Écrire Des dirigeants communautaires accusés de « terrorisme »

Manuel Trujillo et Manuela Pacheco, dirigeants communautaires à San Pablo de Amalí, dans le centre de l’Équateur, sont accusés de manière infondée de terrorisme organisé. Ces poursuites pénales semblent avoir été engagées dans le but de réduire au silence ces militants qui ont fait campagne pour obtenir le respect du droit de leur communauté à être consultée au sujet de la construction d’une usine hydroélectrique qui, selon eux, va porter atteinte à son droit à l’eau.

Manuel Trujillo et Manuela Pacheco sont accusés d’avoir commis des actes de terrorisme organisé, infraction passible d’une peine maximale de huit ans d’emprisonnement. L’audience de jugement doit s’ouvrir le 19 janvier. Les accusations retenues contre eux sont liées à l’attaque de quatre policiers qui se déplaçaient à bord d’un véhicule le 14 août 2012. Des organisations locales de défense des droits humains ont déclaré que des affrontements ont eu lieu dans la matinée ce jour-là entre la police et des membres de la communauté à San Pablo de Amalí (province de Bolívar), et que des membres de cette communauté ont signalé que la police avait eu recours à une force excessive. L’attaque du véhicule a eu lieu dans la soirée quand des membres de la communauté ont affronté un policier qui avait tiré en l’air avec son arme à feu. Selon des témoins, ni Manuel Trujillo ni Manuela Pacheco n’étaient présents au moment de l’attaque du véhicule. Ils ont été remis en liberté sous caution et attendent le résultat de leur procès.

Des organisations locales de défense des droits humains affirment que le parquet n’a produit aucun élément de preuve solide permettant de prouver que Manuel Trujillo et Manuela Pacheco étaient présents et qu’ils sont responsables de l’attaque des policiers ou qu’ils y ont participé, et qu’il a fondé ses accusations sur des déclarations faites par des policiers selon lesquelles ces deux personnes étaient présentes lors de l’attaque.

Manuel Trujillo et Manuela Pacheco sont des dirigeants communautaires bien connus à San Pablo de Amalí ; ils ont mené campagne pour attirer l’attention sur les préoccupations liées à l’implantation de l’usine hydroélectrique Hidrotambo, qui selon eux va porter atteinte au droit à l’eau de la population locale. Ils ont aussi dénoncé l’absence de prise en compte et de consultation des personnes affectées par ce projet. Il semble que les accusations sans fondement retenues contre eux aient eu pour objectif de les réduire au silence et de mettre fin à l’opposition de longue date de leur communauté à ce projet hydroélectrique.

En 2002, l’État équatorien a accordé à une entreprise privée une concession pour la construction de l’usine hydroélectrique Hidrotambo dans une zone où 70 campesinos (paysans) et communautés indigènes vivaient, à San Pablo de Amalí, dans la province de Bolívar. Peu après, la communauté de San Pablo de Amalí a exprimé ses préoccupations au sujet de l’impact de ce projet sur son droit à l’eau, du déplacement probable de personnes en raison d’inondations et de l’absence de consultation sur ce projet, en particulier en ce qui concerne l’étude d’impact environnemental. Selon des organisations locales de défense des droits humains, entre 2006 et 2008, plusieurs affrontements ont eu lieu entre la communauté et cette entreprise et les forces de sécurité, quand des membres de la communauté ont protesté contre la construction de l’usine. Des dirigeants et des membres de la communauté ont été accusés de diverses infractions, notamment de sabotage, de terrorisme et de rébellion. Parmi eux figure Manuel Trujillo, contre qui 30 procédures judiciaires ont été ouvertes au cours de cette période. Il a par la suite bénéficié d’une amnistie et toutes les poursuites engagées contre lui ont été abandonnées.

Le projet hydroélectrique a alors été suspendu pendant quatre ans, jusqu’en 2012. Les préoccupations de la communauté sont restées inchangées quand le projet a été relancé. La communauté a aussi fait part de son inquiétude au sujet de plusieurs événements survenus en 2012, quand l’entreprise a pénétré sur ses terres sans notification préalable et sans qu’elle l’y ait autorisée. Les travaux de construction sont à présent achevés. L’usine hydroélectrique ne fonctionne pas, mais le cours d’eau a été dévié et il s’est rapproché de la communauté. En mars 2015, une crue a fait trois morts et endommagé les maisons et les récoltes de plusieurs membres de la communauté.

Amnesty International s’inquiète du fait que, depuis quelques années en Équateur, des accusations fallacieuses sont portées contre des dirigeants indigènes et paysans (campesinos) ; il s’agirait là d’une tentative délibérée de restreindre leur droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association. L’organisation a obtenu des informations sur des affaires impliquant des dirigeants qui se sont retrouvés inculpés de diverses infractions telles que : actes de terrorisme, sabotage, association de malfaiteurs, enlèvement, meurtre, blessures, vol, atteinte à la propriété privée et blocage de voies publiques pour protester contre des lois ou des politiques, en particulier celles relatives aux ressources naturelles. (Voir le rapport ‘So that no one can demand anything’ : Criminalizing the right to protest in Ecuador ?, https://www.amnesty.org/fr/documents/document/?indexNumber=amr28%2f002%2f2012&language=en et l’Action urgente https://www.amnesty.org/fr/documents/document/?indexNumber=amr28%2f1604%2f2015&language=fr).

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