Badr Baabou, 41 ans, est un défenseur tunisien des droits des LGBTI qui a cofondé DAMJ (Association tunisienne pour la justice et l’égalité), l’un des principaux mouvements de défense des droits des LGBTI en Tunisie. Le 21 octobre 2021 vers 21 heures, Badr Baabou quittait un café du centre de Tunis où il avait retrouvé des amis et se dirigeait à pied vers le principal rond-point du secteur, le rond-point de Monguella, à la recherche d’un taxi, lorsque deux inconnus l’ont accosté dans la rue. Le premier qui est apparu s’est mis à marcher à côté de Badr Baabou ; il portait un T-shirt et un pantalon sombre avec un logo « Sécurité publique », et l’a nargué au sujet des plaintes qu’il déposait contre des policiers. Badr Baabou lui a demandé qui il était ; l’homme a répondu bien fort avec une expression en arabe tunisien qui signifie « les flics ! ». Le deuxième homme, habillé en civil, est apparu un instant plus tard et a attrapé Badr Baabou par son sac à dos, tandis que le premier lui assénait plusieurs coups sur la tête.
Les deux hommes l’ont conduit de force dans une ruelle sombre, rue Kemal Ataturk, où il est tombé à terre alors qu’ils lui assénaient des coups de poing et des coups de pied avec leurs bottes sur la tête, la nuque et les jambes, hurlant des insultes et « les flics ! », jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Finalement, l’homme en civil s’est emparé de l’ordinateur de Badr Baabou dans son sac à dos et de son téléphone dans sa poche, et les a emmenés. Ils lui ont dit que les coups reçus étaient à titre de représailles pour les plaintes déposées contre la police et sont partis en prononçant des mots qui, d’après les souvenirs de Badr Baabou, sonnaient comme un avertissement pour qu’il arrête de défendre « des putes et [un terme péjoratif en arabe tunisien pour désigner les homosexuels] ». Au bout de quelques minutes, il s’est relevé, la tête en sang, est rentré chez lui en taxi et a appelé un militant de DAMJ ainsi que l’avocat de l’association, qui l’a accompagné aux urgences de l’hôpital de la Rabta à Tunis, où un médecin l’a examiné, comme l’atteste une copie du rapport médical qu’il a envoyée à Amnesty International.
Selon DAMJ et Human Rights Watch, Badr Baabou a été harcelé, agressé et menacé à plusieurs reprises. En 2018, son logement dans le centre de Tunis a été cambriolé et ses ordinateurs personnel et professionnel contenant des informations sensibles de DAMJ ont été dérobés. En novembre 2019, il a été abordé par des individus non identifiés dans les rues de Tunis, qui ont menacé de le tuer et de mettre le feu à son appartement. Cette menace a été réitérée en mars 2020, lorsque des policiers ont interrogé ses voisins au sujet de son travail en tant que militant. Tous ces événements l’ont amené à changer fréquemment de logement.
Dans la soirée du 10 mars 2021, quatre hommes en civil auraient agressé Badr Baabou dans le centre de Tunis, alors qu’il quittait un bar où il avait retrouvé des amis. Un passant étant intervenu pour séparer Badr Baabou et ces hommes, ceux-ci ont rejoint un groupe de policiers tout proche qui observaient la scène sans intervenir. Badr Baabou a déposé plainte au sujet de l’agression présumée auprès du bureau du procureur au tribunal de première instance de Tunis. À ce jour, le procureur ne l’a informé d’aucune avancée concernant ce dossier.
Les militant·e·s LGBTI en Tunisie ont signalé diverses formes de harcèlement imputables aux autorités ces dernières années : ils sont notamment insultés lors des manifestations, agressés, surveillés et arrêtés au titre de lois formulées en termes vagues comme celles qui érigent en infraction l’outrage à agent et l’atteinte à la morale publique.