un interrogatoire en l’absence de leurs parents ou sans avoir eu accès à un·e avocat·e.