Écrire Deux prisonniers risquent d’être exécutés sous peu

En dépit de sérieux doutes quant à l’équité du procès, la plus haute juridiction du Bangladesh a confirmé, le 18 novembre, les peines capitales prononcées à l’encontre d’Ali Ahsan Mohammad Mujaheed et de Salauddin Quader Chowdhury. Ces deux hommes ont désormais épuisé toutes leurs voies de recours. Ils risquent d’être exécutés à tout moment, à moins que le président de la République ne commue leurs peines en réclusion à perpétuité.

Ali Ahsan Mohammad Mujaheed, secrétaire général du parti d’opposition bangladais Jamaat-e-Islami et ancien ministre de la Protection sociale, et Salauddin Quader Chowdhury, ancien député et membre dirigeant du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), qui appartient aussi à l’opposition, ont été condamnés en 2013 par le Tribunal pour les crimes de droit international pour les crimes contre l’humanité et le génocide commis pendant la guerre d’indépendance de 1971. Cette juridiction bangladaise, établie en 2010, a déclaré ces hommes coupables à l’issue de procès qui ne respectaient pas les normes internationales d’équité.

Contrairement aux peines capitales prononcées par d’autres tribunaux du pays – qui sont susceptibles de deux appels devant la High Court Division (Haute Cour) et d’un devant l’Appellate Division de la Cour suprême, la juridiction la plus haute –, les peines capitales prononcées par le Tribunal pour les crimes de droit international sont susceptibles d’un appel devant l’Appellate Division uniquement. Les prisonniers peuvent saisir l’Appellate Division en lui demandant de procéder au réexamen de sa propre décision, dont se trouve alors chargé le collège qui statue en appel. Les deux hommes cités ont interjeté appel devant l’Appellate Division, qui a confirmé leurs condamnations. Ils ont ensuite formé une requête en révision, que l’Appellate Division a rejetée le 18 novembre. Il s’agissait de leur dernière voie de recours judiciaire.

L’équipe d’avocats défendant Salauddin Quader Chowdhury a souligné les graves défaillances ayant caractérisé son audience d’appel. La Cour suprême n’a, par exemple, pas écarté les déclarations d’un témoin appelé « PW-6 ». Celui-ci a affirmé qu’une personne qui pourrait confirmer ses dires était morte, alors qu’elle était en réalité vivante et avait même transmis une déclaration sous serment et signée à la cour pour le prouver. Le recours formé par Ali Ahsan Mohammad Mujaheed auprès de la Cour suprême n’a pas permis de réfuter l’affirmation du parquet selon laquelle il avait poussé ses subordonnés à commettre des violations des droits humains, alors qu’aucune de ces personnes n’a été identifiée ni entendue.

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Selon les informations recueillies par Amnesty International, au moins 141 hommes et une femme ont été condamnés à mort au Bangladesh en 2014, ce qui portait à 1 235 le nombre de personnes sous le coup d’une sentence capitale dans ce pays à la fin de l’année.

L’article 6 (1) du PIDCP, instrument auquel le Bangladesh est partie, protège de la privation arbitraire de la vie, qui est strictement interdite en vertu du droit international coutumier. L’article 14 du PIDCP établit des normes d’équité des procès, qui englobent notamment : le droit de toute personne inculpée d’une infraction pénale à une audience équitable et publique devant un tribunal compétent, indépendant et impartial ; le droit à la présomption d’innocence ; le droit d’être informé rapidement et en détail, dans une langue qu’elle comprend, de la nature et de la justification des charges retenues contre elle ; le droit au temps et aux installations nécessaires pour préparer sa défense ; le droit de communiquer avec l’avocat de son choix ; le droit à une assistance juridique gratuite si elle n’a pas les moyens de s’en procurer une ; le droit d’interroger les témoins à charge et de présenter des témoins pour sa défense ; le droit de bénéficier gratuitement des services d’un interprète si nécessaire ; le droit de ne pas être contraint à témoigner contre soi ou à avouer sa culpabilité ; le droit d’interjeter appel devant une juridiction supérieure. Les garanties d’un procès équitable doivent être en place pour toute personne encourant la peine de mort.

Le Comité des droits de l’homme [Nations unies] a déclaré : « Prononcer une condamnation à la peine capitale à l’issue d’un procès au cours duquel les dispositions de l’article 14 du [PIDCP] n’ont pas été respectées constitue une violation du droit à la vie (art. 6 [du PIDCP]). » Le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires [Nations unies] a souligné qu’il était arbitraire d’infliger la peine de mort dans des pays où les procédures ne sont pas conformes aux plus hautes exigences en matière d’équité des procès.

En outre, l’article 6 (6) du PIDCP indique que l’abolition de la peine de mort est l’objectif que les États qui maintiennent ce châtiment doivent atteindre. À ce jour, 140 pays ont aboli la peine capitale en droit ou dans la pratique.

Amnesty International s’oppose à la peine de mort, qui constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie tel qu’il est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution.

Le Tribunal pour les crimes de droit international a été instauré en 2010 par le gouvernement pour juger les personnes impliquées dans des violations des droits humains de grande ampleur commises durant la guerre d’indépendance de 1971. Amnesty International se félicite que le gouvernement ait décidé de traduire les responsables présumés en justice, mais a insisté sur le fait que les accusés devaient bénéficier de procès équitables, sans encourir la peine de mort.

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