Écrire Deux anciens journalistes inculpés d’espionnage

En novembre 2017, deux anciens journalistes de Radio Free Asia, une station de radio américaine émettant au Cambodge, ont été arrêtés dans la capitale, Phnom Penh, sur la base d’accusations d’espionnage forgées de toutes pièces. Leur demande de libération sous caution a été rejetée. S’ils sont déclarés coupables, ils encourent jusqu’à 15 ans de prison. Amnesty International les considère comme des prisonniers d’opinion.

Dans la soirée du 14 novembre 2017, deux anciens journalistes de Radio Free Asia (RFA), Uon Chhin et Yeang Sothearin, ont été arrêtés à l’hôtel Marady, dans le quartier de Steung Meanchey, à Phnom Penh, par un groupe composé de 20 membres de diverses forces de sécurité. Il leur est reproché d’avoir monté illégalement un studio de radiodiffusion pour pouvoir continuer à envoyer des reportages au siège de la radio RFA, aux États-Unis.

Le 14 novembre 2017, à 19 heures, Uon Chhin se trouvait dans sa chambre, à l’hôtel Marady, lorsque les forces de sécurité sont arrivées. Il a appelé Yeang Sothearin à peu près une demi-heure plus tard, lui demandant de venir pour confirmer qu’il gérait une petite entreprise de production de karaoké et de vidéo. Après l’arrivée de Yeang Sothearin, ils ont été interrogés pendant une heure, puis les deux hommes ont été arrêtés et emmenés au quartier général de la police municipale de Phnom Penh. Le 16 novembre 2017, dans la matinée, des policiers municipaux ont ramené les deux hommes dans la chambre d’hôtel pour poursuivre leur enquête et fouiller les lieux. Le 18 novembre, le procureur adjoint du tribunal de première instance de Phnom Penh a interrogé les deux hommes.

Ensuite, le juge d’instruction a décidé d’ouvrir une enquête sur eux pour espionnage présumé, pour avoir prétendument fourni à un « État étranger ou à ses agents » des informations « portant atteinte à la défense nationale » au titre de l’article 445 du Code pénal. Il a ordonné leur placement en détention provisoire au Centre correctionnel n° 1 de Phnom Penh (CC1). S’ils sont déclarés coupables, ils encourent de sept à 15 ans de prison. Le 4 décembre, le juge a rejeté leur demande de libération sous caution, au motif qu’ils risquaient de prendre la fuite et que l’enquête judiciaire risquait d’être entravée.

Les contrats de travail de Uon Chhin, de Yeang Sothearin et de tous les autres journalistes cambodgiens de la radio RFA ont été résiliés lorsque RFA a décidé de mettre fin à ses activités au Cambodge, le 12 septembre. Cette décision, prise alors que RFA fonctionnait depuis près de 20 ans, était la conséquence de mois de harcèlement de la part des autorités. L’arrestation de ces deux journalistes intervient alors que des attaques incessantes sont menées contre les médias indépendants pour étouffer la liberté d’expression en ligne et hors ligne, les autorités cambodgiennes cherchant à faire taire les voix critiques à l’approche des élections législatives, qui doivent avoir lieu dans quelques mois, le 29 juillet 2018.

Radio Free Asia (RFA) a fermé son bureau de Phnom Penh le 12 septembre 2017, justifiant cette décision par la répression des autorités, les menaces contre les journalistes et l’interruption de ses émissions en modulation de fréquence (FM). Selon les médias locaux, des responsables du ministère de l’Information ont menacé d’arrêter tout ancien journaliste de RFA qui continuerait à travailler pour cette radio. Il semble que l’arrestation de Uon Chhin et Yeang Sothearin et les charges forgées de toutes pièces à leur encontre soient une tactique délibérément employée par les autorités pour intimider les journalistes cambodgiens et les dissuader de continuer à faire des reportages pour le siège de RFA, qui se trouve aux États-Unis. RFA affirme qu’elle n’a plus de personnel au Cambodge.

Le 19 novembre 2017, un groupe de plus de 60 journalistes cambodgiens a publié une lettre ouverte appelant à la libération des deux anciens journalistes de RFA. Depuis lors, le journaliste qui a lancé la pétition a quitté le pays, après avoir été placé sous surveillance. D’autres journalistes ont également fait état d’une surveillance accrue et ont quitté le pays, craignant d’être arrêtés.

L’interruption des activités de RFA au Cambodge intervient sur fond d’attaques incessantes contre les médias indépendants, la société civile et l’opposition au Cambodge, à l’approche des élections législatives de 2018. Ces derniers mois, au Cambodge, plus de 30 programmes diffusés à l’échelle nationale par RFA, Voice of America, Voice of Democracy et radio Mohanokor, une radio favorable à l’opposition, ont été interdits d’antenne. Les habitants des régions rurales du Cambodge restent très tributaires de ces stations de radio, qui sont leur seule source d’informations indépendantes ou critiques ; bien souvent, dans les zones reculées, ils n’ont pas accès à Internet. Les chaînes de télévision sont étroitement liées au gouvernement.

Le 4 septembre 2017, The Cambodia Daily, un quotidien indépendant, a fermé ses portes après avoir reçu un relevé d’imposition non vérifié de 6,3 millions de dollars des États-Unis, ce qui a été généralement perçu comme une initiative des autorités visant à le contraindre à cesser ses activités. Deux de ses anciens journalistes sont toujours inculpés d’incitation pour les reportages qu’ils ont réalisés à l’époque des élections municipales, en juin 2017. De plus, le 16 novembre, Len Leng, ancienne journaliste du Cambodia Daily, a été détenue pendant plus de sept heures après avoir tenté d’assister à l’audience publique de la Cour suprême qui a abouti à la dissolution du principal parti d’opposition, le Parti du salut national du Cambodge (PSNC).
Ces derniers mois, des citoyens ordinaires exprimant leurs opinions en ligne ont été la cible d’une série d’arrestations, essentiellement en raison de publications Facebook critiquant le Premier ministre Hun Sen.

Le musellement systématique et croissant des médias financés par l’étranger accompagne le discours du parti au pouvoir selon lequel il existerait une « révolution de couleur » menée par l’opposition, visant à renverser le gouvernement actuel, qui serait financée et appuyée par le gouvernement des États-Unis et bénéficierait du soutien de la société civile et des médias indépendants.

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