Écrire Des militants risquent cinq ans d’emprisonnement pour avoir signalé des actes de torture

Trois défenseurs des droits humains encourent une peine de cinq ans d’emprisonnement et une amende de 300 000 bahts (environ 8 400 dollars des États-Unis) pour avoir rassemblé des informations sur des actes de torture en Thaïlande.

Les militants Somchai Homla-Or, Pornpen Khongkachonkiet et Anchana Heemmina risquent de faire l’objet de poursuites pénales pour diffamation et pour des infractions dans le domaine informatique car ces personnes ont rassemblé et publié en ligne des informations sur des signalements d’actes de torture commis par l’Armée royale de Thaïlande et la Police royale de Thaïlande dans les provinces frontalières du sud du pays.

En janvier 2016, les organisations non gouvernementales (ONG) de ces trois militants - Cross Cultural Foundation et Duay Jai (Hearty Support) Group - ont envoyé un rapport faisant état de 54 cas de torture présumés à l’Unité des opérations de sécurité intérieure pour la quatrième région, un organe de l’armée en charge des opérations de sécurité nationale dans les provinces frontalières du sud de la Thaïlande.

Depuis la publication de ce rapport en février 2016, des représentants de l’armée exercent des pressions sur les auteurs du rapport afin que ceux-ci révèlent l’identité des victimes présumées. Ils ont également harcelé Anchana Heemmina en la convoquant pour une rencontre avec des militaires, en se rendant à son domicile et à son bureau et en lui déconseillant de mener tout travail de campagne. Les trois militants ont reçu l’ordre de se présenter au poste de police de Pattani le 26 juillet 2016.

Les deux ONG auxquelles appartiennent ces militants sont actives dans les provinces frontalières du sud de la Thaïlande, où de nombreux cas de torture et d’autres mauvais traitements de suspects ont été recensés dans le cadre d’affaires prétendument liées à la sécurité. Ces actes de torture et d’autres mauvais traitements sont généralement commis à l’encontre de personnes détenues sans inculpation ni jugement au titre de la législation relative à l’état d’urgence.

Somchai Homla-Or et Pornpen Khongkachonkiet sont respectivement conseiller/ex-président et directrice de la Cross Cultural Foundation, organisation qui rassemble des informations sur les atteintes aux droits humains. Pornpen Khongkachonkiet a par ailleurs été élue présidente du bureau exécutif d’Amnesty International Thaïlande en juin 2016. C’est la seconde fois que l’Armée royale de Thaïlande dépose une plainte pour diffamation contre la Cross Cultural Foundation en raison de son travail sur la torture. Anchana Heemmina est quant à elle directrice du Duay Jai Group. Elle a fondé cette organisation pour offrir une aide juridique aux familles des personnes soupçonnées d’être impliquées dans des affaires liées à la sécurité dans les provinces frontalières du sud de la Thaïlande.

Immédiatement après que trois organisations - la Patani Human Rights Organization, le Duay Jai Group et la Cross Cultural Foundation - ont publié un rapport intitulé « Torture and ill treatment in The Deep South Documented in 2014-2015 » (Torture et mauvais traitements dans le sud du pays en 2014-2015) en février 2016, une personne responsable de la communication de l’armée a déclaré que celles-ci avaient forgé de toutes pièces des récits de torture dans le but d’obtenir des financements étrangers. Cette personne a remis en question la légitimité de l’enquête menée par ces organisations et a averti celles-ci que la publication d’un rapport faisant référence au droit international pouvait constituer un acte de diffamation.

Le 17 mai 2016, l’Unité des opérations de sécurité intérieure pour la quatrième région, organe militaire chargé des opérations de sécurité nationale dans les provinces frontalières du sud du pays, a porté plainte contre Pornpen Khongkachonkiet, Somchai Homla-Or et Anchana Heemmina, qui ont tous trois corédigé le rapport, pour diffamation et pour avoir enfreint la loi relative à la cybercriminalité B.E. 2550 de 2007. Pour justifier sa plainte, l’organe militaire a indiqué que les affirmations contenues dans le rapport avaient porté atteinte à la réputation de l’armée et que les militants n’avaient pas coopéré avec les autorités en refusant de fournir davantage d’informations sur les cas cités dans le rapport.

C’est la seconde fois que l’Armée royale de Thaïlande porte plainte pour diffamation contre Somchai Homla-Or et Pornpen Khongkachonkiet en raison de leur travail sur la torture. Somchai Homla-Or et Pornpen Khongkachonkiet avaient été convoqués en août 2014 après que l’Armée royale de Thaïlande eut déposé une plainte publique contre eux le 20 mai 2014. Ils avaient alors été inculpés d’avoir porté atteinte à la réputation de l’Armée royale de Thaïlande, déformé intentionnellement la vérité et diffusé de fausses informations car ils avaient demandé dans une lettre ouverte fin avril 2014 qu’une enquête soit ouverte sur des allégations de torture. Ces charges ont été abandonnées en septembre 2015 après que le ministère public eut donné l’ordre de ne pas poursuivre ces personnes.

Un nombre croissant de défenseurs des droits humains en Thaïlande sont amenés à répondre d’accusations de diffamation en raison de leurs activités pacifiques consistant à défendre les droits des victimes et à obtenir des réparations pour celles-ci. Les autorités se montrent en outre promptes à rejeter sommairement les plaintes pour torture et les signalements de tels faits, avançant qu’il s’agit uniquement de manœuvres visant à discréditer les autorités ou à s’enrichir personnellement. Elles menacent en outre d’engager des poursuites pénales pour diffamation non seulement contre les personnes qui signalent des actes de torture ou affirment en avoir été victime, mais aussi contre celles qui formulent toute autre critique, supposée ou avérée, à l’égard des autorités.

L’utilisation par les autorités de poursuites pénales pour diffamation est contraire à l’obligation juridique qu’a la Thaïlande de respecter et de protéger le droit à la liberté d’expression aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel cet État est partie.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a encouragé les États à envisager de dépénaliser la diffamation et a souligné que les lois relatives à la diffamation devaient être élaborées avec soin de sorte qu’elles soient conformes aux obligations internationales des États en matière de droits humains et qu’elles ne restreignent pas la liberté d’expression dans la pratique. L’intérêt collectif vis-à-vis du sujet soumis à la critique doit être reconnu comme une ligne de défense et les États doivent s’abstenir d’infliger des peines excessives.

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