Le défenseur des droits humains Server Mustafaïev, qui vit en Crimée sous occupation russe, est détenu depuis mai 2018 au titre de fausses accusations liées au terrorisme. Le 12 septembre, il a été transféré, depuis la Crimée, dans le sud-ouest de la Russie. Il est dans l’attente d’un nouveau transfert, depuis Krasnodar, à Rostov-sur-le-Don, où il doit comparaître devant un tribunal militaire. Sa détention dans une cellule de quatre mètres carrés, qu’il partage avec un autre détenu, dans des conditions d’hygiène consternantes, constitue un traitement inhumain et dégradant. Il a été pris pour cible uniquement en raison de ses activités de militant des droits humains.
Écrire Un défenseur des droits emprisonné et maltraité
Les personnes qui s’opposent à l’occupation et à l’annexion illégale de la péninsule de Crimée par la Russie, et aux violations des droits humains qui y sont commises depuis 2014 sont persécutées et notamment harcelées, poursuivies en justice sur la base d’accusations mensongères et soumises à une disparition forcée. Les observateurs internationaux des droits humains n’ont pas accès à la Crimée et les médias indépendants sont soit interdits soit contraints de fermer.
Server Mustafaïev est le fondateur et le coordinateur du mouvement citoyen Solidarité criméenne en Crimée sous occupation russe. Ce mouvement a été créé le 9 avril 2016 en réaction à la persécution politique et religieuse exercée contre les Tatars de Crimée, entre autres, par les autorités russes. Il rassemble des militants, des avocats et des proches de personnes qui ont été arrêtées et poursuivies en justice, pour les aider à avoir accès à une assistance juridique, financière, médicale ou à une autre forme d’aide essentielle. En l’absence de médias libres et compte tenu de la persécution exercée contre toutes les voix dissidentes en Crimée depuis son annexion illégale par la Russie, en 2014, ce mouvement s’efforce également d’attirer l’attention sur les violations des droits humains commises de façon persistante en Crimée.
Le 21 mai 2018, des agents du Service fédéral russe de sécurité (FSB) ont fouillé le domicile de Server Mustafaïev à Bakhchisaray, une ville située dans le sud de la Crimée. Server Mustafaïev a ensuite été emmené au siège du FSB à Simferopol, la capitale de la Crimée, et inculpé d’« appartenance à une organisation terroriste » (2e partie de l’article 205-5 du Code pénal russe) en raison de prétendus liens avec Hizb ut-Tahrir, une organisation islamique internationale interdite en Russie car considérée comme une organisation terroriste, mais autorisée en Ukraine. Ses membres n’ont ni commis d’acte de violence ni prôné la violence en Crimée, ni avant ni après l’annexion de la péninsule en 2014. L’appartenance prétendue à Hizb ut-Tahrir est utilisée comme prétexte par les autorités russes pour poursuivre en justice des dissidents, notamment le défenseur des droits humains Emir-Ousseïn Koukou.
Le 22 mai, le tribunal de Simferopol a ordonné le placement en détention provisoire de Server Mustafaïev, qui a depuis été prolongée à plusieurs reprises. L’avocate de Server Mustafaïev a dit à Amnesty International que le seul élément de preuve existant contre lui est un enregistrement audio de brefs commentaires de sa part, notamment une question qu’il a posée lors d’une conférence religieuse dans une mosquée, à Bakhchisaray, le 2 décembre 2016 Il a demandé s’il était possible d’aimer une personne « en général » mais de haïr pourtant cette même personne en raison d’une chose qu’elle a faite en particulier, et précisé sa pensée, sans que quoi que ce soit puisse être considéré comme une incitation à la haine ou à la violence. Près de 70 autres personnes ont assisté à cette conférence qui avait été annoncée ouvertement à l’avance. L’enquête a pourtant conclu que Server Mustafaïev avait participé à un rassemblement secret d’Hizb ut-Tahrir. Le 22 février, Server Mustafaïev a en outre été inculpé de « conspiration en vue de prendre le pouvoir par la violence » (article 278 du Code pénal russe). L’enquête n’a pas permis de fournir la preuve qu’il ait commis un quelconque crime reconnu par le droit international. Server Mustafaïev nie avoir participé à quelque activité « terroriste » que ce soit. Les charges retenues contre lui pourraient entraîner sa condamnation à une peine allant jusqu’à 25 ans d’emprisonnement.
Sept autres hommes ont été inculpés d’infractions liées au terrorisme dans le cadre de cette affaire. Marlen Asanov, Timour Ibragimov, Server Zekerïaïev, Seïran Saliïev, Ernest Ametov et Memet Belïalov ont été arrêtés le 11 octobre 2017. Edem Smaïlov a été arrêté le 21 mai 2018. Ils ont tous été incriminés sur la base de l’enregistrement de leur intervention lors de la conférence de décembre 2016 à la mosquée de Bakhchisaray et d’autres rassemblements.
La première audience dans l’affaire concernant Server Mustafaïev devait avoir lieu le 17 septembre 2019 devant le tribunal militaire du district du Caucase du Nord, à Rostov-sur-le-Don, dans le sud-ouest de la Russie. Le 12 septembre 2019, Server Mustafaïev a été transféré, depuis la Crimée, en Russie, mais au lieu d’être emmené à Rostov-sur-le-Don, il a été conduit à Krasnodar et incarcéré dans le centre de détention SIZO-1, le 13 septembre. En transférant des détenus depuis un territoire occupé vers la Russie et en les jugeant au titre de la législation russe et devant un tribunal militaire, les autorités russes violent le droit international humanitaire et relatif aux droits humains.
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