Écrire Détention arbitraire prolongée

Islam Khalil, une ancienne victime de disparition forcée, est maintenu en détention provisoire pour des charges controuvées depuis le 10 mars. Le 27 août, le tribunal pénal du Caire a prolongé sa détention de 45 jours.
Entre le 10 mars et le 1er avril, on ignorait où se trouvait Islam Khalil et ce qu’il était advenu de lui. Sa famille l’a vu pour la dernière fois le 10 mars, dans la ville d’Assouan (sud de l’Égypte). Elle n’a su où il se trouvait ensuite que le 2 avril, lorsqu’une personne s’étant rendue à la prison d’enquête de Tora, dans le gouvernorat du Caire, a déclaré y avoir vu Islam Khalil. Depuis lors, Islam Khalil est maintenu en détention arbitraire pour des charges infondées : « appartenance à un groupe illégal » et « diffusion de fausses informations ». Islam Khalil ne cesse de clamer son innocence et Amnesty International est convaincue que cet homme fait l’objet d’une mesure de rétorsion liée à son militantisme politique supposé. Le 27 août, le tribunal pénal du Caire a prolongé la détention d’Islam Khalil de 45 jours. Elle réexaminera la question le 8 octobre.

Les trois autres prévenus mis en cause dans la même affaire nient connaître Islam Khalil. Deux d’entre eux sont des militants politiques qui ont été arrêtés, semble-t-il, à cause de publications Facebook appelant au boycott de l’élection présidentielle. Ils ont été libérés le 9 septembre.

Le frère d’Islam Khalil a fait part à Amnesty International de plusieurs incohérences dans le registre des détentions, qui indique que l’intéressé a été arrêté aux alentours de son domicile à Gharbia, alors qu’il a été interpellé à Assouan. En outre, le registre mentionne la date du 30 mars, qui est la veille du jour où Islam Khalil a été déféré au parquet. En réalité, cet homme a été arrêté le 10 mars et victime de disparition forcée.

Selon la famille, le parquet de la sûreté de l’État a interrogé Islam Khalil le 1er avril sans la présence d’un avocat. Les proches n’ont été autorisés à lui rendre visite que 12 jours plus tard. Islam Khalil affirme avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements lors de sa disparition forcée, entre le 10 mars et le 1er avril. Selon son frère, Islam Khalil a été arrêté le 10 mars et détenu à l’aéroport militaire de Bérénice, où il a été agressé physiquement pendant une heure. Il a ensuite été transféré au quartier général de l’Agence de sécurité nationale au Caire puis à Tanta, une autre ville d’Égypte, où il a été battu, suspendu, électrocuté et menacé de viol et de mort.

Islam Khalil a été victime d’une disparition forcée du 10 mars au 1er avril. Sa famille affirme qu’elle a eu de ses nouvelles pour la dernière fois le 10 mars, alors qu’il se trouvait à Assouan. Après avoir perdu contact avec lui, elle s’est renseignée au poste de police d’Assouan pour savoir s’il était en garde à vue mais on lui a soutenu qu’il ne s’y trouvait pas. Le 15 mars, elle a porté plainte auprès du procureur, sans obtenir aucune réponse. Elle s’est aussi renseignée auprès du ministère public à Hurghada, au sud-est du Caire, et à Assouan. Ces deux services ont affirmé ne pas détenir Islam Khalil. La famille d’Islam Khalil n’a appris où il se trouvait que le 2 avril, lorsque les autorités ont reconnu qu’il était détenu à la prison d’enquête de Tora.

Selon le frère d’Islam Khalil, la direction de la prison a empêché l’intéressé de recevoir des livres et de la nourriture et l’a privé des visites de ses proches pendant un mois. Celui-ci a été transféré dans une cellule infestée d’insectes et on ne lui fournissait pas suffisamment d’eau ni de nourriture. Il a ensuite été placé dans une autre cellule ; ses codétenus l’ont forcé à prier et l’ont empêché de fumer et de lire certains livres.

Islam Khalil avait déjà été torturé et soumis à d’autres formes de mauvais traitements en détention, selon son propre témoignage et des informations reçues par l’intermédiaire de sa famille et de son avocat. Le 24 mai 2015, il a été enlevé à son domicile à Al Santa, dans le gouvernorat de Gharbia, par l’Agence de sécurité nationale. Il a été soumis à une disparition forcée, les autorités ayant refusé de reconnaître sa privation de liberté et de révéler ce qu’il est advenu de lui et où il se trouvait pendant 122 jours. Durant cette période, selon lui, il a été torturé par des agents de l’Agence de sécurité nationale qui ont cherché à le forcer à « avouer » des crimes qu’il dit ne pas avoir commis. Il a été libéré le 31 août 2016, soit 10 jours après que le ministère public a ordonné sa libération sous caution. Il a été inculpé d’appartenance aux Frères musulmans, un groupe interdit, d’incitation à la violence et d’attaque contre les forces de sécurité.

La disparition forcée est l’arrestation, la détention ou l’enlèvement d’une personne par des agents de l’État, ou par des personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi. La disparition forcée est un crime au regard du droit international.

Amnesty International a recueilli de nombreuses informations sur l’utilisation des disparitions forcées par les forces de sécurité égyptiennes comme outil contre les militants politiques, les défenseurs des droits humains et les manifestants pacifiques, y compris des étudiants et des mineurs (voir https://www.amnesty.org/fr/documents/mde12/4368/2016/fr/). Des centaines de personnes victimes de disparition forcée ont été arrêtées de manière arbitraire et maintenues au secret dans des lieux tenus secrets, sans pouvoir consulter leur avocat ni communiquer avec leur famille et sans contrôle judiciaire. Le caractère systématique de ces atteintes aux droits humains est devenu particulièrement manifeste après la nomination du général de division Magdy Abd El Ghaffar au poste de ministre de l’Intérieur par le président Abdel Fattah al Sissi, en mars 2015.

La détention arbitraire consiste à détenir des personnes sans raison légitime ou en dehors de toute procédure judiciaire.
Les autorités égyptiennes ont lancé une nouvelle vague de répression encore plus intense contre leurs détracteurs en décembre 2017, à l’approche de l’élection présidentielle. Ces 10 derniers mois, les forces de sécurité ont arbitrairement arrêté et placé en détention au moins 111 personnes, au seul motif qu’elles avaient exprimé pacifiquement des opinions critiques à l’égard des autorités, ou participé ou appelé à participer à des manifestations ou des rassemblements politiques. Au moins 70 d’entre elles sont toujours détenues, pour des charges passibles de peines allant jusqu’à 15 ans de prison. Des centaines de personnes ont été condamnées, à mort dans certains cas, à l’issue de procès collectifs d’une iniquité flagrante. Les tribunaux ont continué de fonder largement leurs décisions sur des informations fournies par l’Agence de sécurité nationale et sur des éléments de preuve très contestables, tels que des aveux obtenus sous la torture. Des procès inéquitables de civils devant des tribunaux militaires ont encore eu lieu.

Nom : Islam Khalil
Homme

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