Selon des informations recueillies par Amnesty International, le cheikh Al Biju a fait l’objet de diverses menaces de la part de groupes salafistes, notamment une tentative d’assassinat en 2013, et la fermeture de son centre d’enseignement du Coran, situé dans le quartier des Jardins à Benghazi, en 2016, ce qui l’a contraint à enseigner depuis son domicile. Amnesty International a appris de sources informées qu’il avait dans un premier temps été détenu par l’organe de soutien aux Directions de la sécurité.
Ce groupe, qui, selon des informations obtenues par Amnesty International, épouse l’idéologie salafiste madkhali, maintient également en détention plusieurs autres religieux et militants soufis qu’il a arrêtés. L’organe de soutien aux Directions de la sécurité diffuse fréquemment sur ses réseaux sociaux des vidéos montrant des arrestations pour « sorcellerie ». Selon des informations non officielles, le cheikh Al Biju a ensuite été transféré à la prison de Gernada.
En novembre 2024, le Conseil suprême du soufisme islamique en Libye a publié une déclaration condamnant la persécution continue des cheikhs soufis et de leurs adeptes en Libye, tirant la sonnette d’alarme concernant la détention arbitraire, la torture et autres mauvais traitements, les décès en détention, les disparitions forcées et l’utilisation d’« aveux » forcés pour accuser plusieurs cheikhs de Benghazi de « sorcellerie ». Elle souligne également les efforts déployés par les tenants de l’idéologie salafiste Madkhali pour discréditer et saper les ordres soufis depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Le 9 janvier 2024, le Parlement libyen, allié aux FAAL, a approuvé une nouvelle loi criminalisant la « sorcellerie », qui prévoit des châtiment allant de quatorze ans de prison à la peine de mort.
Amnesty International recueille de longue date des informations sur la manière dont des groupes armés alliés aux FAAL, notamment l’Agence de sûreté intérieure (ISA) de Benghazi, et le groupe Tariq Ben Zeyad, soumettent des détracteurs et des opposants réels ou présumés aux FAAL à des détentions arbitraires, des disparitions forcées, la torture et d’autres formes de mauvais traitements. Depuis janvier 2024, des membres de l’Agence de sûreté intérieure (ISA) lourdement armés ont arrêté sans mandat des dizaines de personnes, dont des femmes et des hommes âgés de 70 ans et plus, à leur domicile, dans les rues ou dans des lieux publics, dans des zones de l’est et du sud de la Libye contrôlées par les FAAL.
Les personnes arrêtées ont ensuite été transférées dans des installations contrôlées par l’ISA, où elles ont été arbitrairement maintenues en détention pendant des mois sans être autorisées à contacter leur famille ou leur avocat, et aucune d’entre elles n’a été traduite devant les autorités judiciaires civiles, autorisée à contester la légalité de sa détention ni officiellement inculpée d’une quelconque infraction.
Le 16 janvier 2025, le procureur général militaire relevant des FAAL a annoncé la création d’une commission d’enquête chargé d’examiner les informations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements dans la prison de Gernada, après la diffusion sur Internet de vidéos montrant des détenus soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, notamment des passages à tabac et des flagellations, à Gernada. Selon des informations communiquées à Amnesty International par l’organisation libyenne de défense des droits humains Libyan Crimes Watch (LCW), au moins cinq anciens détenus ont confirmé à LCW que les vidéos montrent l’aile dite « administrative », située au premier étage de la prison, près du bureau du directeur de la prison, et que certains des gardiens que l’on voit en train de maltraiter les prisonniers portent des uniformes de la police militaire des FAAL.
Amnesty International demande à nouveau aux autorités libyennes de mener des enquêtes efficaces, impartiales, indépendantes, approfondies et rapides sur les allégations de torture et d’autres mauvais traitements dans la prison de Gernada par des organes judiciaires civils, afin que les responsables rendent des comptes dans le cadre de procès équitables, et de retirer les personnes raisonnablement soupçonnées d’avoir commis des violations des postes dans lesquels elles pourraient répéter des violations similaires ou entraver les enquêtes, en attendant l’issue des enquêtes et des poursuites pénales.
Les crimes de droit international et les violations des droits humains commis par des membres des forces armées ne devraient pas relever de la compétence des tribunaux militaires. Depuis l’annonce de l’ouverture d’une enquête le 16 janvier, aucun autre détail sur les progrès ou les conclusions de l’enquête n’a été rendu public.
Amnesty International a régulièrement recueilli des informations sur les actes de torture et autres mauvais traitements dans les prisons et les centres de détention placés sous le contrôle des FAAL, notamment les quartiers « Agence de sécurité intérieure » et « militaire » de la prison de Gernada. Les méthodes de torture les plus fréquemment signalées sont les coups portés avec divers objets, notamment des tuyaux de canalisation (connus localement sous le nom de « tubu PPR »), la flagellation, la suspension dans des positions contorsionnées, les menaces de viol et d’autres atteintes à l’intégrité physique. Les familles des personnes détenues à Gernada se plaignent également depuis longtemps de l’absence de visites, parfois pendant des années, et du fait qu’on leur refuse de communiquer avec leurs proches.
La Libye est divisée entre deux entités qui se disputent la légitimité, la gouvernance et le contrôle territorial. Le gouvernement d’union nationale (GUN) contrôle Tripoli et la majeure partie de l’ouest de la Libye, tandis que les FAAL, un puissant groupe armé, contrôlent de fait l’est et le sud de la Libye.