Les autorités pénitentiaires, après avoir ignoré pendant des mois les demandes formulées par Nahid Taghavi en vue de recevoir des soins médicaux spécialisés pour ses douleurs dorsales, l’ont transférée dans un hôpital extérieur à la prison pour une IRM au début du mois de juin 2021. Elle s’est vu refuser toute information sur les résultats de cette IRM jusqu’au 21 septembre 2021, date à laquelle elle a été transférée sans préavis dans un hôpital à l’extérieur de la prison pour prendre connaissance de ses résultats d’examen, et reconduite en prison.
À la fin du mois d’octobre 2021, le responsable de la clinique de la prison d’Evin a informé Nahid Taghavi qu’il avait donné son accord pour son opération du dos, mais qu’il avait besoin d’un avis de l’Organisation iranienne de médecine légale, un institut médicolégal public placé sous l’autorité de la justice. Le 21 juillet 2021, à la suite d’une flambée de COVID-19 dans le quartier des femmes de la prison d’Evin, Nahid Taghavi a été diagnostiquée positive au COVID-19.
À l’époque, elle s’était vu refuser ses demandes de transfert dans un hôpital en dehors de la prison ou de congé pénitentiaire pour raisons médicales en raison de sa santé défaillante, de son âge et de ses problèmes de santé préexistants, à savoir le diabète et l’hypertension artérielle. Le parquet lui a indiqué que sa demande de congé pénitentiaire avait été rejetée parce que son jugement n’avait pas encore été prononcé ; cependant, l’article 217 du Code iranien de procédure pénale offre aux représentants du ministère public un certain nombre d’options permettant une libération avant le jugement, notamment la libération sous caution. Le 1er septembre 2021, les autorités pénitentiaires ont informé Nahid Taghavi de l’acceptation de sa demande de congé pénitentiaire de juillet 2021 et lui ont dit de réunir la caution dont sa libération était assortie.
Or, bien que cette caution ait été versée, Nahid Taghavi n’a toujours pas été remise en liberté.
Après leur arrestation arbitraire, Mehran Raoof et Nahid Taghavi ont passé respectivement près de neuf mois et plus de six mois dans la section 2A de la prison d’Evin, qui est sous le contrôle des pasdaran. Nahid Taghavi a été maintenue à l’isolement prolongé, avec une interruption d’une période d’un mois environ, pendant laquelle elle a été détenue avec une autre personne.
Mehran Raoof a été détenu à l’isolement prolongé durant un mois avant d’être transféré dans une cellule qu’il a partagée avec au moins une autre personne. La fille de Nahid Taghavi a dit que sa mère, pendant qu’elle se trouvait dans la section 2A, avait subi au moins 80 séances d’interrogatoire sans pouvoir recourir aux services d’un avocat, et que les personnes qui la questionnaient lui avaient bandé les yeux, l’avaient obligée à rester face à un mur ou l’avaient interrogée à travers un miroir sans tain.
Le 26 mars 2021, Nahid Taghavi a été transférée dans le quartier des femmes de la prison d’Evin, où elle a été maintenue en détention jusqu’au 15 avril 2021, date à laquelle elle a été soudain été renvoyée en détention à l’isolement dans la section 2A. Elle est restée à l’isolement jusqu’au 16 mai 2021, sauf lorsqu’elle a comparu pour la première audience de son procès, le 28 avril 2021. Mehran Raoof a été transféré dans le quartier ordinaire de la prison d’Evin depuis la section 2A le 12 juin 2021, moins de 24 heures avant la dernière audience du procès le 13 juin 2021, et s’est vu dénier le droit de rencontrer son avocat pendant le procès. Nahid Taghavi n’a fait appel ni de sa déclaration de culpabilité ni de sa peine, notamment parce qu’elle considérait que la procédure était injuste. L’appel interjeté par Mehran Raoof est toujours en instance.
La 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran a déclaré coupables un certain nombre de militant·e·s des droits des travailleurs et travailleuses arrêtés arbitrairement entre octobre 2020 et décembre 2020 et les a condamnés à des peines d’emprisonnement pour leurs activités en faveur des droits humains, dont trois personnes qui ont été jugées en même temps que Nahid Taghavi et Mehran Raoof : Somayeh Kargar, condamnée à six ans et huit mois de prison, Bahareh Soleimani, condamné à six ans et huit mois de prison, et Nazanin Mohammadnejad, condamnée à trois ans et quatre mois de prison. Le militant Arash Johari a été déclaré coupable dans une affaire distincte et condamné à 16 ans de réclusion.
Amnesty International a recueilli des informations mettant en évidence des violations systématiques du droit à un procès équitable en Iran, du stade de l’arrestation jusqu’à celui du procès. Souvent, les personnes détenues ont été appréhendées sans mandat d’arrêt et sont maintenues à l’isolement prolongé dans des lieux tenus secrets, sans pouvoir communiquer avec leurs proches.
Les personnes appréhendées, soumises à enquête et poursuivies, en particulier celles arrêtées pour des motifs politiques, y compris les défenseur·e·s des droits humains, font l’objet de procédures judiciaires manifestement iniques. Le parquet et les agents des services de sécurité et de renseignement qui mènent les interrogatoires, y compris les pasdaran, dénient systématiquement aux personnes appréhendées le droit de bénéficier des services d’un avocat dès l’arrestation pendant la phase d’enquête.
Les actes de torture et les autres formes de mauvais traitements sont généralisés et systématiques, notamment lors des interrogatoires. La police, les services de renseignement et de sécurité et le personnel pénitentiaire soumettent les personnes privées de liberté à des détentions prolongées à l’isolement, à des passages à tabac, à des flagellations, à des suspensions, à l’administration forcée de substances chimiques, à des décharges électriques et à des violences sexuelles.
De plus, les autorités pénitentiaires et le parquet privent délibérément les prisonnières et prisonniers d’opinion et les autres personnes détenues pour des motifs politiques de la possibilité de recevoir des soins de santé adéquats.