Écrire Exécution prévue pour un condamné atteint d’un cancer

Doyle Hamm, qui doit être exécuté dans l’Alabama le 22 février après avoir passé 30 ans dans le quartier des condamnés à mort, a obtenu un sursis, mais le parquet a fait appel. Il est atteint d’un cancer de la lymphe. Son exécution par injection létale pourrait être inconstitutionnelle en raison de l’état de ses veines.

Dans la nuit du 24 janvier 1987, Patrick Cunningham a été tué par balle lors d’un vol qualifié dans un motel à Cullman, dans l’Alabama, où il travaillait comme réceptionniste. Après la fusillade, un homme et une femme qui ont été arrêtés dans une voiture aperçue plus tôt au motel ont affirmé à la police que Doyle Hamm les avait kidnappés. Par la suite, ils ont reconnu qu’ils étaient les complices de Doyle Hamm et ont affirmé qu’il avait tiré sur la victime.

Lors du procès de Doyle Hamm en 1987, ces deux personnes ont témoigné pour l’accusation, obtenant en contrepartie de plaider coupables pour des infractions moins graves, non passibles de la peine capitale, pour lesquelles elles ont été condamnées à des peines d’emprisonnement. Doyle Hamm a été déclaré coupable de meurtre passible de la peine capitale. Après une journée consacrée à la détermination de la peine, au cours de laquelle son avocat n’a présenté que 19 minutes de témoignages (de deux témoins), n’a cité aucun expert en santé mentale et n’a produit aucune des preuves de lésions cérébrales qui seraient révélées en appel, le jury s’est prononcé par 11 voix contre une en faveur de la peine de mort.

Le 9 novembre 1987, le juge a tenu une audience sur la détermination de la peine. Le magistrat a relevé que Doyle Hamm était l’un des 10 enfants d’un homme qui était un « gros buveur et avait passé du temps en prison », et qui « essayait d’inculquer à ses enfants l’idée que s’ils ne volaient pas, ils n’étaient pas un Hamm ». Le juge a noté que les sept frères de Doyle Hamm avaient purgé ou purgeaient une peine de prison, ce qui était en soi une indication de « la terrible influence » que la conduite « irresponsable et déplorable » de leur père avait sur leur vie, et « avait eu une influence absolument néfaste » sur Doyle Hamm. Le juge a ensuite accepté la recommandation du jury concernant la peine de mort.

Doyle Hamm avait 29 ans au moment des faits. Il aura 61 ans le 14 février 2018. En 2014, les médecins ont découvert une tumeur derrière son œil gauche et ont diagnostiqué un cancer de la lymphe. Il a été traité par radiothérapie et par chimiothérapie. En raison de son cancer, du traitement qu’il a suivi et de l’utilisation antérieure de drogues par voie intraveineuse, ses veines sont « gravement endommagées », et son avocat fait valoir que son exécution par injection létale entraînerait des souffrances considérables et inutiles et serait inconstitutionnelle.

Le 6 février 2018, une juge d’une cour fédérale de district a estimé que l’avocat avait « une forte probabilité de succès sur le fond » de la requête en inconstitutionnalité, et a ordonné la suspension de l’exécution prévue pour le 22 février. Ce sursis est destiné à lui permettre de charger un expert médical indépendant d’examiner Doyle Hamm et de donner un avis sur l’état actuel de son lymphome, le nombre et la qualité des veines « périphériques » accessibles (au niveau des bras, des mains, des jambes ou des pieds) et, si ces veines ne sont pas utilisables, d’indiquer si l’hypertrophie des ganglions lymphatiques compromettrait les efforts déployés pour trouver une « ligne centrale d’accès » dans la veine jugulaire (au niveau du cou), la veine sous-clavière (près de la clavicule) ou la veine fémorale (au niveau de l’aine). Le parquet l’avait engagée à rejeter sommairement la requête. Le 7 février, le ministère public a saisi la cour d’appel en vue d’obtenir la levée du sursis. Le 6 février, un recours en grâce a été formé auprès de la gouverneure.

Maintenir la peine de mort, c’est maintenir le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. La cruauté ne se limite pas à la chambre d’exécution. En 1890, la Cour suprême des États-Unis a reconnu la « terrible » incertitude qu’un condamné à mort devait endurer en attendant son exécution. Dans cet arrêt, a noté un juge en 2015, la Cour « évoquait un délai de quatre semaines seulement » entre la condamnation et l’exécution, alors qu’aujourd’hui « nous parlons de délais qui se mesurent non pas en semaines, mais en dizaines d’années ». Doyle Hamm a été maintenu dans cet état durant 30 ans - soit plus de 11 000 jours et nuits de « terrible » incertitude. D’après son avocat, Doyle Hamm, malgré sa situation, a fait « des progrès remarquables et réussi sa réhabilitation ».

Dans sa décision du 6 février 2018 quant au sursis, Karon O. Bowdre, la présidente de la cour fédérale du district nord de l’Alabama, a écrit : « nul ne conteste » que Doyle Hamm a « des antécédents médicaux nombreux et complexes » ni que ses antécédents de consommation de drogues injectables « rendent difficile l’accès à ses veines périphériques ». Elle a ajouté : « il existe un véritable contentieux sur la question de savoir si M. Hamm dispose d’un accès veineux périphérique adéquat pour permettre [à l’État] de l’exécuter sans passer par une ligne centrale. Et il existe un véritable contentieux sur la question de savoir si M. Hamm présente dans des parties de son corps une lymphadénopathie [hypertrophie des ganglions lymphatiques] qui rendrait extrêmement dangereuse l’insertion d’une ligne centrale [...] Si son état de santé est tel qu’il l’affirme, son exécution serait inutilement douloureuse et dangereuse ».

L’avocat actuel de Doyle Hamm assure sa défense depuis 28 ans. Dans la requête en grâce qui vient d’être déposée auprès de la gouverneure, il déclare : « Doyle Hamm est aujourd’hui doublement condamné à mort : par l’État de l’Alabama et, dans un avenir très proche, par son cancer. » Selon lui, son client est « extrêmement fragile » et souffre de « douleurs importantes » pour lesquelles il prend des « analgésiques puissants ». Il est « déjà presque mourant » et chercher à l’exécuter « est purement sinistre ».
Il y a 27 ans, en 1991, l’avocat de Doyle Hamm, après sa condamnation, a fait appel au titre de la « Règle 32 » des Règles de procédure pénale de l’Alabama.

Après une audience en 1999, le tribunal de première instance a rejeté ce recours. La décision du juge reprenait textuellement la « proposition d’avis juridique » que le ministère public avait déposée auprès du tribunal un jour ouvrable plus tôt. Lors d’une plaidoirie devant la cour d’appel fédérale du 11e circuit en 2014, l’un des trois juges a dit à l’avocat du ministère public : « il est un peu étrange, n’est-ce pas, que le juge saisi au titre de la Règle 32 de l’Alabama reprenne les propositions de constatations et de conclusions du ministère public, soit 89 pages, et les dépose comme les siennes propres le jour suivant leur réception, sans même prendre le temps de supprimer le mot "propositions" ? Voilà qui n’inspire guère confiance dans le système judiciaire de l’État de l’Alabama, n’est-ce pas ? [...] Je vous le dis : je ne crois pas une seconde que le juge ait lu attentivement 89 pages en une journée avant de les déposer comme siennes. Comme s’il avait tout examiné, parcouru ses notes, le procès-verbal, les éléments de preuve, etc. C’est tout simplement impossible ! Tout simplement impossible.

 » Le juge du 11e circuit a ensuite évoqué la déférence à laquelle les juges fédéraux sont tenus vis-à-vis des décisions des tribunaux des États au titre de la Loi de 1996 relative à la répression du terrorisme et à l’application de la peine de mort, ajoutant : « Je vous le dis, cela me reste en travers de la gorge. » Le collège de trois juges a confirmé la condamnation à mort en 2015, tout en « critiqu[ant] fortement la pratique des tribunaux de première instance consistant à adopter en bloc et sans recul critique les décisions proposées ou les avis soumis par une partie dominante ».
Cette « forte » critique était néanmoins une vaine condamnation - réduite à une note de bas de page, le collège soulignant : le « raccourci procédural [du juge de première instance] n’a aucune incidence sur notre décision quant à la requête en habeas corpus fédéral de Hamm ».

En ce qui concerne la performance de l’avocat intervenu en première instance lors de l’audience de détermination de la peine en 1987, le collège a reconnu « l’environnement terriblement violent dans lequel Hamm a été élevé » mais a estimé que le jury avait reçu suffisamment d’informations, malgré la brièveté de la présentation des circonstances atténuantes.

Sur les 1 468 exécutions recensées aux États-Unis depuis 1976, année de l’approbation par la Cour suprême fédérale d’une nouvelle législation sur la peine capitale, 61 ont eu lieu dans l’Alabama. Amnesty International est catégoriquement opposée à la peine de mort, quelles que soient la nature du crime commis et la méthode d’exécution utilisée.

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