Écrire Deux artistes iraniens emprisonnés mènent une grève de la faim

Les deux artistes iraniens Mehdi Rajabian et Hossein Rajabian, qui sont frères, ont entamé une deuxième grève de la faim le 28 octobre pour protester contre leur maintien en détention. Ils disent qu’ils poursuivront leur grève de la faim jusqu’à leur libération de prison.

Le musicien Mehdi Rajabian et son frère Hossein Rajabian, cinéaste, mènent une grève de la faim depuis le 28 octobre pour protester contre leur maintien en détention. Les deux prisonniers d’opinion avaient déjà mené une grève de la faim en septembre pour protester contre le refus des autorités de leur permettre d’obtenir des soins médicaux adéquats ou une permission de sortie pour raison médicale, et contre la décision qui a été prise de les séparer en les plaçant dans deux quartiers différents de la prison d’Evin, à Téhéran. Dans une lettre ouverte écrite le 26 octobre, les deux frères expliquent qu’ils avaient mis fin à leur précédente grève de la faim parce que les autorités leur avaient promis qu’ils seraient de nouveau placés dans le même quartier de la prison et qu’ils recevraient des soins médicaux adéquats. Or, les deux frères disent que, malgré ces promesses, leurs conditions de détention se sont dégradées et que Mehdi Rajabian n’est maintenant plus autorisé à communiquer avec son avocat. Ils ont en outre lancé un appel dans cette lettre : « Nous appelons tous les artistes à travers le monde à condamner ces abus en réagissant d’une façon digne d’un artiste. Ne nous oubliez pas en ces temps extrêmement difficiles ».

Depuis qu’il a commencé sa grève de la faim, Mehdi Rajabian a toussé du sang à deux reprises. La première fois, le 2 novembre, son compagnon de cellule l’a emmené à l’infirmerie de la prison d’Evin, où Mehdi Rajabian dit que le médecin de la prison a été de plus en plus grossier, en particulier quand Mehdi Rajabian n’a pas été capable de répondre à ses questions et a refusé des solutés intraveineux. S’en est suivi une altercation, et Mehdi Rajabian dit que le médecin lui a alors donné un coup de poing dans le ventre. Les deux frères souffrent de problèmes de santé antérieurs à leur incarcération pour lesquels ils ont besoin de soins médicaux, mais ces soins leur sont refusés en prison. Ils disent qu’ils poursuivront leur grève de la faim jusqu’à leur libération de prison, et refusent qu’on leur administre des solutés par voie intraveineuse. Les autorités refusent maintenant de permettre aux deux frères de se contacter, y compris par téléphone alors qu’ils pouvaient le faire auparavant.

En avril 2015, à l’issue d’un procès manifestement inique devant un tribunal révolutionnaire, Mehdi et Hossein Rajabian ont été condamnés à six ans d’emprisonnement pour des charges liées à leurs activités artistiques, notamment pour « atteinte aux valeurs sacrées de l’islam » et « activités audiovisuelles illégales ». Une cour d’appel a ensuite statué qu’ils devaient purger la moitié de leurs peines d’emprisonnement, soit trois années au lieu de six. Elle a assorti le reliquat de leur peine d’un sursis de cinq ans, sous réserve de « bonne conduite ». Ils ont commencé à purger leur peine le 4 juin 2016.

Mehdi Rajabian et Hossein Rajabian sont tous les deux en mauvaise santé. À la suite d’un examen en imagerie par résonance magnétique (IRM), un neurologue a indiqué à Mehdi Rajabian qu’il souffrait peut-être d’une sclérose en plaques (SEP), pathologie nécessitant des soins immédiats, et devait passer rapidement des examens visant à établir un diagnostic. Pendant les deux premiers mois qui ont suivi son arrestation, il a été privé du traitement qui, selon son médecin, est indispensable pour retarder la manifestation des symptômes de la SEP. Par ailleurs, il est victime d’attaques depuis que des agents des forces de sécurité l’ont battu après son arrestation, en octobre 2013. Il a notamment eu une crise le 10 septembre et a été emmené à l’infirmerie de la prison. Hossein Rajabian, quant à lui, souffrait déjà de problèmes rénaux avant son incarcération et est en proie à des symptômes aigus proches de la fièvre en prison. Quelques heures après avoir commencé sa première grève de la faim, le 8 septembre 2016, il a été emmené à l’infirmerie de la prison pour un examen de sang qui a révélé un taux élevé de globules blancs. Il a ensuite été conduit, pieds et poings liés, dans un hôpital hors de la prison, mais n’a pas bénéficié de soins adéquats avant de regagner la prison.

Le 5 octobre 2013, pendant leur arrestation par des pasdaran (gardiens de la révolution), qui a eu lieu à leur bureau dans la ville de Sari, dans la province de Mazandaran (nord du pays), Hossein Rajabian et Mehdi Rajabian ont reçu des décharges de pistolet incapacitant et ont eu les yeux bandés. Pendant les 18 jours qui ont suivi, ils ont été maintenus en détention dans un lieu inconnu, où ils affirment avoir été torturés, notamment à l’électricité. Ils ont ensuite été détenus pendant deux mois à l’isolement dans la section 2A de la prison d’Evin. Les agents chargés de les interroger les ont apparemment contraints à faire des « aveux » filmés, les menaçant de réclusion à perpétuité s’ils refusaient. Ils ont été remis en liberté sous caution en décembre 2013. Ils ont été détenus au secret pendant la majeure partie de leur détention. Dix jours après leur procès, en avril 2015, on leur a annoncé que le jugement avait été prononcé et qu’ils devraient se rendre au tribunal pour en prendre connaissance. Ils ont chacun été condamnés à cinq ans d’emprisonnement pour « atteinte aux valeurs sacrées islamiques », à un an d’emprisonnement pour « propagande contre le système », et à une amende d’un montant de 200 millions de rials (environ 6 625 dollars des États-Unis) pour « activités audiovisuelles illégales ». Ils se sont défendus eux-mêmes lors de leur procès en appel, le juge leur ayant signifié qu’ils n’avaient pas droit à un avocat. En première instance comme en appel, les trois hommes ont indiqué aux juges que leurs « aveux » leur avaient été arrachés sous la torture lors de leur détention au secret. Le juge qui présidait la cour durant leur procès en appel leur a déconseillé d’évoquer leurs allégations de torture et a menacé de prononcer des peines plus lourdes s’ils le faisaient. Ils n’ont pas pu consulter un avocat au moment de leur arrestation ni pendant leur incarcération et leurs procès en première instance et en appel.

Mehdi Rajabian est le fondateur du site Internet iranien Barg Music, lancé en 2009 et diffusant de la musique non autorisée. En Iran, seule la musique qui a reçu l’aval des censeurs officiels peut être diffusée, et les musiciens qui ne sont pas munis d’une autorisation se retrouvent dans la clandestinité. Barg Music a distribué de la musique en persan produite par des chanteurs iraniens à l’étranger. Certaines de leurs paroles et de leurs messages ont un caractère politique ou abordent des sujets tabous. Quand il a été arrêté, Mehdi Rajabian enregistrait l’histoire du setâr, un instrument de musique iranien. Les pasdaran qui ont procédé à son arrestation ont confisqué ses enregistrements et d’autres supports en relation avec ce projet. Mehdi Rajabian a été accusé d’avoir diffusé la voix d’artistes féminines, ainsi que celle de chanteurs « hostiles à la révolution islamique ». Les autorités iraniennes imposent des restrictions aux chanteuses, leur interdisant de se produire en solo devant des hommes. Des dignitaires religieux conservateurs affirment que les voix de femmes ont le pouvoir de provoquer une excitation sensuelle immorale. En février 2015, l’ayatollah conservateur Hassan Nouri Hamedani a ainsi déclaré : « Nous nous dresserons contre tout film, tout livre ou toute musique qui est contraire aux principes de l’islam et à la révolution [...] Rien ne peut rendre acceptable le chant des femmes. Nous nous opposerons à toute tentative en ce sens. » Hossein Rajabian a été arrêté après avoir réalisé son premier long métrage, intitulé The Upside Down Triangle, sur le droit au divorce des femmes en Iran. Les pasdaran ont saisi tout le matériel en rapport avec le film. Le film est interdit de diffusion en Iran.

Les charges retenues contre Mehdi Rajabian et Hossein Rajabian sont en rapport avec leurs activités artistiques, notamment avec le long métrage d’Hossein Rajabian portant sur le droit au divorce des femmes en Iran, et avec la diffusion par Mehdi Rajabian de musiques non autorisées enregistrées par des chanteurs iraniens à l’extérieur du pays. L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l’Iran a ratifié, protège le droit à la liberté d’expression, y compris sous une forme artistique.

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