Écrire Doutes quant à l’aptitude mentale d’un condamné à l’approche de son exécution

Jack Greene, un homme âgé de 62 ans, doit être exécuté dans l’État de l’Arkansas le 9 novembre. Ses avocats affirment que son exécution serait contraire à la Constitution car il souffre d’un trouble psychotique qui l’empêche de comprendre son châtiment de manière rationnelle.
Jack Greene a été condamné en 1992 pour le meurtre de Sidney Burnett, commis en 1991. Des experts lui ont diagnostiqué un trouble psychotique, qui se traduit notamment par des croyances délirantes ayant trait à un complot entre ses avocats et l’État. Selon ses avocats, son handicap mental s’est aggravé depuis 2004, un an après que l’administration pénitentiaire l’a transféré à la Varner Supermax Unit, où il est détenu dans une cellule de 3,6 m x 2,3 m fermée par une lourde porte en acier. Ceux-ci indiquent qu’il a passé les 14 dernières années « dans un isolement quasi permanent, en quittant rarement sa cellule, même pour les visites de ses avocats ».

Depuis plusieurs années, Jack Greene a adressé de multiples courriers à des tribunaux pour se plaindre d’un complot entre ses avocats et les autorités visant à le blesser physiquement pour l’empêcher d’être ramené dans son État d’origine, la Caroline du Nord. En 2008, par exemple, il a écrit : « Mike Huckerbee, candidat à l’élection présidentielle américaine et ancien gouverneur de l’Arkansas, et Mike Beebe, ancien procureur général de l’Arkansas et gouverneur de l’État, tous deux bien au fait des problèmes politiques des procureurs nommés et affectés, passés ou actuels, ont influencé illégalement de hauts responsables de l’administration pénitentiaire de l’Arkansas pour qu’ils poussent des employés noirs du quartier des condamnés à mort à m’infliger sans cesse des lésions cérébrales au moyen de commotions, qui ont détruit mes 31 paires de nerfs spinaux. » Les examens médicaux pratiqués n’ont révélé aucun signe des blessures physiques évoquées par Jack Greene.

D’après ses avocats, le handicap mental de Jack Greene « se manifeste par un comportement physique étrange. Il lui arrive fréquemment de se contorsionner, de s’allonger par terre et de se tenir la tête en bas afin de prévenir ses douleurs physiques supposées. Il met généralement du papier ou un doigt dans son nez et ses oreilles. Cela le fait souvent saigner du nez, si bien que son visage est couvert de sang. Il a déclaré à ses avocats et à d’autres personnes qu’il devait utiliser ses toilettes comme bureau [...]. Il mange ses repas dans le lavabo. » Des membres du personnel pénitentiaire ont remarqué des comportements étranges et délirants.

En septembre 2017, un psychiatre engagé par les avocats de Jack Greene a conclu que ce dernier souffrait d’un « trouble psychotique » caractérisé principalement par « des délires somatiques et des délires de persécution » et qu’il « con[cevait] son exécution comme une étape de plus d’un plan global visant à lui faire du mal physiquement ». Dans son compte rendu, ce médecin souligne que l’histoire personnelle de Jack Greene « révèle plusieurs facteurs de risque pour le développement d’un trouble psychotique », notamment « de nombreux antécédents familiaux de grave maladie mentale », « l’extrême pauvreté », « l’exposition prolongée à de graves traumatismes dans l’enfance », « des lésions cérébrales traumatiques », « des antécédents d’automutilation » et « sa détention actuelle à l’isolement ». En octobre 2017, un psychologue également engagé par les avocats de Jack Greene a confirmé cet avis et lui a diagnostiqué un trouble délirant. Il a écrit : « Puisque M. Greene a intégré son exécution dans ses délires somatiques et de persécution, il n’a pas une compréhension rationnelle de celle-ci. »

Sidney Burnett a été tué en Arkansas quelques jours après que le frère de Jack Greene a été abattu en Caroline du Nord, l’État où la famille Greene habitait. Jack Greene a été reconnu coupable et condamné à la réclusion à perpétuité en Caroline du Nord pour le meurtre de son frère. Ce verdict été annulé en appel. Entretemps, Jack Greene a été extradé vers l’Arkansas aux termes d’un accord prévoyant qu’il serait ramené en Caroline du Nord si les poursuites en Arkansas « se terminaient autrement que par une condamnation à mort ».

En Arkansas, la condamnation à mort prononcée contre Jack Greene en 1992 a été annulée en appel en 1994. Il a été de nouveau condamné à mort en 1996. Il a entamé des démarches pour abandonner ses voies de recours, mais la cour suprême de l’Arkansas a rejeté sa demande. En 1998, cette juridiction a annulé sa condamnation à mort pour la deuxième fois. À l’issue d’une nouvelle audience consacrée à la détermination de la peine en 1999, il a encore été condamné à mort. Il a une fois de plus tenté d’abandonner ses voies de recours, et sa demande a finalement été acceptée. Son exécution, qui était prévue pour le 14 décembre 1999, a été suspendue par la cour suprême de l’Arkansas car un arrêt qu’elle avait rendu dans une autre affaire statuait que toutes les affaires dans lesquelles l’accusé encourt la peine de mort devaient faire automatiquement l’objet d’une procédure en appel. En 2001, cette juridiction a validé la condamnation à mort de Jack Greene.

En octobre 2004, les avocats de Jack Greene ont déposé un recours faisant valoir qu’il souffrait d’une déficience intellectuelle et que son exécution serait par conséquent contraire à la Constitution. Lors d’une audience devant une juridiction fédérale en 2010, Jack Greene a déclaré, malgré l’objection de ses avocats, qu’il souhaitait abandonner ce recours. Le juge a noté : « M. Greene a été amené jusqu’à la salle d’audience en fauteuil roulant. Son corps paraissait contorsionné et il avait d’énormes difficultés à se tenir debout et à contrôler ses mouvements. M. Greene a rédigé des déclarations sous serment et d’autres documents, dont certains datant de 2005, pour se plaindre que des employés de la prison le torturaient en claquant systématiquement la porte de sa cellule.

Selon les écrits de M. Greene, ce claquement incessant provoque chez lui d’intenses douleurs aux oreilles et a abîmé son système nerveux et sa moelle épinière. » Jack Greene a déclaré au juge : « Entre l’administration pénitentiaire et ce bureau de l’assistance judiciaire fédérale, ils ont perdu des centaines de milliers de dollars pour tenter de couvrir ces crimes contre l’humanité. » Le juge a demandé : « Quels crimes contre l’humanité ? », ce à quoi Jack Greene a répondu : « Infliger à une personne de telles blessures qui la forcent à vivre ainsi, puis dépenser des milliers et des milliers de dollars pour tenter de me faire passer pour un attardé uniquement pour essayer de couvrir tout ça. Je vis ainsi en permanence, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. C’est tout ce que je peux faire pour ne pas mourir de ces lésions à mon cerveau qui ont détruit mon système nerveux central. »

Lors d’une audience destinée à évaluer ses aptitudes mentales en 2011, la défense a fait intervenir un neuropsychologue et un neuropsychiatre qui ont confirmé que Jack Greene était inapte à prendre la décision d’abandonner son recours pour déficience intellectuelle en raison de son handicap mental, notamment de son trouble psychotique s’accompagnant de croyances délirantes. Une psychologue engagée par l’accusation a déclaré qu’à son avis, Jack Greene était apte, tout en reconnaissant que son « comportement consistant à se tordre et se contorsionner, à se tenir sur la tête et à se boucher les oreilles » était atypique.

En septembre 2017, Jack Greene a écrit au conseiller principal du gouverneur, en demandant que le gouverneur ordonne son retour en Caroline du Nord : « Dès que je n’arrêtais pas d’imposer les questions juridiques de mon retour en Caroline du Nord, exposées dans l’Accord exécutif entre l’Arkansas et la Caroline du Nord concernant mon “extradition”, l’administration pénitentiaire de l’Arkansas m’infligeait alors scandaleusement et sans arrêt depuis le 5 juillet 2004 des lésions cérébrales traumatiques au moyen de commotions ayant provoqué la destruction totale de mon système nerveux neurologique, qui m’a obligé à vivre depuis 13 ans totalement infirme, estropié et torturé, à subir et à souffrir si inhumainement 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, sans pouvoir marcher, etc. Les pages 40-41-42 décrivent les symptômes de longue durée de ces mutilations et tortures inhumaines depuis le 5 juillet 2004. »

Selon le droit constitutionnel des États-Unis, l’exécution de personnes qui ne comprennent pas de manière rationnelle le motif ou la réalité de leur peine est interdite. Le droit international et les normes internationales sur le recours à la peine capitale énoncent que ce châtiment ne peut pas être imposé ou appliqué à des personnes présentant une déficience intellectuelle ou un handicap mental. Cela est valable si l’accusé présentait un tel trouble au moment du crime, et aussi si ce trouble est apparu après la condamnation de l’accusé. Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. Depuis 1976, 1 463 personnes ont été exécutées aux États-Unis, dont 31 en Arkansas. Vingt-et-une exécutions ont déjà eu lieu cette année dans le pays, dont quatre en Arkansas, qui étaient les premières depuis 2005 dans cet État.

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