Le 3 novembre 2016, le gouvernement soudanais a pris des mesures d’austérité dans le but de réduire le déficit commercial et de mettre un coup d’arrêt à la dépréciation de la livre soudanaise. Ces nouvelles mesures économiques ont entraîné une hausse importante des prix du carburant, des transports, de la nourriture, de l’électricité et des médicaments. Pour protester contre la nouvelle ligne économique suivie par le gouvernement, des militants politiques ont lancé un appel à une grève nationale de trois jours, du 27 au 29 novembre 2016.
Ce mouvement a été fortement suivi. Un appel à une deuxième action de désobéissance civile, prévue pour le 19 décembre 2016, a ensuite été lancé ; des militants y ont apporté leur soutien sur place et depuis l’étranger. À titre préventif, au début du mois de novembre 2016, les autorités soudanaises se sont mises à arrêter des dizaines de militants politiques et n’ont cessé de réprimer la liberté de la presse. Sept journaux ont ainsi vu tous leurs exemplaires saisis à 23 reprises en novembre et décembre 2016.
Elgassim Mohamed Seed Ahmed vivait en Arabie saoudite depuis 1998 et Elwaleed Imam Hassan Taha depuis 2013. Ils travaillaient tous les deux dans une entreprise de logistique à Riyadh. Ils ont été arrêtés le 21 décembre 2016 vers 17 heures devant leur bureau par des agents des forces de sécurité en civil. Ils ont été conduits à leurs domiciles respectifs, où les agents ont effectué une perquisition. Les agents ont indiqué à la famille d’Elgassim Mohamed Seed Ahmed qu’ils appartenaient à la division de la sécurité du ministère de l’Intérieur et que l’intéressé serait relâché avant minuit. Ils n’ont présenté de mandat d’arrêt ni d’autorisation de perquisition à aucune des deux familles.
Ces deux militants ont été détenus au secret à la prison d’Al Hair à Riyadh, capitale de l’Arabie saoudite, à partir de leur arrestation jusqu’au 13 février, date à laquelle leurs familles ont été autorisées à leur rendre visite pour la première fois. Toutefois, ils ont été maintenus à l’isolement jusqu’au 6 mars, avant d’être transférés dans la même cellule. Selon leurs proches, ils ont été informés lors d’un interrogatoire qu’ils seraient soit emprisonnés, soit expulsés.
Alaa Aldin al Difana est un membre d’Oumma (Hizb al Umma al Qawmi), un parti politique d’opposition soudanais. Sur sa page Facebook, il a parlé des problèmes d’erreurs médicales dans les hôpitaux soudanais et de corruption au sein des ministères soudanais. Il a également exprimé sur sa page Facebook son soutien à la campagne de désobéissance civile de novembre et décembre 2016 au Soudan. C’est aussi un journaliste réputé qui a écrit pour de nombreux sites Internet soudanais. D’après sa famille, il a déjà été arrêté en 2003, 2007, 2011 et 2012 en raison de son militantisme au Soudan. Il a quitté son pays pour l’Arabie saoudite en 2012.
Le NISS détient de vastes pouvoirs en matière d’arrestation et de détention en vertu de la Loi de 2010 relative à la sécurité nationale, qui lui permet notamment de maintenir des suspects en détention jusqu’à quatre mois et demi sans contrôle judiciaire. Les membres du NISS usent fréquemment de ces prérogatives pour arrêter et placer en détention de manière arbitraire des personnes qui, dans de nombreux cas, se voient infliger des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
La même loi protège les agents du NISS contre toute poursuite pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, d’où une culture généralisée de l’impunité. La modification de l’article 151 de la Constitution adoptée le 5 janvier 2017 a étendu le mandat du NISS, ce qui n’a fait qu’aggraver la situation. Elle a transformé le NISS : autrefois service de renseignement spécialisé dans la collecte et l’analyse d’informations et le conseil, il est devenu une agence de sécurité à part entière, détenant un mandat large et exerçant toute une palette de fonctions qui sont habituellement celles de l’armée ou des organes chargés de l’application des lois.
Le nouveau texte a accordé au NISS un pouvoir discrétionnaire illimité pour déterminer ce qui constitue une menace politique, économique ou sociale et comment y faire face. Ni la Loi relative à la sécurité nationale ni l’article 151 révisé n’exigent, explicitement ou implicitement, que les agents du NISS respectent le droit international, régional et national applicable dans l’exercice de leurs fonctions.