Écrire Des défenseurs de l’environnement incarcérés de manière arbitraire

Le 11 septembre 2017, les défenseurs de l’environnement Hun Vannak et Doem Kundy ont été arrêtés au Cambodge alors qu’ils filmaient deux grands navires soupçonnés d’exporter illégalement du sable. Ils encourent une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison pour incitation à commettre un acte criminel et violation de la vie privée. Tous deux sont des prisonniers d’opinion.
Le 11 septembre à 10h45, deux défenseurs de l’environnement, Hun Vannak et Doem Kundy, ont été arrêtés sur un hors-bord par la police, alors qu’ils filmaient deux grands navires transportant du sable, ancrés au large des côtes de Prek Khsach, dans la province de Koh Kong, dans le sud-ouest du Cambodge. Ils soupçonnaient les bateaux de transporter illégalement une ressource naturelle très prisée du Cambodge, le sable de silice, aux fins d’exportation. Le 13 septembre, après avoir été interrogés en l’absence de leur avocat par le procureur du tribunal provincial de Koh Kong, les deux militants ont été inculpés par le juge d’instruction d’« incitation à commettre un acte criminel » et « violation de la vie privée (enregistrement de l’image d’une personne) », au titre des articles 495 et 302 du Code pénal, pour avoir filmé dans l’enceinte d’une « propriété privée ». Amnesty International ne considère pas ces actes comme des infractions pénales. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent jusqu’à trois ans d’emprisonnement. La date de leur procès n’a pas encore été fixée. Hun Vannak et Doem Kundy sont actuellement en détention provisoire dans de petites cellules surpeuplées à la prison de Prek Svay, dans la ville de Khmerak Phumin, dans la province de Koh Kong. Le 3 octobre, la libération sous caution leur a été refusée.
L’arrestation des militants aurait été amorcée sur la base d’une plainte déposée par la compagnie Kirisakor Koh Kong Special Economic Zone, contrôlée par une entreprise que détient Ly Yong Phat Group Co Ltd., entreprise du sénateur Ly Yong Phat, membre du parti au pouvoir, le Parti du peuple cambodgien (PPC). L’entreprise a affirmé que les militants filmaient sur « un terrain privé de l’entreprise ».
Au moment de leur arrestation, Hun Vannak et Doem Kundy étaient toujours affiliés à l’ONG renommée de protection de l’environnement, Mother Nature Cambodia (MNC). Ils ont été interpellés deux jours après que MNC eut publié une vidéo en ligne dénonçant les exportations illégales juteuses de sable siliceux par des entreprises liées au gouvernement cambodgien. Si les chiffres des douanes cambodgiennes indiquent seulement 28 900 tonnes de sable exportées vers Taiwan entre 2010 et 2016, Taiwan a noté avoir reçu 1,7 million de tonnes sur la même période – ce qui représente un écart présumé de 30 millions de dollars américains entre les écritures douanières cambodgiennes concernant les exportations et les écritures douanières taïwanaises concernant les importations. MNC a accusé le gouvernement cambodgien de se rendre complice du commerce illégal des ressources naturelles du Cambodge en fermant les yeux sur la fraude et l’évasion fiscale dont se rendraient responsables les sociétés de dragage de sable.

Le 23 août 2017, Mother Nature Cambodia (MNC) a demandé au ministère de l’Intérieur d’être retirée des registres. Le 15 septembre, sa désinscription a été officialisée. La décision de Mother Nature Cambodia de se désinscrire volontairement était motivée par les innombrables actes de harcèlement – légaux et autres – visant les défenseurs de l’environnement affiliés à cette ONG. Le 11 juin 2017, Thun Ratha a été soumis à des actes d’intimidation et de harcèlement par les autorités locales pour avoir participé à une manifestation pacifique contre le dragage de sable par la Leng Ching Company, dans le district de Sa-ang, dans la province de Kandal. Le 1er juillet 2016, trois membres de MNC, Sun Mala, Sim Samnang et Try Sovikea, ont été condamnés à 18 mois de prison et à des amendes d’un montant disproportionné sur la base d’une déclaration de culpabilité infondée et motivée par des considérations politiques, pour avoir « menacé de causer des destructions, des actes de vandalisme ou des dégâts suivis par un ordre » (articles 28 et 424 du Code pénal). Cette affaire état aussi due à leurs actions militantes contre le dragage de sable illégal dans la province de Koh Kong. Les trois militants ayant déjà passé dix mois et demi en détention provisoire, ils ont bénéficié de peines avec sursis. Accorder des sursis dans les affaires très médiatisées est une méthode souvent utilisée par les autorités cambodgiennes pour criminaliser l’exercice pacifique par les militants de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion.
Depuis sa création en 2012, MNC fait campagne pour stopper la construction d’un barrage hydroélectrique néfaste pour l’environnement, qui engendre la perte de moyens de subsistance dans la province de Koh Kong. En outre, en novembre 2016, lorsque des militants de MNC ont dénoncé des écarts énormes au niveau des réclamations de droits de douane pour le sable exporté à Singapour, le gouvernement cambodgien a décrété une interdiction temporaire de l’extraction de sable, et en juillet 2017, il a instauré une interdiction permanente sur les exportations de sable de la province de Koh Kong pour des motifs de construction et de récupération des sols.
ONG majeure qui défend les droits à la terre, Equitable Cambodia (EC) est elle aussi dans le collimateur des autorités, et ses activités ont été suspendues pendant 30 jours par le ministère de l’Intérieur le 28 septembre 2017. EC attend toujours la levée de cette suspension, qui a expiré le 15 novembre. Elle a été accusée d’avoir enfreint la Loi sur les organisations non gouvernementales et les associations (LANGO), texte controversé et répressif qui autorise la suspension, la fermeture ou le refus d’enregistrement des ONG et des associations sur la base de concepts vagues et mal définis comme la « neutralité politique ». EC est l’une des ONG majeures qui aide les communautés expulsées touchées par les concessions foncières économiques productrices de sucre, qui impliquent de puissants hommes d’affaires proches ou membres du parti au pouvoir – dont le sénateur qui a porté plainte contre Hun Vannak et Doem Kundy, qui détient aussi une filiale de Ly Yong Phat Group, la Phnom Penh Sugar Co. Ltd.
L’espace civique au Cambodge s’est radicalement rétréci ces dernières années : les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association des militants, des défenseurs des droits humains, des ONG de défense des droits humains et de toutes les voix critiques font l’objet de restrictions arbitraires. Depuis la période précédant les élections communales en juin 2017, cette répression s’est intensifiée, prenant pour cibles plusieurs médias indépendants et le principal parti d’opposition, le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC), en amont des élections générales de 2018. Le parti au pouvoir s’appuie sur des accusations sans fondement concernant la « révolution de couleur » orchestrée par l’opposition, à l’image des mouvements au Moyen-Orient et en Europe de l’Est, pour bâillonner la société civile.
Noms : Hun Vannak et Doem Kundy
Hommes

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