Écrire Exécution prévue pour un condamné qui n’a pas commis d’homicide

La date d’exécution de Jeffery Wood a été fixée au 24 août. Cet homme a été condamné à mort en 1998 pour un meurtre commis lors du braquage d’une supérette en 1996. Il se trouvait à bord d’une camionnette devant le magasin lorsque le crime a eu lieu.

Kriss Keeran a été abattu dans une supérette Texaco à Kerrville le 2 janvier 1996. Daniel Reneau, 20 ans à l’époque, et Jeffery Wood, un jeune homme alors âgé de 21 ans qui vivait dans une caravane à proximité, ont été arrêtés. Il ne fait aucun doute que Daniel Reneau a commis le meurtre pendant que Jeffery Wood attendait dehors. Daniel Reneau a été jugé en 1997 et exécuté en 2002.

Jeffery Wood souffre de troubles émotionnels et d’une déficience intellectuelle, avec un QI évalué à plusieurs reprises à 80 environ. À l’âge de 12 ans, il a été décrit, à l’issue d’un examen psychologique, comme « hyperactif », « extrêmement impulsif » et « très perturbé ». Comme il remplissait les critères de reconnaissance du handicap, il a été placé dans une école spécialisée. À la suite du meurtre de Kriss Keeran, qui a eu lieu une dizaine d’années plus tard, Jeffery Wood a d’abord été déclaré inapte à être jugé au motif qu’il souffrait de délires et qu’il n’était pas en mesure de saisir les tenants et les aboutissants de sa situation. Il a été admis dans une institution psychiatrique publique. Au bout de deux semaines d’observation seulement, le personnel hospitalier l’a jugé capable parce qu’il comprenait la procédure d’un point de vue factuel mais n’a pas pris en considération sa capacité d’aider de façon rationnelle les avocats chargés de le représenter.

Lors du procès de 1998, Jeffery Wood a demandé à renvoyer ses avocats après que le jury l’a reconnu coupable et a indiqué au juge qu’il ne procèderait pas à un contre-interrogatoire des témoins. Le juge n’a pas accédé à sa demande car il estimait qu’il ne disposait pas des capacités mentales nécessaires pour assurer lui-même sa défense mais il n’a pas cherché, à ce stade, à établir plus globalement si Jeffery Wood était en capacité d’être jugé. En 2005, un juge fédéral a conclu que, pourtant conscients du fait qu’il « exprimait des idées suicidaires », les avocats de la défense n’avaient formulé « aucune demande visant à évaluer la capacité » de leur client et avaient suivi ses « directives suicidaires » pendant la phase de condamnation. Il a poursuivi en indiquant que la « phase de détermination de la peine ne remplissait pas les critères les plus élémentaires d’une procédure véritablement contradictoire ».

Au Texas, une personne ne peut être condamnée à mort si le jury ne reconnaît pas sa « dangerosité future ». Pendant la phase de condamnation de Jeffery Wood, le ministère public a appelé James Grigson, un psychiatre décrié que l’on surnomme « Dr Death » parce qu’il témoigne régulièrement au Texas dans des procès où l’accusé encourt la peine capitale en affirmant avec certitude que celui-ci commettra d’autres actes de violences, raison pour laquelle, en 1998, il avait déjà été radié de l’ordre des psychiatres américains. Cela n’a pas empêché le ministère public de présenter ce témoignage, sans informer le jury de la radiation de James Grigson. Dans le même temps, les avocats de la défense n’ont opposé aucun argument, cité aucun témoin ni présenté aucune circonstance atténuante. Ils sont « restés muets » pendant tout le procès, a indiqué le juge fédéral en 2005.

Une quarantaine de dignitaires religieux du Texas et d’autres États ont demandé que Jeffery Wood soit gracié, en déclarant : « Notre foi nous impose de nous exprimer dans cette affaire, où une date d’exécution imminente menace la vie d’une personne qui souffre d’une importante déficience intellectuelle et n’aurait jamais dû être condamnée à mort [...]. Nous sommes profondément inquiets lorsque le système judiciaire conclut que des membres de la société parmi les plus vulnérables peuvent être exécutés et éliminés. »

Dans la requête déposée auprès du Comité des grâces et des libérations conditionnelles du Texas, il est écrit que trois des jurés présents au procès de Jeffery Wood étaient mal à l’aise quant aux circonstances dans lesquelles la condamnation à mort avait été décidée. Dans une déclaration sous serment datant de 2000, l’un d’un a expliqué : « Personne dans le jury ne voulait déclarer Wood coupable et le condamner à mort [mais] les questions qui nous ont été posées au nom de l’État pendant la phase de détermination de la peine ne nous ont pas donné d’autre choix que de demander la peine capitale. » Dans des déclarations signées en 2009, le deuxième juré a indiqué : « Les trois questions posées au jury pendant la phase de condamnation ne nous ont pas laissé une grande marge de manœuvre [et] nous n’avons pas pu décider du châtiment. » Le troisième a ajouté : « Pendant les délibérations, la loi a été présentée au jury de telle manière qu’il nous était impossible de voter la réclusion à perpétuité. » Par ailleurs, trois anciens jurés se sont dits favorables à la grâce. L’un d’eux a déclaré : « Au vu des circonstances qui entourent le témoignage du Dr Grigson, je pense que l’État du Texas devrait gracier Jeffery Lee Wood et commuer sa peine en réclusion à perpétuité. Je suis convaincu désormais que Jeffery Lee Wood ne mérite pas la peine de mort. » La deuxième a dit « ne pas croire que Jeffery Lee Wood mérite la peine de mort » et être convaincue que « l’État du Texas devrait commuer sa peine en réclusion à perpétuité ». Pour le troisième, cela « ne poserait aucun problème si l’État jugeait bon de commuer la peine [de Wood] en réclusion à perpétuité ».

Le système d’application de la peine capitale aux États-Unis est frappé au coin de l’arbitraire, entaché de discrimination et marqué par des erreurs. Aux termes de la Constitution, ce châtiment est réservé aux crimes les plus graves et aux accusés déclarés coupables au plus haut degré mais, dans les faits, il est souvent prononcé lorsque les personnes mises en cause ne disposent pas des ressources suffisantes pour préparer une défense efficace ou lorsque le lieu du crime relève de la compétence d’un parquet plus volontariste en ce qui concerne le recours à la peine capitale ou doté de moyens lui permettant de l’infliger plus fréquemment que d’autres.

Dans une lettre rédigée deux mois avant son exécution, en juin 2002, Daniel Reneau a écrit : « De nombreux détenus et gardiens m’ont demandé pourquoi j’étais là et j’ai toujours pensé que c’était une bonne question. Je n’essaie aucunement de minimiser ce que j’ai fait ni de me décharger de toute responsabilité. Je suis ici parce que j’ai braqué une station-service et tiré une balle sur l’employé qui s’y trouvait. Je ne dis pas que je ne devrais pas purger une peine quelque part [...]. Je suis loin d’être parfait mais, si on compare mon affaire et mon passé à ceux d’autres détenus qui ne sont pas dans le couloir de la mort, ce n’est pas très logique. Rien qu’au Texas, de nombreux détenus ont commis des homicides, voire de multiples homicides, et n’ont pas été condamnés à mort pour autant [...]. »

Le Comité des grâces et des libérations conditionnelles du Texas a déjà recommandé de commuer les peines de deux condamnés à mort qui n’avaient pas commis eux-mêmes le meurtre en question : Kenneth Foster (2007) et Robert Thompson (2009). Dans le recours en grâce de Jeffery Wood, il est indiqué que sa culpabilité « n’est pas supérieure à celle de Foster ou de Thompson. » Jeffery Wood avait un casier judiciaire vierge et n’avait pas d’antécédents de violence. Aucun des éléments présentés lors du procès n’indiquait que cet homme s’était trouvé en possession d’une arme à un quelconque moment de sa vie, et pas uniquement pendant le crime.

Sur les 1 437 exécutions auxquelles ont procédé les États-Unis depuis 1977 et la révision des lois relatives à la peine capitale, 537 ont eu lieu au Texas. Depuis le début de l’année 2016, 15 condamnés ont été mis à mort dans cinq États : la Géorgie (six), le Texas (six), l’Alabama (un), la Floride (un) et le Missouri (un). Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances.

Nom : Jeffery Wood
Homme

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