Écrire Des étudiant.e.s libérés mais toujours inculpés

Une cour de justice d’Ankara a ordonné la libération sous caution de quatre étudiant.e.s de l’Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ), en Turquie, détenus pendant plus d’un mois pour « outrage au président » en raison d’une banderole sur laquelle figurait une caricature du président Recep Tayyip Erdoğan. Si ces étudiant.e.s sont déclarés coupables, ils risquent jusqu’à quatre ans d’emprisonnement. Leur procès s’ouvrira le 22 octobre.

Le 10 août, les quatre étudiant.e.s de l’Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ) arrêtés début juillet pour « outrage au président » ont été libérés sous caution par la cour pénale spéciale n° 8 d’Ankara, à l’issue d’un recours formé par leurs avocats. Selon les conditions de mise en liberté conditionnelle fixées dans un premier temps par la justice, trois d’entre eux devaient se présenter chaque semaine à un poste de police local et être soumis à une interdiction de se rendre à l’étranger. Ces conditions ont été abandonnées le 14 août, à l’issue d’un recours juridique interjeté par leurs avocats. Bien que ces étudiant.e.s aient été libérés, les charges à leur encontre n’ont pas été abandonnées et ils risquent toujours quatre ans d’emprisonnement s’ils sont déclarés coupables. Leur procès doit débuter le 22 octobre.

Les étudiant.e.s ont été maintenus en garde à vue durant plusieurs jours, après avoir déployé une banderole sur laquelle figurait une caricature du président Erdoğan, au cours de la parade estudiantine qui s’est déroulée lors de la cérémonie annuelle de remise des diplômes de l’ODTÜ, le 6 juillet. Le 11 juillet, à 2 h 30 du matin, le tribunal de paix pénal n° 4 d’Ankara a ordonné leur placement en détention provisoire à Ankara, dans l’attente d’une procédure judiciaire à leur encontre. Le 3 août, le tribunal pénal de première instance n° 11 d’Ankara a accepté un acte d’accusation contre les étudiant.e.s, qui ont été inculpés d’ « outrage envers le président » au titre de l’article 299 du Code pénal turc. Les poursuites ont été approuvées par le ministre de la Justice en application de la troisième partie de l’article 299.

La banderole déployée par les étudiant.e.s lors de la parade estudiantine de l’ODTÜ reprenait une caricature publiée dans le magazine satirique Penguen en 2005. Celle-ci représentait le président Recep Tayyip Erdoğan, alors Premier ministre, sous les traits de divers animaux. Au-dessus de l’image, on pouvait lire : « Maintenant, c’est le royaume de Tayyip ».

Cette caricature de Penguen avait été publiée en réaction à une décision de justice controversée rendue en 2005, qui ordonnait au caricaturiste Musa Kart de verser des dommages et intérêts à Recep Tayyip Erdoğan pour l’avoir dépeint sous les traits d’un chat dans un dessin politique. Erdoğan avait porté plainte au civil pour diffamation contre Penguen pour cette première caricature, affirmant : « Caricaturer le Premier ministre en animal n’est pas une liberté [fondamentale]. » La décision rendue contre Musa Kart a été annulée en appel par la suite, en 2006, tandis que les poursuites contre Penguen étaient rapidement abandonnées, au motif que les faits reprochés relevaient du droit à la liberté d’expression.

Le procès de ces quatre étudiant.e.s s’inscrit dans un contexte de répression du droit à la liberté d’expression en Turquie. Depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, des centaines de journalistes ont fait l’objet de poursuites judiciaires et plus de 150 journalistes et autres professionnel.le.s des médias sont actuellement incarcérés en Turquie. Des défenseur.e.s des droits humains, des acteurs et actrices de la société civile et d’autres personnes ont fait l’objet d’enquêtes, de placements en détention et de condamnations alors que ces personnes n’avaient fait qu’exprimer de façon légitime des vues différentes de celles des autorités.

En vertu du Code pénal turc, la diffamation et l’« outrage au président » constituent des infractions pénales. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a demandé à maintes reprises la dépénalisation de la diffamation et l’abrogation des lois relatives au crime de « lèse-majesté » à travers le monde. La critique des autorités est une forme d’expression protégée par la Convention européenne des droits de l’homme et divers arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

Action terminée

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit