Après l’attentat perpétré le 16 décembre 2014 par des talibans pakistanais dans une école de Peshawar gérée par l’armée, le Premier ministre Nawaz Sharif a partiellement levé le moratoire sur les exécutions en vigueur depuis six ans, autorisant ainsi le recours à la peine capitale dans les affaires de terrorisme. Le 11 mars 2015, le gouvernement pakistanais a annoncé qu’il levait totalement le moratoire et que la peine de mort pourrait désormais être appliquée pour toutes les infractions les plus graves. Il a menacé de mettre à mort jusqu’à un millier de personnes ayant épuisé toutes leurs voies de recours, y compris les demandes de grâce. Au total, plus de 368 prisonniers ont été exécutés depuis la fin du moratoire.
Environ 7 000 prisonniers attendaient dans le quartier des condamnés à mort au Pakistan à la fin de l’année 2015. Dans ce pays, la peine capitale peut être appliquée pour au moins 27 infractions, y compris certaines n’ayant pas entraîné la mort et ne pouvant pas être considérées comme faisant partie des « crimes les plus graves » évoqués à l’article 6.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Pakistan est partie.
Amnesty International a fermement condamné l’attentat contre l’école de Peshawar, qui a fait 149 morts, dont 132 enfants. L’organisation a appelé à l’ouverture d’une enquête minutieuse sur les attaques menées sans discrimination et les attaques contre les civils, notamment l’attentat contre l’école de Peshawar. L’organisation a en outre insisté pour que les responsables présumés soient jugés dans le cadre de procédures conformes aux normes internationales d’équité des procès, sans recours à la peine de mort. Depuis l’attentat, le Pakistan a modifié sa Constitution afin d’accélérer les procédures dans les affaires de terrorisme et de les confier aux tribunaux militaires au lieu des tribunaux civils. La compétence des tribunaux militaires dans ce type d’affaires suscite de vives inquiétudes quant au respect des garanties relatives à l’équité des procès, car des condamnations pour terrorisme trop rapides pourraient bafouer certains droits.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort dans tous les cas et en toutes circonstances, quelles que soient la nature du crime commis, la personnalité de son auteur ou la méthode d’exécution utilisée par l’État. L’organisation considère que cette sanction viole le droit à la vie tel que reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’Homme et constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit. Par ailleurs, aucun élément convaincant n’a jamais permis de démontrer qu’elle était plus dissuasive que les autres châtiments. L’étude la plus complète sur le sujet, réalisée par les Nations unies en 1988 et actualisée en 2008, a conclu que rien ne prouve que les exécutions permettent de prévenir davantage les crimes que la réclusion à perpétuité.
Au Pakistan, les condamnations à mort sont souvent prononcées à l’issue de procès non conformes aux normes internationales d’équité. Les accusés sont privés d’avocat et les tribunaux jugent recevables des pièces qui ne le sont pas au regard du droit international. Ainsi, des « aveux » arrachés sous la torture sont encore admis à titre d’éléments de preuve. Il est fréquent que les accusés ne puissent pas consulter librement un avocat ou que l’État leur en attribue un, qui est généralement peu formé et mal payé. Les avocats commis d’office ne représentent pas toujours leurs clients avec suffisamment de conviction, à moins que l’accusé ou sa famille ne leur offre une rémunération supplémentaire. En outre, le droit à un procès équitable est mis à mal par les juridictions inférieures qui continuent de prononcer des condamnations à mort. Ces tribunaux peuvent restreindre l’accès du public et être obligés de clore la procédure dans un délai de quelques jours ou quelques semaines. De ce fait, les juges subissent une pression extrême qui les pousse à déclarer les accusés coupables.
En 2012, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a conclu que les tribunaux militaires et autres juridictions d’exception ne devraient pas être habilités à prononcer la peine capitale.