Écrire Deux journalistes inculpés

Deux journalistes détenus depuis plus de sept mois au Myanmar ont été officiellement inculpés pour des faits en lien avec leurs activités professionnelles pacifiques. Ils encourent 14 ans de prison. Ils doivent être libérés immédiatement et sans condition.

Le 9 juillet, le tribunal du district nord de Yangon, la première ville du Myanmar, a officiellement inculpé Wa Lone et Kyaw Soe Oo, deux journalistes de Reuters, d’avoir enfreint l’article 3(1)(c) de la Loi de 1923 relative aux secrets d’État. Ces deux hommes sont maintenus en détention depuis leur arrestation, le 12 décembre 2017, juste après s’être vu remettre des documents officiels par des policiers qui les avaient invités à dîner dans le nord de Yangon ce soir-là. À l’époque, ils enquêtaient sur la répression brutale menée par l’armée dans l’État d’Arakan contre la minorité rohingya, qui a forcé plus de 700 000 personnes à fuir au Bangladesh. Ils ont été détenus au secret pendant deux semaines, sans pouvoir consulter d’avocat ni communiquer avec leurs proches.

En janvier, le tribunal du district nord de Yangon a commencé les audiences préliminaires visant à déterminer si ces deux journalistes devaient être inculpés au titre de la Loi relative aux secrets d’État. Cette loi prévoit jusqu’à 14 ans d’emprisonnement pour toute personne qui obtient, enregistre ou communique des documents ou des informations à caractère secret qui pourraient « nuire à la sûreté ou aux intérêts de l’État » ou « servir un ennemi » du Myanmar. Les audiences préliminaires suscitent de graves inquiétudes quant au respect des garanties d’une procédure régulière et à l’indépendance de la justice. En avril, un policier témoignant pour l’accusation a déclaré au tribunal que lui et ses collègues avaient reçu l’ordre d’un supérieur hiérarchique de « piéger » les journalistes, mais le juge a refusé de prononcer un non-lieu. Les deux hommes sont maintenus en détention à la prison d’Insein à Yangon. Leur procès doit s’ouvrir le 16 juillet.

La liberté de la presse au Myanmar diminue de manière inquiétante depuis deux ans, les journalistes et les autres professionnels des médias se heurtant à des restrictions liées à leur travail. Les activités des médias indépendants sont de plus en plus compromises. Ceux qui couvrent des sujets sensibles – en particulier les violations commises par l’armée, la situation de la minorité rohingya et l’intolérance religieuse – sont confrontés à des manœuvres d’intimidation et de harcèlement, et leurs journalistes sont parfois arrêtés, détenus, poursuivis et même emprisonnés.

Au moment de leur arrestation, Wa Lone et Kyaw Soe Oo enquêtaient sur une violente répression militaire visant les Rohingyas dans l’État d’Arakan (nord du Myanmar), et notamment sur l’exécution de 10 hommes rohingyas par des soldats, des policiers et des milices locales à Inn Din, un village de la municipalité de Maungdaw, au début du mois de septembre 2017. Le 10 janvier 2018, date à laquelle Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été présentés devant un juge pour la première fois, l’armée a reconnu que des soldats étaient impliqués dans ces meurtres et qu’elle avait ouvert une enquête.

Le 10 avril 2018, elle a annoncé que sept militaires avaient été condamnés à 10 ans de prison et démis de leurs fonctions. Pour l’heure, aucune enquête indépendante n’a été menée sur les crimes contre l’humanité et les autres graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité du Myanmar dans l’État d’Arakan.

Le droit à la liberté d’expression est garanti par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et implique le droit « de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Au titre du droit international relatif aux droits humains, ce droit ne peut être restreint que dans des circonstances très précises, et les éventuelles restrictions doivent être clairement fixées par la loi, imposées seulement pour servir un objectif légitime explicitement précisé dans le droit international relatif aux droits humains, et doivent être nécessaires et proportionnées à la réalisation de leur objectif.

Si les États peuvent, sous ces conditions, restreindre le droit à la liberté d’expression pour préserver la sécurité nationale, la Loi de 1923 relative aux secrets d’État est extrêmement générale et formulée en termes vagues, et va au-delà de ce que permet le droit international. En outre, cette loi ne contient aucune disposition autorisant à divulguer des informations classées secrètes pour des motifs d’intérêt général.

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