Écrire Des militants convoqués par la police risquent la prison

La police a convoqué six personnes, dont deux collaboratrices d’une organisation de défense des droits humains, dans le cadre d’une enquête judiciaire sur un événement intitulé « Parler pour la liberté », organisé le 31 juillet. Celles-ci doivent se présenter au poste de police le 31 août.
Des inspecteurs de police de la province de Khon Kaen, dans la région de l’Isaan (nord-est de la Thaïlande), ont convoqué six personnes pour violation présumée d’un décret gouvernemental. Il s’agit de Jatupat Boonphatthararaksa, Chatmongkhon Jenchiawchan et Narongrit Oopachan, trois militants étudiants liés au mouvement Dao Din, de Natthapon Ardharn, militante des droits fonciers, et de Duangthip Khanrit et Niranut Niamsap, collaboratrices de l’ONG Thai Lawyers for Human Rights (TLHR, avocats thaïs pour les droits humains). Ces six militants doivent se présenter au poste de police de Khon Kaen le 31 août.

L’enquête porte sur un événement intitulé « Parler pour la liberté : la Constitution et le peuple de l’Isaan », organisé le 31 juillet à l’université de Khon Kaen. Lors de cet événement, des débats ont eu lieu au sujet du projet de nouvelle constitution de la Thaïlande, qui a été adopté par le biais d’un référendum national le 7 août. Les deux collaboratrices de TLHR ont simplement assisté à l’événement en tant qu’observatrices. Elles étaient munies de badges indiquant leur appartenance à l’ONG et ont informé les responsables de la police et de l’armée qui étaient présents de leur qualité d’observatrices.

Des policiers ont informé TLHR que l’enquête porte sur des violations potentielles du décret n° 3/2558 du Conseil national pour la paix et l’ordre (CNPO), qui interdit notamment les rassemblements politiques de plus de quatre personnes. Les violations de cette disposition sont passibles de six mois d’emprisonnement et d’une amende maximale de 10 000 bahts thaïlandais (environ 290 USD). Les policiers pourraient étendre le champ de l’enquête à d’autres infractions présumées.

La Thaïlande est dirigée par un gouvernement militaire depuis le coup d’État de mai 2014. Le 7 août 2016, celui-ci a organisé un référendum national portant sur l’adoption d’une nouvelle constitution rédigée par un organe nommé par l’armée. La nouvelle constitution a été approuvée à une large majorité, ce qui a ouvert la voie à des élections législatives qui doivent se tenir fin 2017.

Depuis le coup d’État, les autorités répriment systématiquement toute opposition pacifique, en restreignant l’exercice des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Ainsi, le décret n° 3/2015 du Conseil national pour la paix et l’ordre (CNPO) prévoit, entre autres choses, jusqu’à six mois d’emprisonnement et 10 000 bahts (environ 290 USD) d’amende pour toute personne participant à des réunions politiques rassemblant cinq personnes ou plus. En amont du référendum, les autorités ont imposé des restrictions supplémentaires touchant les droits fondamentaux. La Loi de 2016 relative au référendum constitutionnel prévoit jusqu’à 10 ans d’emprisonnement, 210 000 bahts (environ 6 000 USD) d’amende et 10 ans d’interdiction de voter pour les activités et les déclarations « semant la confusion pour troubler l’ordre pendant le scrutin », notamment par l’emploi d’un langage « choquant » ou « grossier » pour influencer le vote de la population. Au cours des derniers mois, de nombreuses personnes ont été arrêtées et inculpées au titre de ces textes et d’autres lois et décrets. Ces agissements violent les obligations de la Thaïlande découlant du droit international relatif aux droits humains, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

De hauts responsables du gouvernement, dont le Premier ministre et le vice-Premier ministre, ont affirmé que la liberté d’expression n’était pas nécessaire pendant cette période de transition politique. Le 19 avril, le Premier ministre aurait répondu à une question concernant les critiques émises à l’encontre du projet de constitution en déclarant : « Ils n’ont pas le droit d’exprimer leur désaccord [au sujet du projet de constitution]... Je n’autorise personne à débattre ni à tenir une conférence de presse sur le projet de constitution. Pourtant, ils désobéissent à mes ordres. Ils seront arrêtés et incarcérés pour 10 ans. Personne ne sera exempté à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi sur le référendum [après publication à la Gazette royale]. Pas même les médias. Pourquoi les gens ne respectent-ils pas la loi, au lieu de demander tout le temps la démocratie et les droits humains ? »

Jatupat Boonphatthararaksa fait l’objet de poursuites pénales dans quatre affaires distinctes relatives à son opposition au projet de constitution et au régime militaire en Thaïlande. Récemment détenu pendant 18 jours au total dans le cadre de deux de ces affaires, il a entamé une grève de la faim avant d’être libéré sous caution (voir l’AU 191/16).

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