Écrire Craintes pour la santé d’un détenu privé d’avocat

Lahiru Manikkuadura, de nationalité sri-lankaise, est détenu aux Maldives depuis septembre 2016 sans date de procès et, en raison de récentes modifications restrictives apportées aux procédures légales, n’est pas autorisé à consulter son avocate. Ses conditions de détention déplorables suscitent de vives inquiétudes pour sa santé et son bien-être.
Lahiru Manikkuadura est actuellement incarcéré dans la prison de Maafushi, aux Maldives, pour « participation délibérée à une conspiration en vue de l’assassinat du Président des Maldives ». Il s’apprêtait à prendre un avion pour rentrer au Sri Lanka quand il a été appréhendé à l’aéroport, le 23 octobre 2015. Alors qu’il avait été arrêté sur la base de soupçons d’incitation à la violence, pour avoir prétendument distribué de l’argent à des gangs, il a été inculpé, huit mois plus tard, de tentative d’assassinat du président. Sa détention a été prolongée de quatre mois et les autorités ne lui ont pas fourni d’aide juridictionnelle, ni pendant les audiences de détention provisoire, ni pendant les interrogatoires, qui ont eu lieu en divehi, langue qu’il ne parle pas.
Le tribunal pénal des Maldives a commencé à examiner l’affaire le 10 août 2016 et, après quatre audiences, a indiqué que les parties seraient informées de la date de l’audience suivante une fois que le procureur général aurait convoqué un autre témoin. Depuis lors, elles n’ont reçu aucune information à ce sujet. Depuis le mois de mai 2018, les autorités pénitentiaires refusent que Lahiru Manikkuadura consulte son avocate, affirmant qu’elle doit présenter des attestations du tribunal pénal certifiant qu’elle est bien chargée de sa défense, et précisant la date de la prochaine audience, alors que celle-ci n’a pas été communiquée.
En prison, Lahiru Manikkuadura partage avec six codétenus une cellule prévue pour deux personnes. Il s’est plaint de douleurs thoraciques et n’a pu consulter un professionnel de la santé qu’au bout de quatre jours. Bien que le droit international et la législation des Maldives disposent que tous les prisonniers ont droit à au moins une heure d’exercice quotidien en plein air, Lahiru Manikkuadura n’est pas autorisé à sortir de sa cellule et a commencé à perdre la vue. Alors qu’il est bouddhiste, on ne lui permet pas de pratiquer sa religion et on l’a contraint à observer les rituels de l’islam, y compris le jeûne pendant le ramadan.

Lahiru Manikkuadura était venu aux Maldives pour un emploi de chauffeur qu’il n’a pas obtenu. Il avait entendu parler de cet emploi par un autre Sri-Lankais, qui était en contact avec un groupe de personnes proches de l’ancien vice-président des Maldives, Ahmed Adeeb, lui aussi accusé de conspiration en vue de l’assassinat du président.

Auparavant, Lahiru Manikkuadura était autorisé à passer un appel téléphonique de cinq minutes tous les quinze jours à sa famille au Sri Lanka, où vivent sa femme, son fils et ses parents, mais cela fait six mois qu’on ne le laisse plus contacter sa famille. Cet isolement affectif a eu des répercussions sur son état de santé, déjà affecté, provoquant une dépression.

Aux Maldives, cela fait longtemps que les autorités ferment les yeux sur le manque de soins médicaux en prison et les morts en détention, et nient le problème. En janvier 2018, le Maldivien Ahmed Mahloof, qu’Amnesty International considère comme un prisonnier d’opinion, a indiqué que 11 personnes étaient mortes en garde à vue faute de soins sur une période de 18 mois, ce qui lui a valu des poursuites pour dissémination de fausses informations. Depuis lors, la mort par manque de soins de deux autres personnes gardées à vue a été signalée aux Maldives. Si les personnes très médiatisées attirent l’attention internationale quand on leur refuse des soins médicaux, les décès évoqués plus haut ont suscité peu d’intérêt de la part de la communauté internationale. Selon le rapport 2017 sur les Maldives du Département d’État des États-Unis (Country Reports on Human Rights Practices for 2017, rapports par pays sur les pratiques en matière de droits humains), sept cas de morts inexpliquées en garde à vue ont été recensés entre août 2016 et octobre 2017. D’après la Commission des droits humains des Maldives, il s’agissait de mort naturelle dans deux de ces cas.

Les violations des droits humains aux Maldives ont pris une ampleur particulièrement préoccupante depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdulla Yameen, en 2013. Au-delà du manque de soins dans les lieux de privation de liberté, le pays traverse une période de répression des droits humains, qui s’accompagne d’une corruption croissante, et les libertés de religion, d’expression et d’association sont soumises à des restrictions. Les principales figures de l’opposition sont soit derrière les barreaux, soit en exil.

Le 1er février 2018, la Cour suprême des Maldives a surpris l’opinion en estimant que l’ancien président Mohamed Nasheed et huit autres politiciens de l’opposition avaient été emprisonnés à tort, à l’issue de procès entachés d’irrégularités et non conformes aux normes internationales. Elle a ordonné la libération de ces neuf personnes incarcérées pour des raisons politiques, mais cette décision n’a jamais été appliquée. En effet, le président des Maldives a déclaré l’état d’urgence et fait arrêter le président de la Cour suprême, un autre juge de cette juridiction et plusieurs responsables politiques début février 2018. Ahmed Adeeb, à qui il est notamment reproché, comme à Lahiru Manikkuadura, d’avoir tenté d’assassiner le président des Maldives, est au nombre des personnes concernées par la décision de la Cour suprême.

En vertu de la Loi sur les prisons et les libérations conditionnelles, les condamnés ne doivent pas être détenus avec le reste de la population carcérale, mais cette disposition n’est pas appliquée par les autorités ; en conséquence, les personnes en détention provisoire, comme Lahiru Manikkuadura, sont traitées de la même façon que les condamnés. D’après la Commission des droits humains des Maldives, les détenus ne sont pas autorisés à sortir de leur cellule, sauf pour les visites, et dans certaines prisons, les détenus n’auraient pas été autorisés à faire de l’exercice en plein air depuis plus d’un an. La Commission a également fait état de cellules mal ventilées et sans électricité dans certains centres de détention où l’isolement cellulaire est pratiqué.

Nom : Lahiru Madushanka Manikkuadura
Homme

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