Écrire Des militaires détenus toujours victimes de mauvais traitements

Le procès pour mutinerie de 23 membres des Forces de défense du Lesotho (LDF) devant un tribunal militaire a été reporté au 6 septembre 2016. Seize des accusés sont encore en détention. Les autorités continuent de faire subir de mauvais traitements aux détenus.

Le 29 avril, la cour d’appel du Lesotho a statué que le procès devant un tribunal militaire devait être maintenu et a annulé la décision prononcée précédemment par la Haute Cour ordonnant la libération sous caution des personnes toujours détenues. Les Forces de défense du Lesotho (LDF) n’ayant pas respecté certaines décisions de la Haute Cour par le passé, les avocats de la défense se sont adressés à la cour d’appel afin de tenter de forcer les LDF à respecter la décision de libérer les détenus. À ce jour, 16 des 23 militaires accusés sont toujours détenus à la prison de sécurité maximale de Maseru et sept autres ont été libérés sous caution et doivent se présenter aux casernes trois fois par jour.

Pourtant, d’après un rapport de la commission d’enquête de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), les accusations de mutinerie présentaient des irrégularités et dans ce rapport, la commission recommandait que les charges pénales portées contre les 23 militaires soient levées dans le cadre d’une amnistie.

Les autorités pénitentiaires ont soumis les militaires détenus à d’autres mauvais traitements en raison d’une marche organisée par les enfants des détenus le 16 juin, le jour de la fête des pères. Lorsque la marche a été annoncée, cinq des militaires détenus ont été placés en détention à l’isolement et ont été privés de nourriture pendant un jour. Les femmes des détenus ont également indiqué qu’elles ont été soumises à une fouille au corps lorsqu’elles ont rendu visite à leurs maris en prison.

Des députés de l’opposition ont essayé de rendre visite aux détenus lorsqu’ils ont été placés en détention à l’isolement, mais des officiers haut-gradés des LDF leur ont refusé l’accès et les ont menacés de leur tirer dessus s’ils ne quittaient pas la prison. De plus, l’un des détenus a été privé des soins médicaux spécialisés dont il a besoin et les LDF ont refusé de l’autoriser à utiliser un matelas plus épais en prison pour que sa douleur soit plus supportable.

L’avocat de la défense, Khotso Nthontho, est toujours accusé d’avoir fourni un faux témoignage lors de son arrestation le 12 février. Des accusations de fraude, d’outrage à magistrat et d’entrave à la justice ont également été ajoutées à son inculpation, mais son affaire n’a pas avancé. À la mi-juin, le ministre de la Défense a publiquement critiqué à la radio nationale l’équipe de défense des militaires détenus, les accusant de ne pas être professionnels et de duper leurs clients et le public en raison de leurs nombreuses tentatives de faire libérer leurs clients.

Le chef des Forces de défense du Lesotho (LDF), Maaparankoe Mahao, a été démis de ses fonctions le 21 mai 2015, au bout de plusieurs mois d’instabilité politique. Peu après, quelque 50 militaires considérés comme loyaux à son égard ont été arrêtés. Les avocats représentant leurs familles ont saisi la justice afin que ces détenus soient déférés à un tribunal. Pendant la procédure judiciaire, nombre des militaires concernés ont affirmé avoir été victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Plus de la moitié d’entre eux ont ensuite été libérés, mais 23 ont été inculpés de mutinerie et maintenus en détention. Certains des militaires libérés sont devenus des « témoins assistés », qui ont fourni des éléments à charge contre les 23 accusés. Tout porte à croire que leurs témoignages leur ont été arrachés sous la torture ou d’autres mauvais traitements pendant leur détention.

Le général de corps d’armée Maaparankoe Mahao a été abattu le 25 juin 2015 à Maseru par des militaires qui étaient venus l’arrêter parce qu’il aurait fomenté une mutinerie. Peu de temps avant, en juin, il avait saisi la justice pour faire appel de son éviction de l’armée, affirmant qu’elle était illégale. Les autorités ont déclaré qu’il avait opposé une résistance au moment de son arrestation, mais sa famille a contesté cette version et clamé haut et fort qu’il s’agissait d’un assassinat.

Une commission d’enquête de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), composée de 10 membres et dirigée par le juge Mpaphi Phumaphi a été créée le 3 juillet 2015 et chargée d’enquêter sur les problèmes liés à la sécurité au Lesotho, y compris l’homicide de Maaparankoe Mahao. Cette commission a toutefois été contrainte de conclure sa mission prématurément, car les LDF ont refusé de coopérer. L’organe de la SADC en charge de la sécurité, composé de trois États, a examiné le rapport de la commission d’enquête début décembre.

Le 18 janvier 2016, les dirigeants de la SADC ont rencontré le Premier Ministre du Lesotho pour discuter de ce rapport que les autorités lesothanes avaient refusé de recevoir. La SADC a rapidement menacé d’expulser le Lesotho de l’organisation régionale. Face à ces menaces, les autorités lesothanes ont accepté le rapport et il a été présenté officiellement au Parlement du Lesotho le 8 février 2016. Il indique qu’il y avait des divisions au sein des LDF et qu’il existe des irrégularités dans les accusations de mutinerie.

Dans le rapport, la commission d’enquête recommande que les charges pénales portées contre les 23 militaires soient levées dans le cadre d’une amnistie. D’après le rapport, le général de corps d’armée Maaparankoe Mahao a été assassiné et non pas abattu lors de son arrestation, comme l’avaient affirmé les LDF. Il indique de plus que certaines personnes à l’hôpital et au sein des LDF ont tenté de dissimuler les circonstances de sa mort. Dans le rapport, la commission d’enquête recommande que les militaires soupçonnés d’avoir été impliqués dans le meurtre de Maaparankoe Mahao soient suspendus immédiatement et qu’une procédure pénale soit ouverte de toute urgence contre ces militaires.

La version du rapport de la commission d’enquête de la SADC qui a été présentée au Parlement par le Premier Ministre ne donnait pas le nom de certains membres des LDF impliqués dans des violations des droits humains citées dans le rapport, notamment des actes de torture et d’autres mauvais traitements et le meurtre du général de corps d’armée Mahao. La commission avait notamment pour mandat d’aider à l’identification des responsables dans le but de veiller à ce que les auteurs présumés du meurtre du général de corps d’armée Mahao soient tenus responsables. En dissimulant les noms de certaines personnes impliquées dans ces événements dans le rapport, le gouvernement du Lesotho met à mal la raison d’être même de la commission.

En juin, le gouvernement du Lesotho a dépassé le délai pour présenter des informations mises à jour à la SADC. Le 20 juin, le Premier Ministre, Pakalitha Mosisili, a présenté une version mise à jour du rapport au Parlement, mais a déclaré que les recommandations de la SADC n’étaient pas contraignantes. Lors d’une réunion de la SADC le 28 juin, il a été décidé que la SADC aiderait aux réformes constitutionnelles et du secteur de la sécurité. Les membres de l’opposition en exil ont par ailleurs été encouragés à revenir au Lesotho bien qu’ils n’aient reçu aucune garantie quant à leur sécurité.

Des élections législatives se sont tenues le 28 février 2016 au Lesotho, mais ne se sont pas soldées par une victoire nette. Un gouvernement de coalition a été formé par le Congrès du Lesotho pour la démocratie, le parti du Premier ministre Pakalitha Mosisili, et six autres partis politiques. La SADC a continué à jouer un rôle de médiation entre les rivaux politiques afin d’apaiser les tensions entre l’armée et la police, qui trouvent leur origine dans la politisation des forces de sécurité.

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