Écrire Un défenseur des droits humains victime de torture en cours de jugement devant un tribunal d’exception

Patrick George Zaki, défenseur des droits humains, a été renvoyé en jugement devant la cour de sûreté de l’État (instaurée par la législation d’exception), sur la base d’un article dans lequel il évoquait les discriminations subies par les chrétiens coptes en Égypte.

S’il est déclaré coupable, il risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Patrick George Zaki est un prisonnier d’opinion, car il est détenu uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression ; en conséquence, il doit être libéré immédiatement et sans condition.

Patrick George Zaki était chercheur sur les droits humains pour l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), une organisation indépendante renommée qui défend les droits fondamentaux en Égypte, axant son travail sur les questions de genre et les droits des minorités sexuelles. Depuis août 2019, il vivait en Italie, où il suivait des études sur le genre et les femmes à l’université de Bologne, préparant un doctorat.

Ces derniers mois, les autorités égyptiennes ont déféré à la cour de sûreté de l’État un nombre croissant de défenseur·e·s des droits humains, de responsables politiques et de journalistes pour diffusion de « fausses nouvelles ». Nombre des personnes traduites devant cette juridiction avaient été maintenues en détention provisoire prolongée, dans l’attente des résultats d’investigations du service du procureur général de la sûreté de l’État sur de fausses accusations liées au terrorisme dans des affaires distinctes. Dans certains cas, elles ont ainsi été privées de liberté pendant plus de deux ans, soit davantage que la durée maximale de détention provisoire autorisée par la législation égyptienne. Les procédures qui se déroulent devant les cours de sûreté de l’État sont intrinsèquement iniques et dénient aux personnes accusées le droit de voir leur déclaration de culpabilité et leur peine réexaminées par une juridiction supérieure.

Des avocats ont également exprimé des préoccupations quant à d’autres violations du droit de leurs clients à un procès équitable devant les cours de sûreté de l’État, notamment du droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense et de communiquer avec le conseil de leur choix. Les juges des cours de sûreté de l’État rejettent régulièrement les requêtes formées par les avocats de la défense en vue d’obtenir une copie des dossiers, qui dans certains cas font plus de 2 000 pages, et leur donnent pour instruction d’examiner ces dossiers devant la cour. Les procureurs et les juges s’abstiennent également de remettre une copie de l’acte d’accusation aux personnes poursuivies et à leurs conseils, portant atteinte à leur droit d’être informées de la nature et des motifs de l’accusation.

Parmi les personnes condamnées par la cour de sûreté de l’État figure Ahmed Samir Santawy, étudiant ; le 22 juin 2021, la cour l’a condamné à quatre ans d’emprisonnement pour publication de « fausses nouvelles ». Sa déclaration de culpabilité est fondée uniquement sur des publications sur les réseaux sociaux critiquant les violations des droits humains en Égypte et la mauvaise gestion de la pandémie par l’État. En juillet 2021, Zyad el Elaimy, avocat spécialiste des droits humains et ancien parlementaire, Hossam Moanis, journaliste et homme politique, Hisham Fouad, syndicaliste et homme politique socialiste, ainsi que trois autres personnes, ont comparu devant la cour de sûreté de l’État pour « publication de fausses informations visant à porter atteinte à l’État, à la sécurité nationale et à la sécurité publique, et à répandre la panique dans la population », uniquement en raison de leurs activités politiques pacifiques.

Le 23 août 2021, le service du procureur général de la sûreté de l’État a renvoyé devant la cour de sûreté de l’État, entre autres personnes, Ezzat Ghoniem, défenseur des droits humains et fondateur de la Coordination égyptienne pour les droits et les libertés, Hoda Abdelmoniem, avocate spécialiste des droits humains, et Aisha al Shater, la fille de Shairat al Shater, haut responsable des Frères musulmans. Ces personnes devaient répondre d’un certain nombre d’accusations, notamment d’appartenance à un groupe terroriste (les Frères musulmans), ainsi que de diffusion de « fausses informations » au sujet de violations des droits humains commises par les forces de sécurité, via une page Facebook intitulée « La Coordination égyptienne pour les droits et les libertés ». En octobre, Alaa Abdelfattah, célèbre militant, Mohamed Baker, avocat spécialiste des droits humains, et Mohamed Ibrahim, alias Mohamed Oxygen, blogueur, ont également été traduits devant la cour de sûreté de l’État pour diffusion de « fausses nouvelles ».

Le 25 octobre 2021, le président Abdel Fattah al Sissi a annoncé sa décision de lever l’état d’urgence, en vigueur depuis avril 2017, mais conformément à la législation en la matière, les personnes renvoyées en jugement pendant l’état d’urgence continueront à être jugées par des tribunaux d’exception.
L’arrestation de Patrick George Zaki est intervenue dans le contexte des mesures répressives mises en œuvre après les manifestations de septembre 2019 – la plus grande vague de répression menée contre les voix dissidentes en Égypte depuis 2014. Le mandat d’arrêt à son encontre datait du 24 septembre 2019. Cet homme a rejoint la longue liste des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s politiques pacifiques qui se trouvent derrière les barreaux en Égypte, parmi lesquels Alaa Abdel Fattah et Mohamed el Baqer.

Le 20 septembre 2019, des manifestations sporadiques ont éclaté dans plusieurs villes d’Égypte, réclamant la démission du président Abdel Fattah al Sissi. Ce mouvement de protestation avait été déclenché par des vidéos virales dans lesquelles Mohamed Ali, un entrepreneur ayant travaillé pour l’armée égyptienne, accusait des chefs militaires et le président d’avoir dilapidé des fonds publics en faisant construire des propriétés de luxe. Au cours des semaines qui ont suivi, Amnesty International a recueilli des informations montrant que les forces de sécurité égyptiennes avaient procédé à de très nombreuses arrestations de manifestant.e.s pacifiques, de journalistes, d’avocat·e·s spécialistes des droits humains, de militant·e·s et de personnalités politiques, dans le but de faire taire les critiques et d’empêcher d’autres manifestations.

Selon des avocats égyptiens défenseurs des droits humains, les autorités ont arrêté au moins 4 000 personnes en raison de leur participation ou de leur soutien présumés aux manifestations. Les autorités ont ordonné le placement en détention provisoire d’au moins 3 715 personnes dans l’attente des résultats d’investigations sur des charges liées au « terrorisme », dans le cadre de la plus vaste enquête pénale jamais menée à la suite de manifestations en Égypte.

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