Le Xinjiang est l’une des régions chinoises dont la population est la plus diversifiée sur le plan ethnique. Plus de la moitié de ses 22 millions d’habitant·e·s appartiennent à des groupes ethniques principalement d’origine turque et majoritairement musulmans, parmi lesquels les Ouïghours (environ 11,3 millions de personnes), les Kazakhs (environ 1,6 million) et d’autres populations dont les langues, les cultures et les modes de vie sont très différents de ceux des Hans, qui sont majoritaires en Chine « intérieure ».
Depuis 2017, sous prétexte de lutter contre le « terrorisme » et l’« extrémisme religieux », l’État chinois commet des violences systématiques et de grande ampleur à l’encontre des personnes musulmanes qui vivent dans le Xinjiang. On estime que plus d’un million de personnes ont été placées en détention arbitrairement dans des camps d’internement un peu partout dans le Xinjiang depuis 2017.
Le rapport d’Amnesty International intitulé « Comme si nous étions ennemis de guerre » - internements, torture et persécutions perpétrés à une échelle massive contre les musulmans du Xinjiang est le document le plus complet à ce jour sur la répression écrasante que subissent les Ouïghours, les Kazakhs et d’autres minorités ethniques à majorité musulmane dans le Xinjiang. La nouvelle enquête d’Amnesty International décrit les violations des droits humains perpétrées par les autorités chinoises dans le Xinjiang entre 2017 et 2021, y compris celles qui sont commises en dehors des camps d’internement. Essentiellement fondé sur des récits de première main recueillis par Amnesty International auprès de plus de 50 témoins et ancien·ne·s détenu·e·s de camps d’internement, qui pour la plupart ne s’étaient jamais exprimés publiquement jusqu’ici, le rapport aborde ce qu’ils ont vécu au moment de l’arrestation, à l’intérieur des camps d’internement et après leur libération des camps.
Les éléments que l’organisation a rassemblés fournissent une base factuelle qui permet de conclure que l’État chinois a perpétré au moins les crimes contre l’humanité suivants : emprisonnement ou privation importante de liberté physique en violation des règles fondamentales du droit international, torture et persécution.
Les autorités chinoises ont nié l’existence des camps d’internement jusqu’en octobre 2018, et ont ensuite affirmé qu’il s’agissait de centres de « formation professionnelle » gratuite et volontaire. Selon elles, l’objectif de cette formation est de dispenser un enseignement technique et professionnel pour permettre à ces personnes de trouver un emploi et de devenir des citoyens « utiles ». Les explications de la Chine, cependant, contredisent les informations recueillies auprès d’ancien·ne·s détenu·e·s faisant état de coups, de privation de nourriture et de détention à l’isolement.
La Chine a rejeté les demandes de la communauté internationale, y compris d’Amnesty International, l’appelant à autoriser des experts indépendants à se rendre librement dans la région du Xinjiang. En revanche, elle a multiplié les efforts pour faire taire les critiques en invitant des délégations de divers pays à se rendre au Xinjiang pour des visites soigneusement orchestrées et surveillées de près.
Il faut que la Chine ferme immédiatement tous les camps d’internement qui existent encore et libère toutes les personnes qui se trouvent dans ces établissements ou d’autres centres de détention – y compris les prisons – dans le Xinjiang, à moins que suffisamment d’éléments crédibles et recevables ne prouvent qu’elles ont commis une infraction reconnue par le droit international. Il est nécessaire qu’une enquête indépendante et efficace soit menée sur les présomptions de crimes contre l’humanité et d’autres graves violations des droits humains qui sont décrits dans le rapport « Comme si nous étions des ennemis de guerre ». Toutes les personnes raisonnablement soupçonnées d’être pénalement responsables de ces actes doivent être traduites en justice dans le cadre de procès équitables.