La violence en Équateur a considérablement augmenté ces dernières années, dans le contexte d’une flambée des affrontements entre des bandes criminelles organisées se disputant le contrôle de territoires, et entre ces bandes et les forces de sécurité. La région côtière du pays est particulièrement touchée. En réponse à ce fléau, les autorités équatoriennes se sont appuyées encore davantage sur les forces armées sans assurer une supervision civile suffisante.
Amnesty International s’inquiète des allégations de possibles violations des droits humains et crimes relevant du droit international en lien avec les déclarations d’état d’urgence (Décret n° 110 du 8 janvier 2024) et de conflit armé interne (Décret n° 111 du 9 janvier 2024) qui ont fait suite à la flambée de violence en Équateur. Ces décrets initiaux ont été prolongés dans plusieurs provinces de la région côtière du pays. Ces mesures, qui s’inscrivent dans le cadre de la politique du président Daniel Noboa en matière de sécurité, ou « plan Phénix », ont permis dans les faits le déploiement généralisé et continu de l’armée dans les rues pour mener des missions de sécurité publique, depuis plus d’un an.
Dans ce contexte, les organisations de la société civile dénoncent la multiplication des violations des droits humains et des crimes de droit international, notamment de possibles actes de torture, exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées, semble-t-il commis par des membres des forces armées.
Le 8 décembre 2024, quatre enfants ont été portés disparus après une opération militaire menée à Guayaquil, dans la province de Guayas. Ils ont été retrouvés morts le 24 décembre et leurs corps présentaient des signes de torture. Le bureau du procureur a inculpé 16 membres des forces armées de disparition forcée le 31 décembre 2024. Cette affaire a eu un fort retentissement dans les médias et a été condamnée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et l’UNICEF.
À la suite de ces événements, les familles de 23 personnes disparues ont contacté CDH Guayaquil, l’ONG qui défend le dossier des quatre enfants, afin de solliciter un accompagnement, selon l’organisation.
Au total, l’ONG prend aujourd’hui en charge 27 cas de disparitions. Dans un rapport recensant ces cas, CDH Guayaquil a identifié une pratique de disparitions perpétrées au cours d’opérations militaires et notait que le bureau du procureur général n’avait pas mené d’enquête véritable sur ces faits en tant que possibles disparitions forcées, mais les avait classées en tant que « disparitions involontaires ». Ceci en dépit des obligations inscrites dans la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle l’Équateur est partie.
Dans le même rapport, CDH Guayaquil dénonçait l’absence d’opérations de recherche menées par l’État pour retrouver les victimes. Le Comité des disparitions forcées de l’ONU a publié des actions urgentes pour plusieurs de ces cas, réclamant la tenue de recherches et des mesures de protection pour les familles des victimes.
Selon les articles 12 et 24 (2) de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, l’obligation de rechercher et de localiser les victimes de disparitions forcées découle de la reconnaissance inscrite dans la Convention du droit de savoir la vérité. En outre, les principes directeurs de l’ONU pour la recherche des personnes disparues établissent que la recherche est une obligation continue qui doit commencer sans délai, être régie par des protocoles publics, menée en présumant que les personnes sont en vie et coordonnée entre les différentes institutions étatiques concernées.