Jamshid Sharmahd, qui vit aux États-Unis, a été le porte-parole de l’Assemblée du royaume d’Iran (Anjoman-e Padeshahi-ye Iran), un groupe d’opposition iranien établi aux États-Unis qui prône le renversement du régime de la République islamique, y compris par la violence, et le retour à un Iran préislamique. Jamshid Sharmahd a également créé et géré le site Internet du groupe, Tondar, et animé ses émissions de radio et ses vidéos. Sur ce site Internet figurent des déclarations dans lesquelles l’Assemblée du royaume d’Iran revendique des attentats commis sur le territoire iranien.
La famille de Jamshid Sharmahd nie son implication dans les actes de violence qui lui ont été attribués par les autorités. Amnesty International craint que Jamshid Sharmahd ne soit condamné à la peine capitale car deux hommes, Mohammad Reza Ali Zamani et Arash Rahmanipour, ont été exécutés en Iran en janvier 2010, après avoir été condamnés à l’issue de procès manifestement iniques pour « inimitié à l’égard de Dieu » (mohareb), en raison de leur appartenance réelle ou supposée à l’Assemblée du royaume d’Iran.
Le 1er août 2020, le ministère du Renseignement a annoncé dans un communiqué que ses agents secrets, qualifiés de « soldats inconnus de l’imam Zaman », avaient arrêté Jamshid Sharmahd à la suite d’une « opération complexe », sans donner de précisions. Le même jour, le ministre iranien du Renseignement, Mahmoud Alavi, a déclaré que Jamshid Sharmahd était « fortement soutenu par les services de renseignement des États-Unis et d’Israël » et qu’il avait été « conduit » en Iran par le biais d’une « opération complexe » et placé sous la garde du ministère du Renseignement. De l’avis général, cela signifie qu’il a été enlevé par des agents des services iraniens de renseignement à l’étranger - Jamshid Sharmahd se trouvait aux Émirats arabes unis - et emmené de force en Iran.
Les « aveux » forcés de Jamshid Sharmahd ont été diffusés à maintes reprises à la télévision nationale iranienne pendant sa détention provisoire. Dans une vidéo de propagande, diffusée en janvier 2021, ses « aveux » sont entrecoupés d’extraits de ses émissions pour l’Assemblée du royaume d’Iran, et il est désigné comme le chef du groupe et qualifié de « terroriste ». Dans un épisode de la série télévisée de fiction Safe House produite en Iran, diffusé pour la première fois fin décembre 2020, Jamshid Sharmahd est désigné comme un membre de l’Assemblée du royaume d’Iran qui mène des activités « secrètes » et a des liens avec les États-Unis et Israël.
Lors d’une interview avec les médias, le 14 février 2021, Mahmoud Alavi a déclaré que le ministère du Renseignement avait contribué à la production de cette série télévisée. Au cours d’un appel téléphonique fin novembre 2020, Jamshid Sharmahd a dit à sa famille qu’il était incarcéré dans la prison d’Evin, à Téhéran ; cependant, lors d’appels ultérieurs, il a dit qu’il ne s’y trouvait plus mais qu’il ne savait pas où il était détenu. Il a également indiqué, lors d’un autre appel téléphonique, le 23 mars 2021, qu’il avait perdu près de 20 kg et que certaines de ses dents avaient été arrachées pendant sa détention, sans donner de détails.
Depuis 2019, Amnesty International a recueilli des informations sur deux autres cas de dissidents établis à l’étranger qui ont été enlevés par des agents iraniens des services de sécurité et de renseignement et ramenés de force en Iran.
Le journaliste dissident Rohoullah Zam, qui avait obtenu l’asile en France, a été enlevé lors d’un voyage en Irak en octobre 2019 par les pasdaran (gardiens de la révolution), apparemment avec l’aide des services de renseignement irakiens, et renvoyé contre son gré en Iran. Il a été exécuté en décembre 2020 à l’issue d’un procès manifestement inique (pour de plus amples informations, voir https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/12/iran-execution-of-journalist-rouhollah-zam-a-deadly-blow-to-freedom-of-expression/).
De même, le ressortissant irano-suédois Habib Chaab, un dissident politique de la minorité arabe ahwazie d’Iran, a « disparu » le 9 octobre 2020, juste après son arrivée en Turquie. Fin octobre 2020, les médias d’État iraniens ont annoncé son placement en détention en Iran et ont diffusé à la télévision des « aveux » dans lesquels il se disait coupable de crimes passibles de la peine capitale.
Tout État a le devoir de traduire en justice les responsables présumés d’actes criminels violents.
Cependant, toute personne arrêtée ou détenue du chef d’une infraction pénale, y compris en ce qui concerne les infractions liées au « terrorisme », doit être traitée dans le plein respect des obligations de l’Iran en matière de droits humains, et notamment voir respectés les droits constitutifs du droit à un procès équitable. Il s’agit notamment du droit de choisir son avocat, de bénéficier des services d’un avocat dès l’arrestation, pendant la phase précédant le procès et pendant le procès, d’être traduit dans le plus court délai devant un juge, de contester la légalité de la détention devant un tribunal indépendant et impartial, d’être présumé innocent, de garder le silence et de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s’avouer coupable, d’avoir pleinement accès aux éléments de preuve pertinents, de ne pas être détenu sur la base d’accusations formulées en termes vagues, d’interroger les témoins à charge et d’obtenir l’interrogatoire des témoins à décharge, d’être entendu équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial et d’avoir un jugement argumenté prononcé publiquement.
Amnesty International a recueilli des informations sur des violations systématiques du droit à un procès équitable en Iran dès l’arrestation et tout au long de l’enquête, du procès et de la procédure d’appel. Les tribunaux, généralement, ignorent les allégations de torture et autres mauvais traitements, n’ordonnent pas d’enquête, et s’appuient sur des « aveux » extorqués sous la torture pour prononcer des déclarations de culpabilité et des peines, y compris dans les affaires susceptibles d’aboutir à une condamnation à mort.