Écrire Des étudiants détenus pour avoir insulté le président

Quatre étudiants de l’Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ) en Turquie ont été arrêtés en raison d’une banderole sur laquelle figuraient des caricatures du président Recep Tayyip Erdoğan. Ils encourent jusqu’à quatre ans de prison pour avoir « insulté le président ».

Le 7 juillet, trois étudiants de l’Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ) ont été arrêtés car ils étaient soupçonnés d’avoir « insulté » le président turc au cours de la cérémonie de remise des diplômes organisée la veille. Ils avaient déployé une banderole sur laquelle figuraient des caricatures du président durant la parade des étudiants organisée traditionnellement dans le cadre de la cérémonie de remise des diplômes de l’ODTÜ. Un quatrième étudiant, qui aurait aidé les autres à transporter la banderole jusqu’au stade où se déroulait la cérémonie, et un commerçant, qui aurait imprimé la banderole en question, ont été conduits au poste pour être interrogés le lendemain, le 8 juillet.

Les étudiants ont été placés en garde à vue sans être inculpés jusqu’aux premières heures du 11 juillet, lorsque le tribunal pénal de paix n° 4 d’Ankara, vers 2h30 du matin, a ordonné leur placement en détention provisoire pour avoir « insulté le président », au titre de l’article 299/1 du Code pénal turc. Ils encourent des peines comprises entre un et quatre ans de prison s’ils sont poursuivis et déclarés coupables. Le commerçant arrêté pour être interrogé en même temps que le quatrième étudiant a bénéficié d’une libération conditionnelle peu après.

Sur la banderole offensante figurait une caricature publiée à l’origine dans le magazine satirique Penguen en 2005. Elle présentait le président Recep Tayyip Erdoğan dépeint sous les traits de plusieurs animaux. Au-dessus de l’image on pouvait lire « Maintenant c’est le royaume de Tayyip », une allusion aux pouvoirs que lui confère le nouveau système présidentiel. La caricature de Penguen a donné lieu à une plainte civile en diffamation déposée par Recep Tayyip Erdoğan en 2005. Les tribunaux turcs ont finalement mis le magazine totalement hors de cause, faisant valoir que l’image était protégée par le droit à la liberté d’expression et le droit de formuler des critiques à l’égard des responsables politiques.

La caricature de Penguen reproduite sur la banderole des étudiants a été publiée en 2005 en réaction à une décision de justice ordonnant au caricaturiste Musa Kart de verser des dommages et intérêts à Recep Tayyip Erdoğan, alors Premier ministre, pour l’avoir dépeint sous les traits d’un chat dans l’un des dessins humoristiques publiés par l’artiste. Erdoğan avait porté plainte au pénal pour diffamation contre Penguen pour cette caricature, affirmant : « Caricaturer le Premier ministre en animal n’est pas une liberté [fondamentale]. » La décision rendue contre Musa Kart a été annulée en appel par la suite, en 2006, tandis que les poursuites contre Penguen étaient rapidement abandonnées.

La détention des quatre étudiants s’inscrit dans un contexte de répression du droit à la liberté d’expression et d’intolérance croissante vis-à-vis des opinions et des formes d’expression dissidentes en Turquie. Depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, des centaines de journalistes ont fait l’objet de poursuites judiciaires et plus de 150 journalistes et autres professionnels des médias sont actuellement incarcérés en Turquie. Des défenseurs des droits humains, des acteurs de la société civile et d’autres ont fait l’objet d’enquêtes, de placements en détention et de condamnations alors qu’ils n’ont fait qu’exprimer de façon légitime des vues différentes de celles des autorités.

Au titre du Code pénal turc, la diffamation et l’« insulte au président » constituent des infractions pénales. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a demandé à plusieurs reprises la dépénalisation de la diffamation et l’abrogation des lois relatives au crime de lèse-majesté à travers le monde. La critique des autorités constitue une expression protégée par la Convention européenne des droits de l’homme, conformément à divers arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.

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