En mai 2011, Kamal Sharifi avait organisé une grève de la faim pour protester contre la privation de ses droits de visite. Au 48e jour de sa grève de la faim, les autorités l’avaient autorisé à recevoir la visite de sa famille pour la première fois depuis son arrestation. La visite avait eu lieu en présence d’agents des services de renseignement, qui lui avaient interdit de parler à sa mère en kurde. Il avait mis un terme à sa grève de la faim six jours plus tard, en juillet 2011. Peu après, il avait été victime d’un accident vasculaire cérébral. Il souffre toujours des conséquences à long terme tant de sa grève de la faim prolongée que de son accident vasculaire cérébral, notamment de complications gastro-intestinales, d’engourdissements du visage et de faiblesse musculaire, pour lesquels il n’a pas reçu de soins médicaux adaptés.
Dans une lettre qu’il a écrite depuis la prison le 21 mars 2021, Kamal Sharifi a écrit : « J’ai envoyé plus de 20 demandes de permission au procureur, au directeur du ministère de la Justice et à des responsables judiciaires dans les provinces du Hormozgan et du Kurdistan, mais elles ont été ignorées… Depuis 13 ans, je souffre d’une maladie gastro-intestinale et je mange de la nourriture de mauvaise qualité en prison. Après 13 ans d’emprisonnement et d’exile interne sans visites familiales et après avoir subi un accident vasculaire cérébral et une crise cardiaque… subir d’autres pressions psychologiques… est devenu difficile et intolérable. »
Kamal Sharifi avait été arrêté à Saqqez, dans la province du Kurdistan, le 25 mai 2008, lors d’un affrontement armé qui avait eu lieu lorsque des agents du ministère du Renseignement avaient effectué une descente dans la cachette d’un groupe de personnes, dont Kamal Sharifi, qui auraient été liées au Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI), un groupe armé kurde d’opposition, et étaient entrées illégalement en Iran depuis la région du Kurdistan irakien peu avant les faits. D’après le jugement du tribunal, qu’Amnesty International a consulté, Kamal Sharifi avait maintenu pendant son procès qu’il n’avait pas utilisé d’arme pendant les événements. Après son arrestation, Kamal Sharifi avait été transféré dans un centre de détention géré par le ministère du Renseignement, à Sanandaj, dans la province du Kurdistan, où il avait été placé en détention à l’isolement et privé de contact avec sa famille et son avocat pendant six mois.
Pendant cette période, il affirme que des agents du ministère du Renseignement lui ont bandé les yeux et l’ont torturé à plusieurs reprises, notamment en le frappant, en lui infligeant des décharges électriques, en le maintenant dans des positions douloureuses et en l’entravant, dans le but de le forcer à « avouer » devant une caméra qu’il avait pris part à des activités armées attribuées au PDKI. Kamal Sharifi affirme qu’en raison des actes de torture auxquels il a été soumis, il continue de souffrir de douleurs articulaires. Il n’a pas reçu de soins médicaux pour ces lésions chroniques et a dû utiliser seulement des analgésiques ordinaires.
En décembre 2008, le tribunal révolutionnaire de Saqqez avait déclaré Kamal Sharifi coupable d’« inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh) par « rébellion armée » et appartenance au PDKI, et l’avait condamné à 30 ans d’emprisonnement. Le tribunal avait jugé qu’il devait purger la totalité de sa peine en « exile » dans la prison de Minab, dans le sud de l’Iran, à environ 1 600 kilomètres de la ville de Saqqez, où vit sa famille.
Le tribunal s’était en outre appuyé sur l’article 193 du Code pénal islamique de 1991 pour juger que « pendant qu’il purgera sa peine, il sera privé des privilèges de permission de sortie de prison, de visites et de correspondance écrite avec d’autres personnes. » Cet article prévoit que les personnes déclarées coupables d’« inimitié à l’égard de Dieu » qui sont exilées doivent être placées sous surveillance et ne doivent pas avoir d’interaction avec d’autres personnes. Le procès de Kamal Sharifi avait été d’une iniquité flagrante : il avait duré environ cinq minutes et il affirme que le juge ne l’avait pas autorisé à parler avec son avocat, qu’il avait rencontré pour la première fois lors du procès.
Les détenus de la prison de Minab vivent dans des cellules surpeuplées et il n’y a pas suffisamment de lits, ce qui force nombre d’entre eux à dormir à même le sol, notamment dans les couloirs de la prison. Les repas fournis par la prison sont de piètre qualité et peu nutritifs. L’infirmerie de la prison n’est équipée que d’un seul lit et ne dispose pas de personnel suffisant ni des équipements médicaux nécessaires : un seul infirmier (behyar) avec des connaissances médicales limitées est présent 24 heures par jour et un médecin vient quelques heures une fois par semaine. Le personnel de l’infirmerie prescrit généralement des analgésiques et des antibiotiques ordinaires aux détenus, sans traiter leurs problèmes médicaux sous-jacents.
tDes informations provenant de la prison de Minab indiquent qu’entre mars 2020 et mars 2021, l’épidémie de COVID-19 a touché la prison et plusieurs détenus qui auraient été infectés seraient morts en détention à la suite du refus des autorités de les transférer vers un établissement médical en dehors de la prison. La vaccination des détenus a commencé aux alentours d’août 2021 et Kamal Sharifi et la plupart des autres détenus ont reçu deux doses du vaccin contre le COVID-19 produit en Iran. Cependant, de plus en plus d’éléments médicaux indiquent que deux doses ne suffisent pas à protéger des formes graves de la maladie, particulièrement dans les cas de personnes comme Kamal Sharifi qui souffrent de problèmes de santé préexistants.
Le parquet et les autorités pénitentiaires d’Iran privent régulièrement les détenus d’accès à des soins médicaux adaptés, dans de nombreux cas à des fins délibérées de cruauté en vue de les intimider et les sanctionner. Des dizaines de cas de morts suspectes en détention soupçonnées d’être liées à la privation de soins médicaux ont été signalés ces dernières années, dans un contexte d’impunité pour les violations du droit à la vie.