Vahid Afkari et Habib Afkari assurent qu’ils ont participé de manière pacifique aux manifestations qui se sont déroulées dans la ville de Chiraz, dans la province du Fars, entre fin décembre 2017 et début janvier 2018, ainsi qu’entre fin juillet et début août 2018. Les manifestant·e·s ont alors exprimé un panel de doléances, allant de plaintes concernant la pauvreté et la corruption au rejet pur et simple du régime de la République islamique, que de nombreux manifestant·e·s qualifiaient de « dictature religieuse ».
À la suite d’un examen approfondi des pièces du dossier et autres documents juridiques ayant trait à l’affaire concernant Vahid Afkari et Habib Afkari, Amnesty International a conclu que leurs déclarations de culpabilité et condamnations sont d’une iniquité flagrante et constituent une erreur judiciaire. Les autorités ont bafoué leurs droits à un procès équitable, notamment les droits de bénéficier de l’assistance efficace d’un avocat indépendant de leur choix, d’être rapidement informés des charges retenues contre eux, de garder le silence et de ne pas être contraints de s’incriminer eux-mêmes, de contester la légalité de leur détention devant un tribunal indépendant et impartial, d’être protégés contre la torture et les mauvais traitements, de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense, d’avoir pleinement accès aux éléments de preuve pertinents, d’appeler des témoins à comparaître, d’interroger des témoins à décharge ou de procéder au contre-interrogatoire des témoins à charge, de contester l’authenticité des preuves, de bénéficier d’un procès équitable et public devant une juridiction compétente, indépendante et impartiale, et d’obtenir un véritable réexamen de leurs condamnations par une juridiction supérieure.
Interpellés en septembre et décembre 2018, Vahid Afkari et Habib Afkari ont ensuite été victimes d’une disparition forcée pendant 12 et 35 jours respectivement. Dans des plaintes écrites et au tribunal, ils ont affirmé qu’entre leur arrestation et l’achèvement de la phase d’enquête en avril 2019, ils ont été soumis à la torture et à des mauvais traitements à maintes reprises dans le but de les faire « avouer ». Selon leur déclaration, des agents du renseignement les ont maintenus à l’isolement prolongé, leur ont asséné des coups de poing et de pied, les ont frappés à coups de bâtons et de câbles pendant qu’ils avaient les yeux bandés et leur ont infligé des tortures psychologiques, notamment en les menaçant de mort et d’incarcération, et en menaçant leurs proches de mort, d’agressions sexuelles et autres sévices.
Habib Afkari a signalé que pendant plusieurs jours d’affilée, des agents l’ont enchaîné à une chaise et ont emballé son visage et sa tête dans un film plastique, de telle sorte qu’il avait la sensation d’étouffer. D’après une note médicale officielle datée du 30 octobre 2019, l’épaule gauche de Habib Afkari était déboitée et son poignet gauche et l’un de ses orteils fracturés. Vahid Afkari a tenté de se suicider le 26 octobre 2018 et le 2 avril 2019. Les deux fois, il n’a pas bénéficié des soins physiques et psychologiques requis, et les soins hospitaliers ont été interrompus de manière prématurée, contre l’avis écrit des médecins. Les deux frères ont fait plusieurs demandes pour que leurs allégations de torture fassent l’objet d’investigations, mais en vain.
Sept des huit chefs d’accusation dont Habib Afkari a été reconnu coupable par le tribunal pénal n° 2 de Chiraz en juillet 2019 et le tribunal révolutionnaire de Chiraz en juin 2020, et cinq des six chefs d’accusation dont Vahid Afkari a été reconnu coupable par le tribunal pénal n° 2 de Chiraz en juillet 2019 et le tribunal révolutionnaire de Chiraz en décembre 2020, sont des infractions vagues et générales liées à la « sécurité nationale ». Ces infractions, non reconnues par le droit international, sont fréquemment utilisées pour criminaliser l’exercice des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique en Iran. Il s’agit notamment de « troubles à l’ordre public », conduite « criminelle » s’apparentant à la « diffusion de la corruption sur terre », « outrage au Guide suprême », « défier des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions », « outrage à des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions », « appartenance à un groupe dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale » et « rassemblement et collusion dans l’intention de commettre des infractions contre la vie et les biens des gens ».
Certaines des activités présumées citées dans le dossier de l’accusation recouvrent des conduites pacifiques, comme le fait de participer et de scander des slogans de manière « répétée » lors de manifestations qualifiées d’« illégales » par les autorités et d’écrire des slogans sur les murs. Les autres activités englobaient des discussions qu’auraient eues les deux frères à divers moments en 2018 sur la possibilité de commettre un incendie volontaire et des attaques pour lutter contre le régime de la République islamique – sans jamais passer à l’acte. Les autorités ne fournissent aucun élément de preuve allant dans ce sens et s’appuient uniquement sur les « aveux » forcés des accusés.
Les seuls chefs d’accusation qui sont des infractions reconnues par le droit international sont : « complicité de meurtre » dans l’affaire concernant Vahid Afkari, qui représente 25 ans sur sa peine d’emprisonnement ; et le fait d’avoir « infligé délibérément des blessures à l’aide d’un objet tranchant » dans le cas de Habib Afkari, qui représente huit mois de sa peine d’emprisonnement. Les recherches d’Amnesty International montrent que les autorités en charge des poursuites n’ont pas présenté de preuves crédibles venant étayer ces accusations.
Vahid Afkari et Habib Afkari ont été reconnus coupables principalement sur la base de leurs « aveux » extorqués sous la torture, par le tribunal pénal n° 1 de Fars en octobre 2019, et le tribunal pénal n° 2 de Chiraz en juillet 2019, respectivement. En rejetant les demandes de Vahid Afkari de ne pas retenir à titre de preuves ses « aveux » entachés de torture et d’ordonner la tenue d’investigations, le tribunal pénal n° 1 de la province de Fars a indiqué que lui-même et son frère Navid Afkari avaient exprimé des allégations de torture « sous l’influence de ce qu’ils avaient appris [par des détenus] en prison et avec l’idée qu’en niant la réalité, ils pourraient peut-être échapper à leur châtiment ».