L’ayatollah Mohammad Reza Nekounam, dignitaire religieux dissident âgé, observe une grève de la faim depuis 31 jours pour protester contre sa détention et le refus des autorités de lui prodiguer des soins médicaux spécialisés. Après avoir été victime d’un AVC et d’une crise cardiaque pendant sa détention, il se trouve dans un état très préoccupant et a besoin de toute urgence de soins spécialisés.
Âgé de 68 ans, l’ayatollah Mohammad Reza Nekounam, dignitaire religieux dissident, purge une peine de cinq ans d’emprisonnement à la prison de Salehi, dans la ville de Qom, près de Téhéran, la capitale iranienne. Il a entamé une grève de la faim le 21 décembre 2016. Il proteste contre sa détention arbitraire et les pratiques abusives du Tribunal spécial pour le clergé, qui a notamment refusé de l’autoriser à bénéficier de soins spécialisés, et contre les actes d’intimidation que subissent ses fidèles. En outre, il a cessé de prendre ses traitements. Il a été transféré dans un hôpital à l’extérieur de la prison le 13 janvier, lorsque son état de santé s’est gravement détérioré. Les médecins ont averti qu’il risquait de tomber dans le coma et de faire un second accident vasculaire cérébral. Il a déjà été victime d’un AVC le 3 mars 2015 alors qu’il était détenu à l’isolement. Il a perdu du poids, sa vision se dégrade et il souffre de diabète, de douleurs à la poitrine, de palpitations cardiaques et de problèmes aux reins, au cœur, au foie et à la thyroïde. Dans des lettres qu’il a écrites depuis la prison, il déclare que ses demandes de soins spécialisés sont ignorées.
Avant d’être placé en détention, l’ayatollah Mohammad Reza Nekounam enseignait la jurisprudence islamique au séminaire de Qom. Il avait ouvertement critiqué le Guide spirituel et le régime, et accusé les autorités d’« utiliser abusivement la religion à des fins politiques et pour réprimer la population ». Il a été arrêté sans mandat le 1er janvier 2015 parce qu’il avait critiqué une fatwa (décret religieux) émise par l’un des plus hauts dignitaires iraniens, qui a déclaré que l’Internet à haut débit va à l’encontre de la charia (loi islamique) et des « règles morales ». Durant cette période, il a été traité d’une manière qui bafoue l’interdiction internationale de la torture et des mauvais traitements. Placé en détention à l’isolement pendant 56 jours, dans un lieu tenu secret, il n’a pas été autorisé à contacter sa famille ni à consulter un avocat. Il a été soumis à des interrogatoires plus de 10 heures par jour et menacé de mort. Son régime alimentaire spécifique n’a pas été pris en compte – il affirme que c’est pourquoi il souffre désormais de diabète et d’hypertension. À l’issue d’un procès de 10 minutes devant le Tribunal spécial pour le clergé en mars 2015, il a été déclaré coupable d’« outrage au Guide suprême » et à des « dignitaires religieux approuvés par l’État », et condamné à deux ans de prison. En juin 2015, l’accusation ayant fait appel du jugement, ce dont il n’a pas été informé, sa condamnation a été portée à cinq ans. Il est convaincu que cette décision a été prise à titre de représailles pour ses plaintes auprès du Bureau du procureur spécial pour le clergé quant au traitement qu’il a subi durant sa détention et son procès.
Écrire Un dignitaire religieux dissident a besoin de soins médicaux
Lorsque les forces de sécurité ont arrêté l’ayatollah Mohammad Reza Nekounam le 1er janvier 2015, ils ont fouillé son domicile, fracturé des portes et saisi certaines de ses affaires, notamment son ordinateur portable, des disques durs, des livres et des écrits personnels. Deux mois après sa détention, il a fait un AVC alors qu’il était détenu au secret. Il a par la suite été libéré pour raisons médicales, le 16 mars 2015. Il a de nouveau été arrêté le 21 avril 2015, peu après la publication dans le journal Ghanoon d’un entretien dans lequel il critiquait le port obligatoire du voile (hijab) et la violence exercée contre les femmes pour les obliger à se conformer à cette pratique. L’ayatollah Mohammad Reza Nekounam s’est vu refuser l’accès à des soins spécialisés. Les autorités ont bloqué la plupart de ses transferts dans un hôpital à l’extérieur de la prison. Les rares fois où il a été conduit à l’hôpital ou a bénéficié de brèves périodes de libération pour raisons médicales, il a été privé d’accès aux soins spécialisés dont il a besoin et, contre l’avis des médecins, il a été contraint de retourner en prison. Parfois, on lui a également refusé les visites de sa famille. Certains de ses proches et des dizaines de ses fidèles se retrouvent dans le collimateur des autorités. Certains ont été emmenés pour être interrogés, d’autres arrêtés et placés en détention. L’ayatollah Mohammad Reza Nekounam n’a jamais reçu de copie écrite du jugement du tribunal. Les autorités ne l’ont informé qu’oralement du verdict le 8 mars 2015, cinq jours après son AVC, alors que ses fonctions cognitives étaient encore amoindries. Les représentants du Tribunal spécial pour le clergé ont énuméré de nombreuses conditions à sa libération, et il les a toutes refusées. Il devait notamment cesser toute critique à l’égard de dignitaires religieux étatiques, reconnaître leur autorité religieuse et se réinstaller dans la ville de Nadjaf, en Irak.
L’ayatollah Mohammad Reza Nekounam est une personnalité religieuse chiite bien connue en Iran, qui a écrit des centaines d’articles sur la jurisprudence islamique. Avant son incarcération, il donnait régulièrement des conférences publiques et des sermons, dans lesquels il exprimait des opinions favorables envers les droits humains, au sujet de l’obligation de porter le voile, du mariage entre personnes de même sexe et d’Internet – opinions qui ne s’alignent pas sur la pensée religieuse traditionnelle en Iran. En septembre 2014, dans sa critique d’une fatwa publiée par le grand ayatollah Nasser Makarem Shirazi, l’ayatollah Mohammad Reza Nekounam a déclaré : « Internet c’est le pouvoir. Si vous ne savez pas l’utiliser, laissez tomber et passez votre chemin. Ce gentleman ne sait pas se servir d’Internet et [il] déclare que c’est interdit. » Dans certains de ses discours, que l’on peut pour la plupart visionner sur YouTube, il remet en cause l’idée du Velayat-e Faqih (conception du pouvoir de l’ayatollah Khomeini fondée sur un expert en droit musulman qui est le socle du pouvoir politique en Iran) et suggère que l’islam doit être actualisé et modernisé.
Le Tribunal spécial pour le clergé (Dadgah-e Vizheh Rouhaniat), officiellement mis en place en 1987, exerce une compétence exclusive sur les « infractions » commises par des dignitaires religieux – notamment des infractions générales formulées en termes vagues comme « les activités contre-révolutionnaires, la corruption, la fornication, les actes illégaux, les accusations incompatibles avec le statut du clergé et tous les crimes commis par des " pseudo-membres du clergé ", recouvrant à la fois les actes horribles commis et leurs répercussions susceptibles de porter atteinte à la réputation du clergé ». Régulièrement, le tribunal sert à écraser la dissidence au sein du clergé. Il siège en dehors du système judiciaire iranien, en tant qu’institution distincte, et est placé sous la supervision directe du Guide suprême, ce qui met en péril le principe d’indépendance judiciaire.
Les recherches d’Amnesty International montrent que les autorités refusent délibérément aux prisonniers politiques l’accès aux soins médicaux dont ils ont besoin, dans de nombreux cas par cruauté, dans le but de les intimider et de les punir, ou de leur extorquer des « aveux ». Parmi les pratiques courantes qui menacent la vie et la santé des prisonniers politiques en Iran, citons : le fait de retarder délibérément ou de refuser des soins urgents et/ou spécialisés ; minimiser ou nier totalement la gravité des plaintes médicales des prisonniers et leur prescrire des antidouleurs et des calmants basiques sans traiter le problème médical sous-jacent dont ils se plaignent ; confisquer des médicaments ; refuser de libérer pour raisons médicales les prisonniers qui se trouvent dans un état critique, et accorder une permission de sortie uniquement contre une caution d’un montant exorbitant ; et contraindre les prisonniers qui ont été transférés à l’hôpital ou se sont vus accorder une permission de sortie à interrompre leur traitement et à retourner en prison, contre l’avis de médecins (voir Health taken hostage : Cruel denial of medical care in Iran’s prisons, https://www.amnesty.org/en/documents/mde13/4196/2016/en/).
Nom : Ayatollah Mohammad Reza Nekounam (Homme)
Action terminée