Écrire Un défenseur des droits humains est torturé en détention

Depuis leur arrestation le 29 septembre 2019, Alaa Abdel Fattah, militant de premier plan, et Mohamed Baker, avocat et défenseur des droits humains, ont été victimes d’un vaste éventail d’atteintes aux droits humains aux mains des autorités égyptiennes, et ont notamment été soumis à une détention arbitraire, un procès inique, des actes de torture et d’autres mauvais traitements et ont régulièrement été privés de la visite de leur famille.

Le 10 avril 2023, les autorités de la prison Badr 1 s’en sont de nouveau prises à des détenus, et ont déshabillé, frappé et maltraité Mohamed Baker, avant de le placer en détention à l’isolement.

Les autorités ont également arrêté Neama Hisham, l’épouse de Mohamed Baker, le 17 avril et l’ont emmenée dans un lieu tenu secret, pour avoir dénoncé les violences subies par son mari. Ils l’ont ensuite libérée.

Alaa Abdel Fattah, un militant politique et opposant au gouvernement, a été arrêté à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie, notamment en raison de sa participation au soulèvement de 2011. Mohamed Baker est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il est le directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, qu’il a fondé en 2014. Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah sont détenus depuis le 29 septembre 2019 dans l’attente d’une enquête pour de fausses accusations liées au terrorisme, dans le cadre de l’affaire n° 1356/2019 instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État, une division du parquet spécialisée dans les enquêtes sur les menaces pour la sécurité nationale. Le service du procureur général de la sûreté de l’État a ouvert des investigations à leur encontre pour des charges similaires dans le cadre d’une nouvelle affaire (n° 1228/2021), recourant à une stratégie de plus en plus utilisée par les autorités, connue sous le nom de « rotation », pour contourner la durée maximale de détention provisoire autorisée par la législation égyptienne, fixée à deux ans, et prolonger indéfiniment la détention des militants. Leur procès dans l’affaire n° 1228/2021 a débuté le 28 octobre 2021, avec un troisième prévenu : le blogueur et militant Mohamed Ibrahim Radwan, alias Mohamed « Oxygen », également accusé de « diffusion de fausses informations » en raison de publications sur les réseaux sociaux, et condamné à quatre ans d’emprisonnement. Les procédures qui se déroulent devant les tribunaux d’exception sont intrinsèquement iniques, car les décisions de ces tribunaux ne sont pas susceptibles d’appel devant une juridiction supérieure. Les avocats de la défense n’ont pas été autorisés à communiquer en privé avec les accusés ni à photocopier les dossiers et actes d’inculpation. Le 3 janvier 2022, le président a ratifié le jugement rendu contre les trois hommes. Selon un document qu’Amnesty International a pu consulter, l’application de leur peine a débuté à compter de la date de ratification, et non de la date de leur arrestation.

Alaa Abdel Fattah et Mohamed Baker ont été détenus dans des conditions inhumaines à la prison de haute sécurité n° 2 de Tora, au Caire, à partir de septembre 2019 et respectivement jusqu’en mai et octobre 2022. Les autorités carcérales les ont placés dans des cellules exiguës et mal ventilées, sans lit ni matelas. En outre, ils ont été privés de tout support de lecture, d’exercice physique dans la cour, de vêtements adaptés, de radio, de montre, d’eau chaude et d’effets personnels, notamment des photos de famille. Le 12 mai 2022, Alaa Abdel Fattah a dit à sa mère que le directeur adjoint de la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora l’avait frappé alors qu’il était menotté. Le 18 mai 2022, il a été transféré à la prison de Wadi el Natroun à la suite de pressions considérables exercées par le public. Le 2 octobre 2022, Mohamed Baker a quant à lui été transféré à la prison Badr 1, où les prisonniers se plaignent d’être constamment sous vidéosurveillance et soumis à des lumières trop vives. En raison des fréquentes fermetures du réfectoire de la prison et de l’incapacité souvent démontrée des autorités à fournir des produits de première nécessité aux prisonniers, il est parfois contraint de boire l’eau insalubre du robinet et ne dispose pas d’une nourriture suffisante. Les responsables de la prison le privent régulièrement de tout support de lecture et des lettres de sa famille et de ses amis, sans explication. Les autorités carcérales leur interdisent tout appel téléphonique, ce qui bafoue les obligations de l’Égypte au titre du droit international relatif aux droits humains, ainsi que l’article 38 de la Loi 38 396/1956 sur les prisons.

Depuis la réactivation par le président en avril 2022 de la Commission des grâces présidentielles, les autorités égyptiennes ont libéré des prisonniers et prisonnières d’opinion de premier plan, ainsi que des centaines d’autres personnes détenues pour des raisons politiques. Cependant, des milliers d’autres personnes sont toujours détenues arbitrairement pour avoir simplement exercé leurs droits humains ou à la suite de procès manifestement iniques ou sans fondement juridique. Avant la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27), des centaines de personnes ont été arrêtées et placées en détention provisoire dans l’attente des résultats d’une enquête, en raison de leurs appels à manifester pacifiquement le 11 novembre. Durant la COP27, un ensemble de voix a appelé les autorités égyptiennes à libérer Alaa Abdel Fattah, qui menait une grève de la faim depuis sept mois lorsque la conférence a débuté le 6 novembre 2022. Le 8 novembre, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Volker Türk a notamment exprimé un profond regret face à la détention prolongée d’Alaa Abdel Fattah et a demandé sa libération immédiate, en exhortant les autorités à lui apporter tous les soins nécessaires. Alaa Abdel Fattah a commencé sa grève de la faim le 2 avril 2022, afin de protester contre son incarcération injuste et contre la privation de visites consulaires dont il fait l’objet. Le 1er novembre 2022, il a intensifié sa grève de la faim et cessé de consommer les 100 calories qu’il recevait quotidiennement depuis le mois d’avril. Le 6 novembre, il a cessé de boire de l’eau. Le 11 novembre 2022, il a perdu connaissance sous la douche, et lorsqu’il est revenu à lui, il était maintenu par un codétenu, entouré par une large foule, et un tube avait été inséré dans son corps. Après cette expérience de mort imminente, il a décidé de ne pas reprendre sa grève de la faim immédiatement, mais a promis de continuer « si aucune avancée réelle n’était faite sur son cas ».

Le 24 mars 2023, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a publié ses observations finales sur le respect par l’Égypte de ses obligations au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, mettant en avant plusieurs points soulevés depuis 2013 par Amnesty International et d’autres groupes égyptiens et internationaux de défense des droits humains, notamment la détention arbitraire et les utilisations abusives de la législation de lutte contre le terrorisme en vue de réduire au silence les détracteurs avérés ou supposés des autorités égyptiennes.

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