Depuis 2012, les autorités saoudiennes prennent pour cible les militants de la société civile et les défenseurs des droits humains, notamment des membres de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), à travers tant des tribunaux que d’autres mesures administratives telles que des interdictions de voyager, pour les harceler, les intimider et entraver leur travail de défense des droits humains.
Les frères d’Issa al Hamid, Abdullah al Hamid et Abdulrahman al Hamid, tous deux membres fondateurs de l’ACPRA, sont détenus en raison de leur militantisme pacifique en faveur des droits humains. Le 13 octobre 2015, Abdulrahman al Hamid a été condamné à neuf ans d’emprisonnement, à une interdiction de voyager consécutive de la même durée et à une amende de 50 000 riyals saoudiens, soit 13 300 dollars des États-Unis environ (voir l’action complémentaire sur l’AU 102/14, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde23/2663/2015/fr/). Le 9 mars 2013, Abdullah al Hamid et un autre cofondateur de l’ACPRA, Mohammad al Qahtani, ont été condamnés respectivement à des peines de 10 et 11 ans d’emprisonnement, assorties d’interdictions de voyager consécutives des mêmes durées. Ils avaient été déclarés coupables de plusieurs chefs d’accusation, dont « rupture d’allégeance et désobéissance au souverain », « mise en cause de l’intégrité de fonctionnaires », « tentative d’atteinte à la sécurité et incitation à troubler l’ordre public en appelant à des manifestations », « transmission de fausses informations à des groupes étrangers », « violation de l’article 6 de la Loi relative aux technologies de l’information » et « création d’une organisation non autorisée » (à savoir l’ACPRA) (voir l’action complémentaire sur l’AU 257/12, http://www.amnesty.org/fr/library/info/MDE23/010/2013/fr/). Le même tribunal a également ordonné la dissolution de l’ACPRA, la confiscation de ses biens et la fermeture de ses comptes sur les réseaux sociaux.
Depuis février 2014, les autorités invoquent la nouvelle loi antiterroriste pour s’en prendre davantage encore aux militants des droits humains et aux dissidents pacifiques. En vertu de ce nouveau texte, au moins deux membres de l’ACPRA ont vu leur procès rouvert devant le Tribunal pénal spécial, juridiction spécialisée dans la sécurité et la lutte contre le terrorisme dont la compétence et les procédures ne sont pas définies, alors qu’ils avaient déjà été condamnés il y a plusieurs années et qu’ils purgeaient déjà une peine pour les mêmes faits au titre d’autres lois. Trois autres membres de l’ACPRA, dont Abdulrahman al Hamid, ont été jugés par le Tribunal pénal spécial depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi antiterroriste.
Plusieurs autres personnes qui défendent les droits humains à titre indépendant, des auteurs et des dissidents sont aussi victimes de harcèlement de la part des autorités saoudiennes. Waleed Abu al Khair, avocat et lui aussi défenseur des droits humains, a été arrêté le 15 avril 2014 à l’issue d’une audience devant le Tribunal pénal spécial. Il purge actuellement une peine de 15 ans d’emprisonnement, à laquelle sont assorties une interdiction de voyager consécutive de la même durée et une amende. Il a été déclaré coupable d’avoir « désobéi au souverain et cherché à lui ôter sa légitimité », « insulté le pouvoir judiciaire et remis en cause l’intégrité des juges », « créé une organisation non autorisée », « nui à la réputation de l’État en communiquant avec des organisations internationales » et « rédigé, enregistré et envoyé des informations troublant l’ordre public » (voir l’AU 98/14, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde23/1546/2015/fr/).
En mars 2016, Mohanna Abdulaziz al Hubail et Alaa Brinji ont été condamnés à plusieurs années d’emprisonnement par le Tribunal pénal spécial en raison de leurs publications. Mohanna Abdulaziz al Hubail, écrivain et universitaire islamique saoudien, a été condamné par contumace à six ans d’emprisonnement suivis d’une interdiction de quitter le pays pendant six ans. Cet homme a été reconnu coupable d’une série d’« infractions », notamment d’avoir enfreint l’article 6 de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité, en « insultant l’État et ses dirigeants » et en « exprimant sa solidarité avec des membres emprisonnés de l’Association saoudienne des droits civils et politiques » (ACPRA) sur Twitter. Il a aussi été condamné pour avoir participé et incité à participer à des manifestations et appelé à la libération de prisonniers d’opinion. Le tribunal a également ordonné la fermeture de son compte Twitter.
Le journaliste saoudien Alaa Brinji a été condamné à cinq ans d’emprisonnement et à une interdiction de voyager consécutive d’une durée de huit ans par le Tribunal pénal spécial en raison de ses publications sur Twitter, dont certaines soutenaient le droit des femmes saoudiennes de conduire, ainsi que des défenseurs des droits humains et des prisonniers d’opinion.