Écrire Exécution prévue dans une affaire où la condamnation repose sur des preuves indirectes

Robert Melson doit être exécuté en Alabama le 8 juin. Il a été déclaré coupable sur la base de preuves indirectes et condamné à mort en mai 1996 pour un triple meurtre commis au cours d’un vol à main armée en 1994. Il a toujours affirmé ne pas avoir participé à ce crime.

Le 15 avril 1994 peu avant minuit, deux hommes au visage couvert ont attaqué à main armée un restaurant Popeye’s situé à Gadsden, en Alabama. Trois employés, Nathaniel Baker, 17 ans, Darrell Collier, 23 ans, et Tamika Collins, 18 ans, ont été abattus. Un quatrième, Bryant Archer, âgé de 17 ans, a été blessé par balle mais a survécu. Il a identifié l’un des assaillants comme étant Cuhuatemoc Peraita, qui avait quitté son poste au restaurant une semaine auparavant, mais n’a pu décrire le second que comme un « homme noir ». La police a intercepté Robert Melson et Cuhuatemoc Peraita dans la voiture de ce dernier vers 1 h 20 le 16 avril et les a arrêtés.

Cuhuatemoc Peraita, alors âgé de 17 ans et atteint d’un handicap mental, a fait une déposition mettant en cause Robert Melson. Celui-ci, qui avait alors 22 ans, a nié son implication. Aucune des empreintes digitales relevées ne correspondaient aux siennes. Aucune trace de sang ni autre indice médicolégal n’a été trouvé sur ses vêtements ou ses chaussures. Le ministère public s’est appuyé sur un témoignage d’expert selon lequel une empreinte de pas découverte dans un fossé à proximité était similaire à la semelle gauche de Robert Melson. Cette empreinte a été prélevée dans une zone non sécurisée cinq jours après le crime, au cours desquels il a plu, mais la défense n’a présenté aucun expert pour contester la théorie de l’accusation. Dans un rapport présenté en 2016 sur l’expertise médicolégale dans les affaires pénales, le Comité de conseillers en matière de science et de technologie du président des États-Unis a conclu : « Il n’existe aucune étude scientifique pertinente confirmant la validité des analyses d’empreintes de pas pour associer des empreintes de semelles à des chaussures précises sur la base de marques distinctives. Ce type d’associations n’est corroboré par aucun élément scientifique valable ni par aucune estimation de leur pertinence et n’est donc pas valide scientifiquement. »

L’arme du crime appartenait à Cuhuatemoc Peraita, dont le frère s’en est débarrassé après les faits et y a conduit les policiers. Cuhuatemoc Peraita a été condamné à la réclusion à perpétuité en mars 1996, un mois avant le procès de Robert Nelson. En 2001, Cuhuatemoc Peraita a été condamné à mort pour le meurtre d’un de ses codétenus. Il a depuis indiqué que Robert Melson n’avait pas participé aux meurtres de 1994. En 2001, il a précisé qu’il avait attaqué le restaurant avec « quelqu’un d’autre » et qu’il était ensuite passé prendre Robert Melson près du bar Frankie’s. Il a déclaré : « J’étais défoncé et [les policiers] m’ont fait peur pour que je dise que Robert m’avait aidé à braquer Popeye’s. Il ne l’a pas fait ! » En 2002, il a expliqué qu’il n’avait pas témoigné au procès de Robert Melson car le procureur voulait qu’il dise que celui-ci l’avait accompagné chez Popeye’s. « Il n’était pas avec moi ce soir-là chez Popeye’s, a-t-il insisté. C’est la vérité ! »

Lors du procès de Robert Melson, le ministère public a décrit des lettres qu’il avait envoyées à une amie comme une tentative visant à créer un faux alibi selon lequel il était avec elle au bar Frankie’s au moment du crime. Le procureur a réussi à obtenir un témoignage de cette personne indiquant qu’elle ne l’avait pas vu du tout au cours des deux mois précédant les faits. Elle affirme aujourd’hui qu’elle a en réalité vu Robert Melson au bar Frankie’s entre 23 heures et 23 h 30 le 15 avril 1994. D’après le dossier de recours en grâce, plusieurs autres témoins de l’accusation ont contredit leur déposition présentée au procès ou admis que celle-ci était fausse. L’un des jurés du procès a signé une déclaration sous serment indiquant : « Sur la base de ces nouveaux éléments, ajouté ceux présentés lors du procès, je n’aurais pas conclu à la culpabilité de M. Melson au-delà de tout doute raisonnable. »

Aucune juridiction n’a examiné le fond de l’affaire dans les procédures en appel de Robert Melson car ses avocats ont manqué les délais pour déposer des recours. Lorsque la gouverneure Kay Ivey a autorisé l’exécution de Thomas Arthur le 25 mai 2017, elle a déclaré : « Son dossier a été examiné de manière approfondie à tous les niveaux de nos juridictions étatiques et fédérales, et la procédure d’appel a permis de garantir la protection des droits de l’accusé. » Elle ne peut pas en dire autant dans le cas présent.

L’affaire Robert Melson est tombée sous le coup de la Loi de 1996 relative à la répression du terrorisme et à l’application de la peine de mort (AEDPA), qui impose des délais stricts aux prisonniers formant des recours en constitutionnalité, limite la capacité des juridictions fédérales à réexaminer les décisions des juridictions étatiques, restreint leurs possibilités d’accorder et de conduire des audiences consacrées à l’examen des éléments du dossier, et interdit les recours « successifs » sauf dans certaines circonstances très limitées. Aux termes de cette loi, les personnes détenues dans des prisons d’État doivent introduire leurs requêtes en habeas corpus au niveau fédéral dans un délai d’un an après leur condamnation définitive, c’est-à-dire confirmée à l’issue de la procédure d’appel directe (obligatoire) au niveau de l’État. Ce délai est suspendu le temps qu’un recours en appel devant une juridiction d’État (autre que la procédure d’appel directe) soit déposé en bonne et due forme et tant qu’une décision n’a pas été rendue dessus.

La procédure d’appel directe de Robert Melson a pris fin le 5 mars 2001, quand la Cour suprême des États-Unis a refusé d’examiner son cas. Par conséquent, son second recours en appel devant une juridiction d’État devait être déposé avant le 6 mars 2002 pour suspendre le délai d’un an applicable pour déposer un recours fédéral. Étant donné que les autorités de l’Alabama ne fournissent pas d’avocats aux accusés indigents encourant la peine capitale dans les procédures en appel au niveau de l’État, Robert Melson n’était plus assisté juridiquement lorsque sa procédure d’appel directe a pris fin. Environ huit mois plus tard, il a été informé qu’une avocate bénévole du Colorado avait été trouvée pour le représenter en appel au niveau de l’État. Elle lui a rendu visite en décembre 2001 et lui a assuré que, même si elle n’était pas habilitée à exercer son métier en Alabama, elle obtiendrait le statut nécessaire pour le représenter. N’ayant plus de nouvelles d’elle, Robert Melson lui a écrit en février 2002 pour lui dire qu’il n’arrivait plus à dormir car il ne savait pas si le délai de la loi AEDPA avait expiré. Le 4 mars 2002, l’avocate a déposé un recours devant une juridiction d’État. Cependant, elle n’avait pas obtenu le statut juridique lui permettant de le faire en Alabama et n’avait pas « confirmé » le recours comme l’exige la législation de cet État. La juridiction a rejeté ce recours au motif qu’il n’avait pas été déposé en bonne et due forme. L’avocate a déposé un recours modifié avec la confirmation requise le 25 mars 2002, soit 19 jours après l’expiration du délai imposé par la loi AEDPA.

Le 17 octobre 2002, la juridiction d’État a refusé de passer outre le délai, en arguant que le recours modifié ne soulevait aucun point factuel ou juridique significatif et ne comportait aucun argument sur la base duquel une exonération pouvait être accordée. Ses avocats n’ont pas fait appel de cette décision en bonne et due forme et le recours qu’ils ont formé a été rejeté pour cause de délai expiré le 16 décembre 2002. Le 11 février 2003, le parquet de l’Alabama a adressé un courrier à Robert Melson pour lui annoncer que l’État fixerait une date d’exécution si aucun recours fédéral n’était déposé, en précisant qu’il estimait qu’un tel recours serait hors délai. Finalement, par le biais d’un autre avocat, un recours fédéral a été déposé le 13 décembre 2004, plus de deux ans après l’expiration du délai imposé par la loi AEDPA. En 2011, un juge d’une cour fédérale de district a rejeté le recours pour cause de délai expiré, en ne trouvant aucune justification au fait que le recours au niveau de l’État n’avait pas été déposé en bonne et due forme avant l’expiration du délai imposé par la législation fédérale. En 2013, la cour d’appel du onzième circuit a confirmé ce refus, en concluant : « M. Melson n’a pas exercé une diligence raisonnable [...] pour veiller à ce que sa requête en habeas corpus au niveau fédéral soit déposée en temps voulu. »

Le 26 mai 2017, la gouverneure Ivey a promulgué la Loi relative à l’équité de la justice, qui vise à réduire le délai entre les condamnations à mort et les exécutions en Alabama. Le procureur général de l’État l’a remerciée d’avoir pris cette décision « afin que la justice puisse être rendue en Alabama comme elle devrait l’être, d’une manière équitable et prompte ». Selon les opposants à cette loi, dont l’Association des avocats américains (ABA), elle augmentera le risque d’exécuter des personnes innocentes. Parmi les personnes condamnées à tort dans des affaires où elles encouraient la peine de mort en Alabama figure Ray Hinton, qui a été finalement acquitté et libéré en 2015 après presque 30 années passées dans le couloir de la mort.

Douze exécutions ont déjà eu lieu cette année aux États-Unis, ce qui porte à 1 454 le nombre de personnes auxquelles les autorités de ce pays ont ôté la vie depuis la reprise de cette pratique en 1977, après l’approbation de la nouvelle législation relative à la peine capitale par la Cour suprême fédérale en 1976. Parmi ces exécutions, 59 ont eu lieu en Alabama, où la dernière en date a été réalisée le 25 mai 2017 (voir https://www.amnesty.org/fr/documents/amr51/6373/2017/fr/). Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. À l’heure actuelle, quelque 141 pays sont abolitionnistes en droit ou dans la pratique.

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