Écrire Des kurdes iraniens contraints à des « aveux » télévisés

Houshmand Alipour et Mohammad Ostadghader, deux Kurdes iraniens, ont été arrêtés par les forces de sécurité le 3 août et détenus au secret pendant plusieurs semaines. Le 7 août, ils sont apparus à la télévision d’État, où ils ont fait des « aveux » forcés. Ils ont eu peu de contacts avec leur famille et n’ont pas pu consulter d’avocat de leur choix.
Le 3 août, Houshmand Alipour et Mohammad Ostadghader, membres de la minorité kurde d’Iran, ont été arrêtés par les forces de sécurité à proximité de Saqqez (province du Kurdistan), qui les soupçonnaient d’avoir participé à une attaque armée contre une de leurs bases dans cette ville. Blessé par balle lors de l’arrestation, Mohammad Ostadghader n’a pas bénéficié de soins médicaux. Les deux hommes ont été détenus dans un lieu inconnu, sans pouvoir contacter leur famille ni consulter un avocat. Le 7 août, l’agence de presse d’État iranienne, la Société de radiodiffusion de la République islamique d’Iran (IRIB), a diffusé une émission dans laquelle on voyait les deux hommes « avouer » l’attaque en question, ce qui constitue une violation de leurs droits de ne pas être obligés de témoigner contre eux-mêmes, de bénéficier de la présomption d’innocence et de ne pas être soumis à des traitements dégradants. Le 1er septembre, Houshmand Alipour a pu passer à sa famille un appel téléphonique au cours duquel il a dit qu’ils avaient dans un premier temps été placés dans un centre de détention à Baneh, où on les avait torturés pour les contraindre à « avouer ». Il a ajouté qu’il avait « avoué » uniquement pour faire cesser les actes de torture. Le 31 août, il a été autorisé à consulter un avocat commis d’office, après avoir été transféré, de même que Mohammad Ostadghader, dans un centre de détention situé à Sanandaj (province du Kurdistan). La famille de Houshmand Alipour a engagé deux avocats, mais ceux-ci n’ont pas pu entrer en contact avec lui. Amnesty International n’a pas été en mesure d’obtenir davantage d’informations sur Mohammad Ostadghader.
Après leur arrestation, le ministère du Renseignement a affirmé avoir appréhendé des membres de groupes « séparatistes et takfiri » qui avaient attaqué une base des forces de sécurité à Saqqez. Le 9 août, le Parti de la liberté du Kurdistan (PAK), un groupe d’opposition kurde basé au Kurdistan irakien et engagé dans des activités armées contre l’Iran, a revendiqué cette attaque dans un communiqué. Il a déclaré que Houshmand Alipour et Mohammad Ostadghader avaient été arrêtés après être venus porter secours à des membres du PAK qui avaient pris part à l’attaque et qui étaient blessés. La famille de Houshmand Alipour a indiqué que les deux hommes étaient membres du PAK mais qu’ils ne prenaient part à aucune activité armée, et qu’ils étaient entrés en Iran pour mener des activités politiques, notamment pour mieux faire connaître le PAK aux Kurdes iraniens. Amnesty International ne dispose d’aucune information sur les charges qui pourraient être retenues contre eux, mais elle craint, compte tenu des faits qui leur sont reprochés et de leurs « aveux » télévisés contraints, qu’ils ne soient inculpés d’infractions passibles de la peine de mort.

Depuis des années, les autorités iraniennes diffusent des vidéos d’« aveux » à la télévision d’État pour justifier leurs actes et tenter d’obtenir le soutien du public. Ces vidéos sont filmées lorsque les détenus sont le plus vulnérables - souvent juste après leur arrestation, alors qu’ils sont détenus au secret et soumis à des interrogatoires prolongés au cours desquels ils subissent des actes de torture et d’autres mauvais traitements. Ces vidéos montrent à quel point les forces de sécurité et les services de renseignement iraniens bafouent les droits des détenus de garder le silence lors des interrogatoires et du procès, de bénéficier de la présomption d’innocence, de ne pas témoigner contre eux-mêmes et de ne pas subir de traitements dégradants. Les recherches d’Amnesty International ont montré que la Société de radiodiffusion de la République islamique d’Iran (IRIB) et d’autres médias contrôlés par l’État collaboraient étroitement avec des agents des services de renseignement et de sécurité et participaient à la production et à la diffusion de vidéos d’« aveux », partageant de ce fait la responsabilité des violations des droits humains commises contre les personnes apparaissant dans leurs productions.
Les « aveux » forcés diffusés sur les chaînes de télévision iraniennes contribuent à des condamnations à mort et à des exécutions à l’issue de procès manifestement iniques. Le dernier exemple en date est celui de deux cousins, Zaniar Moradi et Loghman Moradi, membres de la minorité kurde d’Iran, qui ont été exécutés le 8 septembre 2018 dans la prison de Rajai Shahr (Karaj, nord-ouest de Téhéran). Zaniar Moradi et Loghman Moradi avaient été arrêtés respectivement par des agents du ministère du Renseignement le 1er août 2009 et le 17 octobre 2009 dans la ville de Marivan (province du Kurdistan), et accusés du meurtre du fils d’un imam qui avait eu lieu le 4 juillet 2009. Ils ont été maintenus au secret par le ministère du Renseignement, sans pouvoir recevoir de visite de leurs proches ni consulter leur avocat, durant les neuf premiers mois de leur détention, au cours de laquelle, selon leur témoignage, on les a torturés pour les contraindre à « avouer » ce meurtre devant une caméra vidéo. Leurs « aveux » forcés ont ensuite été diffusés, début novembre 2010, dans une émission de la chaîne publique iranienne Press TV, avant même l’ouverture de leur procès. En décembre 2010, à l’issue d’un procès qui n’a duré que 20 minutes, la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran les a déclarés coupables d’« inimitié à l’égard de Dieu » (mohareb) et de meurtre. Leur avocat soutient que leurs « aveux » forcés étaient le seul élément de preuve à leur encontre. Les deux hommes avaient à maintes reprises nié les accusations portées contre eux et clamé leur innocence. Ils affirmaient que le ministère du Renseignement les avait pris pour cible à titre de représailles en raison des activités du père de Zaniar Moradi, Eghbal Moradi, dissident politique bien connu assassiné en juillet 2018. Eghbal Moradi était un ancien membre du Komala, un groupe d’opposition kurde iranien interdit basé au Kurdistan irakien ; il était également membre de l’Association pour les droits humains au Kurdistan.
La diffusion d’« aveux » forcés obtenus sous la torture constitue une négation de la dignité humaine des prisonniers et une grave violation de leurs droits. Au titre de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’Iran est tenu de respecter et de protéger le droit de toute personne accusée d’une infraction pénale d’être présumée innocente et de ne pas être forcée de témoigner contre elle-même. En vertu de l’article 7 du PIDCP, ainsi que des règles du droit international coutumier, l’Iran est tenu de respecter et de protéger le droit de toute personne accusée d’une infraction pénale de ne pas être soumise à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances et sans aucune exception, quelles que soient la nature de l’infraction commise, la situation particulière de son auteur présumé ou la méthode d’exécution utilisée par l’État. L’organisation estime que la peine capitale constitue une violation du droit à la vie et qu’elle est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

Noms : Houshmand Alipour, Mohammad Ostadghader
Hommes

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