Écrire Un enseignant religieux détenu de manière arbitraire

Matar Younis Ali Hussein, enseignant religieux qui souffre de déficience visuelle, a été arrêté par le Service national de la sûreté et du renseignement (NISS) dans la ville de Zalingei, dans l’État du Darfour central, le 1er avril. Il est actuellement détenu au centre de détention du NISS situé dans la prison de Kober, à Khartoum, et s’est vu refuser la possibilité de consulter un avocat et de contacter sa famille. Fervent détracteur de la politique gouvernementale au Darfour, il risque d’être soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements en détention.
Âgé de 48 ans, Matar Younis Ali Hussein est enseignant à la mosquée de Zalingei. Ce père de huit enfants souffre de déficience visuelle. Le NISS l’a arrêté le 1er avril et l’a placé en détention dans la ville de Zalingei, dans le Darfour central, avant de le transférer quelques jours plus tard au centre de détention du NISS de la prison de Kober, à Khartoum.

Ses proches n’ont pas pu lui rendre visite lorsqu’il a été placé en détention à Zalingei. Ils n’ont toujours pas pu lui rendre visite à Khartoum. Matar Younis n’a pas non plus été autorisé à consulter un avocat. D’anciens détenus, qui l’ont rencontré à la prison de Kober, ont déclaré à Amnesty International qu’il n’a pas été inculpé et que les autorités carcérales ont refusé de lui fournir une canne pour l’aider à se déplacer dans la prison. Amnesty International craint que son maintien en détention arbitraire ne l’expose au risque d’être torturé ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements.

Matar Younis Ali Hussein est un fervent détracteur de la politique gouvernementale au Darfour. Récemment, il a critiqué publiquement le gouvernement pour avoir enrôlé des milliers de jeunes du Darfour dans les rangs de l’armée et distribué des armes dans la région. Il a également qualifié le processus de paix au Darfour de « fausse paix » et a demandé que les personnes déplacées au Darfour soient protégées.

Selon l’ONU, la situation générale du Darfour en termes de sécurité reste volatile, en raison du nombre croissant de groupes armés progouvernementaux et de groupes armés inconnus dans la région, ainsi que de l’absence d’avancées tangibles dans le processus de paix pour remédier aux causes et conséquences du conflit. Des informations font état de nombreux homicides illégaux visant des personnes déplacées et d’autres civils, mais aussi d’enlèvements, de pillages, de viols et d’arrestations arbitraires.

Malgré cela, le gouvernement soudanais persiste à déclarer que les conditions de sécurité se sont améliorées au Darfour et que la région est « stable ». De novembre 2017 à mars 2018, un déplacement massif de population a été causé par les luttes internes au sein de la faction Abdel Wahid de l’Armée de libération du Soudan (ALS) dans le Djebel Marra oriental et par les affrontements entre cette faction et les forces gouvernementales du Soudan.

Les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les autres formes de mauvais traitements sont courantes au Darfour. Les autorités soudanaises emploient couramment ces mesures répressives afin de réduire au silence la dissidence et de sanctionner les militants politiques hostiles au gouvernement, les défenseurs des droits humains, les militants de la société civile et les populatons déplacées au Darfour, sur la base de l’exercice pacifique de leur droit à la liberté d’expression et de réunion. Les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique sont extrêmement restreints au Darfour. Outre l’arrestation arbitraire et la détention de Matar Younis Ali Hussein, Amnesty International a reçu des informations crédibles confirmant que des dizaines de détenus du Darfour sont toujours emprisonnés dans des conditions très difficiles, sans inculpation ni jugement.
Le NISS dispose de vastes pouvoirs en matière d’arrestation et de détention en vertu de la Loi de 2010 relative à la sécurité nationale, qui lui permet notamment de maintenir des suspects en détention jusqu’à quatre mois et demi sans contrôle judiciaire, et ses membres usent de leur autorité pour procéder à des arrestations arbitraires et placer en détention des personnes, dont beaucoup se voient infliger des actes de torture et d’autres mauvais traitements. La même loi les protège de toute poursuite pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, d’où une culture prédominante de l’impunité. La modification de l’article 151 de la Constitution adoptée le 5 janvier 2015 a étendu le mandat du NISS, ce qui n’a fait qu’aggraver la situation. Cette modification a transformé le NISS : autrefois service de renseignement spécialisé dans la collecte et l’analyse d’informations et le conseil, il est devenu une agence de sécurité à part entière, dotée d’un vaste mandat lui permettant d’exercer toute une palette de fonctions qui sont habituellement celles de l’armée ou des organes chargés du maintien de l’ordre public. Le nouveau texte a accordé au NISS un pouvoir discrétionnaire illimité pour déterminer ce qui constitue une menace politique, économique ou sociale et comment y faire face. Ni la Loi relative à la sécurité nationale ni l’article 151 tel que modifié n’exigent, explicitement ou implicitement, que les agents du NISS respectent le droit international, régional et national applicable dans l’exercice de leurs fonctions.

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