Écrire L’exécutif tente de resserrer son contrôle sur le pouvoir judiciaire

Le 22 novembre, des propositions de modifications législatives destinées à renforcer le contrôle de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire ont été présentées au Parlement polonais. Les législateurs sont amenés à se prononcer sur ces propositions dans les prochains jours. Si elles sont adoptées, le droit à un recours effectif et le droit à un procès équitable seront gravement menacés en Pologne.

Le Parlement polonais mène actuellement des débats sur des propositions de modification de la Loi sur le Conseil national de la magistrature et de la Loi sur la Cour suprême. Les modifications proposées permettraient au Parlement d’élire des juges au Conseil national de la magistrature, qui était jusqu’ici un corps de magistrats autonome, et abaisseraient l’âge de la retraite des juges de la Cour suprême en le ramenant de 70 à 65 ans, ce qui obligerait 40 % des juges actuels de cette juridiction à partir à la retraite. Tout juge de la Cour suprême souhaitant rester en poste devrait obtenir l’aval du président de la République.

Les deux propositions de modification sont actuellement débattues au Parlement. Si elles sont approuvées à la Chambre basse du Parlement, la Diète, elles seront transférées au Sénat, où elles feront l’objet d’un vote. Le président dispose d’un droit de veto à l’égard de toute proposition adoptée par le Parlement.

Le 24 juillet, le président a mis son veto à deux des trois propositions de modifications législatives qui menaçaient l’indépendance du pouvoir judiciaire, à la suite de manifestations nationales de grande ampleur dénonçant les changements proposés. Le président a rédigé de nouvelles versions de ces deux propositions et les a soumises au Parlement le 26 septembre.

Les propositions telles que modifiées par le Président portent atteinte au droit à un recours effectif et au droit à un procès équitable, consacrés à l’article 45 de la Constitution polonaise, ainsi qu’aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et aux articles 2(3) et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), instruments auxquels la Pologne est partie. Ces propositions de modifications législatives sont incompatibles avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Entre mai et juillet, le Parlement polonais a adopté quatre lois de « réforme » du pouvoir judiciaire. Ces réformes ont provoqué une forte réaction de la population, des organisations intergouvernementales et des ONG, qui ont exprimé leur inquiétude face au recul de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de l’état de droit en Pologne. Certains des changements proposés auraient permis au ministre de la Justice de contrôler la Cour suprême et la procédure de nomination et de révocation des juges, et risquaient de porter atteinte à l’indépendance du Conseil national de la magistrature. Le 24 juillet, le Président de la République a mis son veto aux propositions de modification de la Loi sur le Conseil national de la magistrature et de la Loi sur la Cour suprême.

Ce veto a été, au moins en partie, provoqué par des manifestations de grande ampleur contre ces propositions, qui ont fait descendre dans la rue des milliers de personnes dans plus de 50 villes un peu partout en Pologne. La réaction brutale de l’État à ces manifestations, en particulier dans les environs du Parlement et au Palais présidentiel, a limité les capacités de mobilisation des manifestants. Des dizaines d’entre eux sont actuellement poursuivis au pénal pour avoir participé à ce mouvement de protestation. Pour ces militants, la perspective de bénéficier d’un procès équitable sera sérieusement compromise si le pouvoir judiciaire est placé sous le contrôle de l’exécutif.

Le 25 juillet, malgré ses deux vetos, le président a signé une proposition de modification de la Loi sur les juridictions de droit commun. Les modifications proposées sont entrées en vigueur en août. La loi ainsi modifiée étend les prérogatives du ministre de la Justice, lui permettant de remplacer les présidents et vice-présidents des juridictions de droit commun, et introduit des âges de départ à la retraite différents pour les juges selon qu’il s’agit d’hommes ou de femmes. Depuis le mois d’août, le ministre a remplacé plus de 40 présidents de tribunaux, ce qui soulève des inquiétudes quant aux motivations politiques qui sous-tendent les changements apportés à l’appareil judiciaire. La Commission européenne a réagi en engageant une procédure d’infraction contre la Pologne pour non-respect de la législation de l’Union européenne.

La nouvelle version de la proposition de modification de la Loi sur le Conseil national de la magistrature (CNM), soumise au Parlement par le président de la République, confère au Parlement le pouvoir de choisir la majorité des juges siégeant à ce Conseil, qui est l’organe constitutionnel chargé de garantir l’indépendance des tribunaux et des juges. Cette proposition est contraire à la Constitution polonaise, qui exige la séparation des pouvoirs responsables du choix des membres du CNM. Les membres devraient être élus par des représentants du pouvoir judiciaire et non du pouvoir législatif.

En vertu des dispositions en vigueur, 15 juges sont élus par les organes autonomes de l’appareil judiciaire, quatre juges sont membres de la Chambre basse du parlement (la Diète) et deux sont membres du Sénat. La proposition du président prévoit en outre la révocation du mandat des membres actuels du CNM après l’élection des nouveaux membres par le Parlement. Cette révocation pourrait être exécutée environ 30 jours après l’entrée en vigueur de la modification.

La deuxième proposition de modification de la Loi sur la Cour suprême abaisse l’âge de départ à la retraite des juges de cette juridiction, actuellement de 70 ans, pour le ramener à 65 ans. Ceux qui souhaiteraient rester en poste après avoir atteint l’âge de la retraite devraient obtenir l’aval du président de la République. De plus, la proposition met fin au mandat de l’actuelle présidente de la Cour suprême. Pour rester en poste, il lui faudrait solliciter l’accord du président de la République.

Ce renforcement des pouvoirs du président sur la Cour suprême équivaut à une ingérence directe de l’exécutif dans le système judiciaire. Autre sujet d’inquiétude, l’introduction du concept de « plainte extraordinaire », qui permet à la Cour suprême de réexaminer les décisions de toutes les juridictions de droit commun qui sont devenues définitives au cours des cinq dernières années et, le cas échéant, de les annuler.

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