Le 15 novembre, des membres des forces de sécurité lourdement armés ont arrêté Mohamed Basheer chez lui et l’ont maintenu en détention au secret pendant 12 heures dans des locaux sécurisés de l’Agence de sécurité nationale (NSA), où il a été interrogé alors qu’il avait les yeux bandés, en l’absence d’un avocat, sur le travail de l’EIPR, notamment sur la récente réunion avec des diplomates. Il a ensuite été transféré au service du procureur général de la sûreté de l’État (SSSP), qui a ordonné son placement en détention provisoire pour 15 jours.
Le 18 novembre, des membres des forces de sécurité ont arrêté Karim Ennarah dans la station balnéaire de Dahab, dans le Sud-Sinaï, où il se trouvait en vacances. Ils ont saisi son téléphone, son ordinateur portable et d’autres effets personnels et l’ont conduit dans un endroit non divulgué et détenu au secret pendant 24 heures avant de le présenter devant le service du procureur général de la sûreté de l’État, où il a été interrogé au sujet de son travail, notamment sur les conditions de détention et la peine de mort.
Le 19 novembre, les forces de sécurité ont arrêté Gasser Abdel-Razek chez lui, au Caire. Plusieurs heures plus tard, il a été interrogé par le service du procureur général de la sûreté de l’État, qui a ordonné son placement en détention provisoire pour 15 jours. Le 23 novembre, il a de nouveau été interrogé par le service du procureur général de la sûreté de l’État, puis a été renvoyé en prison, où il est détenu à l’isolement.
Amnesty International a déjà recueilli des informations sur les conditions de détention cruelles et inhumaines, qui dans certains cas s’apparentent à de la torture, infligées à certaines personnes détenues dans de petites cellules sombres utilisées pour la détention à l’isolement de personnes ayant un profil politique, dans le but manifeste de les sanctionner pour leurs critiques des autorités.
Des procureurs ont ordonné le placement en détention des trois hommes dans le cadre de l’affaire 855/2020, dans l’attente des conclusions d’enquêtes pour des accusations d’« appartenance à un groupe terroriste », de « diffusion de fausses informations » et d’« utilisation abusive des réseaux sociaux ». Mohamed Basheer a également été interrogé pour des accusations de « financement du terrorisme ». Les trois hommes ont été ajoutés à l’affaire n° 855/2020 du service du procureur général de la sûreté de l’État, qui concerne des enquêtes ouvertes à la suite d’accusations de terrorisme infondées contre plusieurs défenseur·e·s des droits humains et journalistes, dont Mahienour el Masry, Mohamed el Baqer, Solafa Magdy et Esraa Abdelfattah.
Amnesty International a exposé dans un rapport le recours par le service du procureur général de la sûreté de l’État au maintien prolongé en détention provisoire sur la base d’accusations sans fondement ayant trait au terrorisme pour emprisonner des opposants, des détracteurs et des défenseur·e·s des droits humains pendant des mois, voire des années, sans procès.
Patrick George Zaki, chercheur de l’EIPR spécialisé dans les questions de genre, demeure détenu dans l’attente des conclusions de l’enquête du service du procureur général de la sûreté de l’État pour des charges infondées de « terrorisme » depuis son arrestation en février 2020. Le 22 novembre, sa détention provisoire a été prolongée de 45 jours.
Les ambassadeurs et ambassadrices de l’Allemagne, de la France, de la Belgique, du Danemark, de la Finlande, de l’Italie, des Pays-Bas, de l’Espagne et de la Suisse, ainsi que les chargé·e·s d’affaires du Canada, de la Norvège et de la Suède, le vice-ambassadeur du Royaume-Uni et des représentant·e·s de la Commission européenne au Caire ont assisté à une réunion dans les locaux de l’EIPR le 3 novembre. Des diplomates et l’EIPR ont partagé des photos de la rencontre sur les réseaux sociaux le 8 novembre. Des représentants de l’Agence de sécurité nationale et du service du procureur général de la sûreté de l’État ont interrogé les membres du personnel de l’EIPR détenus sur leur travail, notamment sur la réunion avec les diplomates.
Cette campagne s’inscrit dans la vague d’attaques visant les ONG depuis les descentes effectuées dans les locaux de cinq organisations internationales et les poursuites intentées contre leurs employé·e·s en 2011, opération connue sous le nom d’Affaire 173 ou affaire des « financements étrangers ». En 2013, quelque 43 employé·e·s égyptiens et étrangers ont été accusés d’agir illégalement et de recevoir des fonds de l’étranger sans autorisation et ont été condamnés à des peines de prison. Lors d’un nouveau procès en 2018, un tribunal pénal du Caire a acquitté tous les accusé·e·s. Toutefois, les informations judiciaires dans le cadre de l’« Affaire 173 » se poursuivent contre des organisations de la société civile locale.
Dans le cadre de cette affaire, le fondateur de l’EIPR Hossam Bahgat est visé par une interdiction de voyager depuis 2016 et ses avoirs sont gelés. Au moins 30 autres défenseur·e·s des droits humains sont interdits de déplacement et neuf font l’objet d’un gel de leurs avoirs.
L’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR) a été créée en 2002. Elle s’appuie sur des recherches, la documentation, l’assistance juridique, les actions à visée stratégique et le travail de plaidoyer pour son travail sur les libertés civiles, les droits économiques et sociaux et la justice pénale. Elle s’attache notamment à rendre compte des droits des minorités religieuses en Égypte, à recueillir des informations sur les violences motivées par l’intolérance religieuse, à défendre les membres de la communauté LGBT+ poursuivis en justice et à apporter son conseil en matière de lois relatives à la santé mentale.
L’EIPR est l’une des rares organisations de défense des droits humains à travailler sur la justice environnementale en Égypte. L’EIPR a récemment publié des documents sur l’augmentation alarmante des exécutions en Égypte ces derniers mois, sur la nécessité d’assurer un accès équitable aux vaccins contre le COVID-19, et sur la protection des victimes et témoins de violences sexuelles.