Le 22 juin 2020, Sanaa Seif attendait devant le centre pénitentiaire de Tora, au Caire, qu’on lui remette une lettre écrite par son frère, Alaa Abdel Fattah, détenu de façon arbitraire. Sa mère, Laila Soueif, et sa sœur, Mona Seif, l’accompagnaient. Un groupe de femmes se sont alors approchées d’elles et les ont frappées avec des bâtons, ont déchiré leurs vêtements, les ont traînées sur le sol et ont volé leurs affaires. Un policier aurait poussé Laila Soueif vers ses assaillantes, et un autre aurait ordonné à celles-ci de « s’occuper d’elles en dehors de [la zone d’attente] ». Cette agression a laissé des traces nettement visibles sur le corps des trois femmes, au vu des photos qu’Amnesty International a examinées.
La détention de Sanaa Seif a été renouvelée deux fois en son absence et en l’absence de son avocat, la privant du droit de contester la légalité de sa détention, en violation des obligations de l’Égypte inscrites dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). En ces deux occasions, Sanaa Seif a été transférée dans les locaux du ministère public, mais n’a pas comparu devant le procureur et n’a pas été autorisée à voir sa famille ni ses avocats.
Les visites dans les prisons, suspendues pendant cinq mois à la suite de l’épidémie de COVID-19, ont repris en août 2020, avec certaines restrictions mises en place. Les autorités carcérales ont permis aux proches de Sanaa Seif de lui remettre une lettre le 12 juillet 2020. Le 16 août, elles ont autorisé sa sœur à amener des médicaments et de la nourriture, mais ni livres ni radio.
Sanaa Seif et sa famille subissent depuis des années des actes de harcèlement et d’intimidation en raison de leurs activités en faveur des droits humains. Le 18 mars 2020, Laila Soueif, Mona Seif, Ahdaf Soueif (la tante de Sanaa) et la professeure d’université Rabab el Mahdi ont été arrêtées par les services de sécurité devant le siège du gouvernement au Caire, où elles manifestaient pacifiquement sur le trottoir pour réclamer la libération des détenus, compte tenu de leur crainte d’une épidémie de COVID-19 dans les prisons surpeuplées du pays. Le procureur les a accusées d’« incitation à manifester », de « diffusion de fausses informations » et de « possession de documents diffusant de fausses informations ». Il a ensuite ordonné leur remise en liberté dans l’attente des conclusions de l’enquête contre une caution de 5 000 livres égyptiennes (environ 290 euros).
Bien qu’elles aient versé la caution le jour même, elles ont été retenues jusqu’au lendemain sans aucun fondement juridique. Le 19 mars, Laila Soueif a été transférée dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État, où un procureur a ordonné sa libération contre une caution de 3 000 livres égyptiennes (environ 160 euros). Les quatre femmes ont ensuite été libérées dans la soirée.
Sanaa Seif est monteuse de films. Cette militante des droits humains, la défenseure des droits Yara Sallam et 20 personnes ont été arrêtées le 21 juin 2014 à Heliopolis, une banlieue du Caire, après que les forces de sécurité ont dispersé une manifestation dans le secteur. Elles avaient été inculpées de diverses infractions, notamment de « participation à une manifestation non autorisée nuisant à l’ordre public et compromettant la sécurité », de « vandalisme », de « démonstration de force pour faire peur aux passants et menacer leur vie », et de « participation à un rassemblement de plus de cinq personnes dans le but de troubler l’ordre public et commettre des infractions ».
Aux termes de la Loi réglementant le droit aux rassemblements, processions et manifestations pacifiques publics (Loi 107 de 2013), les organisateurs de ce type d’événement doivent soumettre leurs projets aux autorités, qui disposent de vastes pouvoirs leur permettant d’annuler des manifestations ou d’en modifier le parcours.
Le 26 octobre 2014, un tribunal correctionnel du Caire a condamné Sanaa Seif à trois ans d’emprisonnement, assortis de trois ans de mise à l’épreuve, à une amende de 10 000 livres égyptiennes (535 euros à l’époque), et au versement d’indemnités pour les dégâts causés.
Cette sentence a par la suite été réduite en appel le 28 décembre 2014 à deux ans de prison assortis de deux ans de mise à l’épreuve. Le 23 septembre 2015, Sanaa Seif a été libérée à la faveur d’une grâce présidentielle.
Dans le cadre d’une autre affaire, le tribunal correctionnel du Caire l’a condamnée à six mois de prison pour offense au pouvoir judiciaire, le 4 mai 2016. Le 15 novembre 2016, elle a été libérée de prison après avoir purgé sa peine de six mois.