Écrire Une étudiante détenue pour possession de livres « interdits »

Siti Noor Aishah, étudiante chercheuse, a été placée en « détention provisoire » pour possession présumée de 12 livres considérés comme « illégaux » par les autorités malaisiennes.

Siti Noor Aishah, 29 ans, étudiante chercheuse à l’Université de Malaya, est actuellement en « détention provisoire » dans la prison de Kajang, dans l’attente d’une audience devant la haute cour de Kuala-Lumpur, le 10 avril. Elle a été arrêtée pour la deuxième fois le 27 mars pour possession présumée de 12 livres attestant prétendument de son soutien à des groupes terroristes ou à la commission d’actes terroristes.

Sa première arrestation a eu lieu le 22 mars 2016 – des policiers armés de l’Unité malaisienne de lutte contre le terrorisme l’ont appréhendée après avoir encerclé son domicile, situé dans l’État de Terengganu. Siti Noor Aishah a été détenue à l’isolement dans un lieu inconnu durant 28 jours en application du Code pénal et de la Loi sur les infractions relatives à la sécurité (mesures spéciales). Pendant cette période, d’après l’ONG travaillant sur son cas, SUARAM, elle a été interrogée 12 heures par jour sur sa possession présumée de livres considérés comme « illégaux » par les autorités malaisiennes. Elle a ensuite été inculpée, en avril 2016, de « soutien à des groupes terroristes ou commission d’actes terroristes », en vertu du Code pénal. Le 29 septembre 2016, la haute cour de Kuala-Lumpur a ordonné sa mise en liberté, après avoir conclu que l’accusation n’avait pas réussi à prouver que les livres en sa possession avaient un caractère illégal. Le jour même de sa libération, Siti Noor Aishah a été arrêtée en vertu de la Loi sur la prévention de la criminalité et maintenue en détention durant 60 jours. Elle a ensuite été placée en résidence surveillée.

Sa deuxième arrestation, la plus récente, a eu lieu le 27 mars 2017, après que l’accusation, qui avait contesté la décision de la haute cour, eut obtenu gain de cause devant la Cour d’appel, qui a estimé qu’il fallait rejuger l’affaire. Siti Noor Aishah a été immédiatement placée en garde à vue. Aucune caution n’a été proposée et Siti Noor Aishah est actuellement détenue sans inculpation, dans l’attente de sa prochaine audience, qui doit avoir lieu le 10 ou le 11 avril.

Amnesty International est préoccupée par l’utilisation persistante par les autorités malaisiennes des lois relatives à la détention provisoire, qui leur permettent d’arrêter arbitrairement des personnes et de les détenir au secret – ce qui laisse à craindre que ces personnes ne soient torturées ou soumises à d’autres formes de mauvais traitements –, et de les empêcher de saisir la justice pendant une période pouvant aller jusqu’à 28 jours.

Amnesty International reste préoccupée par l’utilisation faite des lois relatives à la sécurité nationale et à la détention provisoire en Malaisie.
Par le passé, la Loi relative à la sécurité intérieure a été employée comme outil de répression contre l’opposition politique pacifique. Les personnes arrêtées au titre de cette loi pouvaient être maintenues en détention aux fins d’enquête, sans être jugées, pendant une période pouvant durer jusqu’à 60 jours. Au bout de ces 60 jours, le ministre de l’Intérieur pouvait ordonner leur maintien en détention pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans, renouvelable indéfiniment.

Au fil des ans, Amnesty International a recensé de nombreux cas de personnes détenues au titre de cette loi et soumises à des actes de torture et à d’autres formes de mauvais traitements.
La Loi de 2012 sur les infractions relatives à la sécurité (mesures spéciales), modifiée en avril 2015, a remplacé la Loi relative à la sécurité intérieure. Le gouvernement avait promis de remplacer la Loi relative à la sécurité intérieure par des lois permettant de « trouver un équilibre entre la sécurité nationale et les libertés individuelles ».

Cependant, la Loi sur les infractions relatives à la sécurité (mesures spéciales) n’est pas conforme aux normes internationales relatives aux droits humains telles qu’énoncées dans l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), instrument qui garantit le droit à l’accès sans entrave à un avocat et le droit d’avoir un accès entier et effectif à la vie carcérale de façon équitable. En effet, cette loi permet de placer des détenus à l’isolement, de les placer au secret durant 48 heures, et de les empêcher de saisir la justice et/ou de consulter un avocat pendant une période pouvant aller jusqu’à 28 jours.

À l’occasion d’une question parlementaire, le ministre adjoint de l’Intérieur a donné les indications suivantes : au total, 989 personnes ont été détenues au titre de cette loi entre le 31 juillet 2012 et le 22 février 2017 ; 363 d’entre elles ont été libérées, 139 font l’objet d’un procès et 502 ont été déclarées coupables.

La loi a été utilisée contre des personnes critiques à l’égard du gouvernement, comme on a pu le constater avec les cas de Maria Chin Abdullah, détenue pendant 11 jours en novembre 2016, et de Khairuddin Abu Hassan, placé en détention pour avoir signalé des faits de corruption. Il est inquiétant que les autorités invoquent de plus en plus souvent la sécurité nationale dans des circonstances diverses qui ne sont pas toujours assimilables à une menace pour la sécurité, au mépris des contre-pouvoirs destinés à contrôler l’action du pouvoir exécutif.

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