Écrire Un détenu reprend sa grève de la faim

La Cour suprême de l’Iran a annulé la condamnation à mort de Mohammad Ali Taheri en décembre dernier et renvoyé l’affaire devant le tribunal révolutionnaire en vue d’un complément d’enquête. Cet homme est détenu depuis plus de quatre ans à l’isolement et a entamé une nouvelle grève de la faim en signe de protestation.

Mohammad Ali Taheri a entamé une grève de la faim le 30 janvier 2016 après que les autorités de la section 2A de la prison d’Evin à Téhéran – gérée par les pasdaran (gardiens de la révolution) – lui ont dit qu’il « [ferait] mieux d’oublier l’idée d’être libéré ». Au bout de sept jours de grève, il a perdu connaissance et a été conduit à l’hôpital. Il a été renvoyé en prison le 10 février. Malgré son état de santé fragile, il continue de refuser de s’alimenter.

Mohammad Ali Taheri est détenu à l’isolement depuis mai 2011. Il a été inculpé de plusieurs infractions, dont « diffusion de la corruption sur terre » et « outrage aux valeurs sacrées de l’islam », pour lesquelles un tribunal révolutionnaire l’a condamné en octobre 2011 à cinq ans de prison, tout en indiquant avoir besoin d’un complément d’enquête avant de se prononcer sur le premier chef d’accusation. Les pasdaran ont alors rouvert l’enquête. Pendant ce temps, la détention à l’isolement de Mohammad Ali Taheri a été prolongée à plusieurs reprises. Cet homme a finalement été condamné à mort en juillet 2015 pour « diffusion de la corruption sur terre » – pour avoir fondé le groupe spirituel Erfan e Halgheh – et promotion de croyances et pratiques que les autorités estiment « perverses » et voient comme une tentative visant à « renverser sans violence » le gouvernement en affaiblissant les convictions religieuses de la population. La Cour suprême a annulé cette décision en décembre 2015, arguant que les activités reprochées au prévenu ne correspondaient pas à la définition de la « diffusion de la corruption sur terre » aux termes des lois pénales en vigueur au moment des faits. L’affaire a été renvoyée devant le ministère public pour que celui-ci mène une nouvelle enquête pour étayer les charges retenues. Mohammad Ali Taheri a officiellement fini de purger sa peine de cinq ans de prison le 7 février dernier.

Les pasdaran ont mené plusieurs enquêtes pénales sur les enseignements et les pratiques spirituels de Mohammad Ali Taheri depuis 2010. En juillet 2011, celui-ci a été inculpé de « diffusion de la corruption sur terre », « outrage aux valeurs sacrées de l’islam », « implication dans le traitement de patients », « actes religieux interdits » et « relations illicites » en touchant les poignets de femmes « non parentes » (namahram), « production et publication de contenus audiovisuels illégaux », « collecte de fonds illégitimes » et utilisation illégale de titres universitaires. En novembre 2011, la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran a jugé qu’un complément d’enquête était nécessaire pour étayer le chef d’accusation de « diffusion de la corruption sur terre », mais elle a déclaré Mohammad Ali Taheri coupable des six autres charges retenues contre lui et l’a condamné à cinq ans de prison pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam », 74 coups de fouet pour « relations illicites » et plusieurs amendes aux montants différents pour les quatre autres accusations. La condamnation pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam » reposait sur le fait que Mohammad Ali Taheri ait supposément expliqué qu’il existait des contradictions dans le Coran et que le prophète Mahomet n’avait pas compris le sens de ses propres enseignements. L’intéressé a toujours nié ces allégations, affirmant être un « fervent musulman ». Sa sentence a été confirmée par la 54e chambre de la cour d’appel provinciale de Téhéran en mai 2012.

Le dossier concernant le chef d’inculpation de « diffusion de la corruption sur terre » a été envoyé en vue d’un complément d’enquête à l’unité des pasdaran de Sarollah, à Téhéran, qui est le principal enquêteur dans cette affaire, prétexte que les autorités auraient invoqué pour ne pas transférer Mohammad Ali Taheri vers la section générale de la prison d’Evin. Au lieu de cela, elles ont prolongé à plusieurs reprises sa détention à l’isolement dans la section 2A de la prison, où il se trouve encore à l’heure actuelle. La 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran aurait approuvé au moins une fois, en juillet 2014, la durée de la détention de cet homme.

L’unité des pasdaran de Sarollah aurait terminé son enquête en septembre 2014 et notamment conclu que Mohammad Ali Taheri avait « diffusé la corruption sur terre » en promouvant sa « secte perverse » auprès d’environ 50 000 personnes dans le pays et en agissant en vue d’encourager « le renversement sans violence de l’institution sacrée de la République islamique » en semant le doute quant aux croyances religieuses de manière généralisée. La 26e chambre du tribunal révolutionnaire a tenu deux audiences entre mars et juillet 2015, à l’issue desquelles le prévenu a été déclaré coupable et condamné à mort. La Cour suprême a annulé cette sentence en décembre après avoir conclu que les activités menées par Mohammad Ali Taheri avant son arrestation en 2011 ne correspondaient pas à la définition de la « diffusion de la corruption sur terre » aux termes de l’ancien Code pénal islamique, qui était en vigueur jusqu’en 2013. Elle a également noté que plusieurs enquêtes étaient au point mort au sujet de cet homme – notamment pour « apostasie » (ertedad), « outrage au prophète » (sabbo al nabi), « rassemblement et conspiration contre la sécurité nationale » de par son appartenance au groupe d’opposition de la guérilla Fadaiyan Khalq dans les premiers temps de la République islamique, et « atteintes à l’intégrité physique d’un grand nombre d’individus » – mais elle a indiqué que ces enquêtes étaient incomplètes et entachées d’erreurs. Elle a donc renvoyé l’affaire devant le tribunal révolutionnaire en vue d’un complément d’enquête afin d’étayer le chef d’accusation de « diffusion de la corruption sur terre ».

Le Code pénal islamique de 2013 a élargi la signification de cette infraction pour y inclure « le fait de se procurer des armes pour provoquer la terreur ou la peur, ou le fait de nuire à la sécurité et à la liberté publiques ». L’article 286 dispose : « Quiconque, de manière généralisée, porte atteinte à l’intégrité physique de tiers, nuit à la sécurité nationale, met en danger la structure économique du pays, commet des incendies et dégrade des biens, distribue des substances empoisonnées ou dangereuses, gère des centres de corruption et de prostitution, d’une façon susceptible de troubler fortement l’ordre public dans le pays, de porter sérieusement atteinte à l’intégrité physique de tiers ou de provoquer de graves dommages à des biens privés et publics, ou diffuse à grande échelle la corruption ou la prostitution est “corrompu” sur terre et sera condamné à mort. » L’article 242 du nouveau Code de procédure pénale prévoit que la période de détention précédant le procès ne doit pas dépasser deux ans pour les infractions passibles de la peine de mort, et un an pour les autres infractions.

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