Le 15 février, le Premier ministre, Hailemariam Dessalegn, a annoncé sa décision de démissionner, quelques jours à peine après la libération de centaines de personnes, dont Eskinder Nega et Bekel Gerba. Le lendemain, le Conseil des ministres a déclaré un second état d’urgence, qui était selon lui nécessaire pour désamorcer l’effondrement total de l’ordre public et des institutions, qui était une menace pour l’ordre constitutionnel.
Dans le cadre de la déclaration d’état d’urgence a été mis sur pied un poste de commandement, qui a le pouvoir de définir, grâce à des directives, les mesures, les restrictions et les zones spécifiques pour l’application de l’état d’urgence. Le Premier ministre préside le poste de commandement et le ministre de la Défense en est le secrétaire. Les autres membres du poste de commandement sont le vice-Premier ministre, le directeur de la police fédérale et le directeur du Service national de la sûreté et du renseignement. Selon cette déclaration, le poste de commandement dispose de vastes pouvoirs lui permettant de déroger à plusieurs obligations de l’Éthiopie en matière de droits humains et d’apporter une liste de restrictions qu’il peut imposer au moyen de directives. Ces pouvoirs lui permettent :
1. d’interdire la publication et la diffusion de tout document « visant à semer la suspicion et la discorde » ;
2. d’interdire toute présentation au public de documents et de « messages incitant à la violence, y compris des signes affichés sur des parties du corps » ;
3. de fermer ou de résilier tout moyen de communication ;
4. d’empêcher des manifestations publiques, des rassemblements et des déplacements en groupe, afin de maintenir la paix et la tranquillité ;
5. d’ordonner l’arrestation sans mandat judiciaire de toute personne soupçonnée d’avoir participé de quelque manière que ce soit à la préparation et à la perpétration de crimes contre la constitution et l’ordre constitutionnel, et de mener des enquêtes sur ces personnes et de les poursuivre en justice devant des tribunaux civils ordinaires ;
6. d’ordonner, sans mandat judiciaire, la fouille et la saisie tout type de matériel dont on pense qu’il a été utilisé ou qu’il était prévu d’être utilisé pour commettre des crimes. Tous les bâtiments, dont les bâtiments résidentiels et les moyens de transport, ainsi que d’autres endroits, sont soumis au régime de fouille et de saisie. Tous les objets saisis seront retournés à leur propriétaire après enquête et peuvent être utilisés en tant que preuves lors de procédures pénales ;
7. d’instaurer des couvre-feux ;
8. d’ordonner la fermeture temporaire de routes et de fournisseurs de transport, et de geler temporairement les déplacements dans et hors de lieux précis ;
9. de mettre en place des mesures visant à protéger les institutions gouvernementales et les infrastructures publiques ;
10. d’interdire de porter des armes dangereuses et des substances inflammables dans certains lieux précis ;
11. de reconstruire les structures et bâtiments administratifs qui ont été détruits dans de nombreux endroits du pays en raison des violences récentes ; de réinstaller, en collaborant avec les gouvernements régionaux, les personnes qui ont été déplacées de leurs domiciles en raison des attaques ethniques qui ont eu lieu dans certaines parties du pays ;
12. de mettre en place des mesures pour protéger les prestataires de service, les commerces et les domiciles contre les attaques violentes et les actes d’intimidation ;
13. de veiller à la sûreté du déplacement et de la livraison des biens et des services de première nécessité ;
14. de veiller à la sécurité du transport routier ;
15. d’empêcher les actes perturbateurs interférant avec le fonctionnement normal des écoles et des universités ;
16. de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour protéger la constitution et l’ordre constitutionnel et pour veiller à la paix et à la sécurité des personnes.
Cette directive, entre autres, bâillonne les organes gouvernementaux fédéraux et régionaux, les empêchant de rendre compte des questions de sécurité sans l’autorisation du poste de commande. L’interdiction de « critiquer la proclamation de l’état d’urgence et la directive » figure également parmi les restrictions à la liberté d’expression. La directive confère également aux responsables de l’application des lois des pouvoirs leur permettant de mettre en œuvre l’état d’urgence.