San Fernando est une commune de l’État du Tamaulipas située sur la frontière nord du Mexique, où, selon certaines informations, les organisations criminelles Los Zetas et Cártel del Golfo sont actives, et où des migrant·e·s, des demandeurs·euses d’asile et des victimes de déplacements forcés passent pour aller aux États-Unis. En août 2010, les corps de 72 migrant·e·s, originaires principalement d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, ont été retrouvés dans un champ non loin de San Fernando.
Selon les autorités mexicaines, ces personnes avaient été enlevées par Los Zetas et détenues dans une ferme. Comme elles avaient refusé de travailler pour ce cartel, elles ont été tuées et leurs corps, attachés par les mains, ont été abandonnés à découvert. Dans cette même commune, en avril 2011, des membres de l’armée ont trouvé les corps de 196 personnes de diverses nationalités dans 48 tombes clandestines ; selon une enquête des autorités, il s’agissait de personnes ayant été soumises à une disparition, assassinées et jetées dans des tombes clandestines, peut-être par ce même cartel de Los Zetas en collusion avec la police municipale.
Ana Lorena Delgadillo a fondé la Fondation pour la justice et l’état de droit démocratique (FJEDD), une organisation qui représente juridiquement les familles des victimes du massacre ; Marcela Turati fait partie des principaux journalistes qui couvrent cette affaire ; et Mercedes Doretti est une experte indépendante et elle a fondé l’Équipe argentine d’anthropologie médicolégale qui analysait les restes retrouvés dans les tombes clandestines. Une action judiciaire a été engagée contre ces trois femmes par le Bureau du procureur général adjoint pour les enquêtes spéciales sur le crime organisé (SEIDO) du procureur général du Mexique (PGR). Une enquête a été ouverte sur elles dans le cadre de l’enquête judiciaire portant sur le massacre de migrant·e·s à San Fernando, dans l’État du Tamaulipas, et elles ont été placées sous surveillance afin d’obtenir des informations personnelles et privées, notamment avec des enregistrements téléphoniques.
L’incrimination de ces trois défenseures des droits humains a un effet dissuasif sur les personnes qui voudraient défendre les droits humains.
Dans le rapport intitulé Persecuted : Criminalization of Women Human Rights Defenders in Mexico qui a été publié en mai 2024, Amnesty International présente des informations montrant que le personnel du SEIDO du PGR a détourné des ressources affectées à l’enquête portant sur l’une des plus graves affaires de violations des droits humains, appelée « le massacre des tombes de San Fernando » ou « San Fernando II », pour soumettre à une surveillance ciblée Lorena Delgadillo, Marcela Turati et Mercedes Doretti. En agissant de la sorte, l’État mexicain a violé les droits au respect de la vie privée, à la liberté d’expression, à la non-discrimination et à une procédure régulière, ainsi que le droit de défendre les droits fondamentaux.